2.1.2. La situation politique

Comment se présentait le Rwanda politique à l’arrivée des blancs ? Cette question ayant été objet de contradictions au cours de l’histoire, nous retenons la version suivante, qui nous semble la plus vraissemblable. Vers la fin du 19ème siècle, ‘“ le Rwanda était constitué d'un noyau central sous l'administration directe du mwami (roi) et de sa Cour, de zones périphériques sous le contrôle nominal de délégués du mwami, et de zones où le gouvernement central exerçait une influence mais qu'il ne contrôlait pas effectivement. La forme et l'impact du contrôle central étaient déterminés par plusieurs facteurs, dont la durée de l'implantation tutsi et de l'incorporation dans le royaume, l'organisation politique régionale, la valeur stratégique de la région et les besoins particuliers de l'administration centrale. Particulièrement les régions situées sur les versants de la crête Congo-Nil, bien que nominalement soumises au mwami du Rwanda, conservaient une grande autonomie et une attitude insoumise. Le fait que le royaume rwandais central soit dirigé par des Tutsi n'empêche pas que certaines autorités tutsi se soient également opposés à la politique d'assimilation de la Cour royale. C'était le cas, notamment, au Gisaka à l'est, et au Kinyaga à l'ouest’  ” 66 .

A l’arrivée des blancs, le climat politique était marqué par un élément qui avait perturbé l’ordre politique : un coup d’état du mwami (roi), connu sous l’expression ‘’coup d’état de Rucunshu’’ (1896). La thèse de Mbonimana 67 décrit cet événement : En 1895, le roi Rwabugiri mourut au cours d'une campagne contre le Bushi. Il laissait le tambour à son fils adoptif Rutarindwa, sous le nom dynastique de Mibambwe. Celui-ci ayant perdu sa mère, Rwabugiri avait imposé comme reine mère adoptive sa préférée Kanjogera, du clan des Bega, le clan le plus fort politiquement après celui des Banyiginya, auquel appartenaient les rois.

En 1896, la cour envoya, au Kinyaga, une armée chargée de combattre les Européens installés à Shangi (Sud-Ouest du pays). Les troupes rwandaises perdirent le combat et plusieurs soldats y laissèrent leur vie. Parmi eux, le chefBisangwa, hutu élevé à la cour et totalement rallié à Rutarindwa. On dit que la mort de Bisangwa fut une grande perte pour Rutarindwa.

Peu après cette défaite, la reine mère adoptive Kanjogera et ses frères Kabare et Rwidegembya, tous du clan des Bega, ouvrirent un complot visant à assassiner le roi Rutarindwa et à mettre à sa place le jeune Musinga. Les conjurés n'épargnèrent aucun effort pour attirer de leur côté des hommes influents attachés à Rutarindwa.

Quand l'affrontement entre les deux parties fut déclenché, les troupes de Rutarindwa ne purent pas le rejoindre en temps voulu. Vaincu, Rutarindwa mourut dans les flammes de sa hutte en même temps que sa femme Kanyonga et ses trois enfants. L'on dit que les morts de Rucunshu furent nombreux.

Musinga fut aussitôt proclamé roi par son oncle Kabare et régna sous le nom dynastique de Yuhi. Ce fut aussi le début du règne des Bega, qui s'attacheront à éliminer physiquement l'opposition, formée entre autres des fils de Rwabugiri.

Ces conflits de Rucunshu, comme ceux qui suivront, traduisent l'amour du pouvoir, l'intolérance extrême de toute opposition et le refus de la monopolisation du pouvoir. Ce conflit opposait les Tutsi entre eux; après, il a opposé les Hutu et les Tutsi, les Hutu entre eux, les partis mixtes etc.

Notes
66.

REYNTJENS (F). op. cit., p.91

67.

MBONIMANA (G). L’instauration d’un royaume chrétien au Rwanda (1900-1931). Thèse de doctorat, université Catholique de Louvain, 1981, p ;IX-XII