En 1917, les premières mesures ont été prises : un Tutsi dépouillant un Hutu de ses récoltes les lui rendra en double, un Tutsi envoyant paître son bétail dans des plantations du Hutu payerait à ce dernier le double de dégâts causés; il était défendu aux notables d'exiger des prestations non prévues par la coutume. Le respect de ces règles n'a pas été facile; les administrateurs, devant à la fois protéger les faibles et consolider le pouvoir des puissants, optèrent en général pour la voie la plus facile : soutenir l'autorité des puissants. C'est dans ce sens que R. Bourgeois regrette qu'on ait trop souvent considéré comme excellents éléments les Tutsi qui faisaient le mieux exécuter les travaux imposés par l'administration dans leurs circonscriptions, fermant les yeux sur les abus qu'ils commettaient à l'égard de leurs administrés, violant le droit commun et les prescriptions de la coutume amendée par les blancs.
Toujours en 1917, le mwami fut contraint à promulguer une autre décision importante: doubler la superficie des lopins de terre attribués à chaque foyer Hutu, grâce surtout à la récupération des bas-fonds marécageux jusqu'alors accaparés par les propriétaires vachers pour la pâture en saison sèche.
En 1924, l'esclavage domestique fut aboli et les esclaves encore détenus par les notables libérés. Il était prévu des peines de un à cinq ans de servitude pénale pour celui qui, d'une manière quelconque, réduirait un indigène en esclavage ou le maintiendrait dans cet état.
En 1924, les prestations imponoke, indabukirano, et abatora, qui donnaient lieu à des abus, furent simplement supprimés. Le tribu ‘’ikoro’’ (dû au roi pesant théoriquement sur tous les habitants) ne serait plus recouvré par ses propres collecteurs traditionnels, mais par les soins des chefs et des sous-chefs.
En 1931, fut organisé un ordre limité de prestations, notamment l'ikoro, qui était remplacé par le paiement d'une somme d'un franc (1F) et les ibihunikwa (prestations en vivres, objets et redevances spéciales pour les chefs et les sous-chefs), dont le taux était fixé clairement : les taux annuels furent, par HAV (homme adulte et valide), de un kilo de petits pois ou de haricots et deux kilos de sorgho pour le chef, et de deux kilos de petits pois ou haricots et quatre kilos de sorgho pour le sous-chef. Ce même texte fixa les prestations politiques imposées aux Tutsi : les chefs devaient se rendre quinze jours par an à la cour du mwami et les sous-chefs devaient faire la cour à leur chef pendant dix à douze jours par an.
Dans les années 1933-1934, le rachat des ibihunikwa aux chefs et aux sous-chefs fut organisé. Toutes les prestations, non manuelles, purent dès lors être rachetées à des taux allant de 1.50 francs à 3 francs, acquittés tout comme l'ikoro lors du paiement de l'impôt de capitation (impôt, taxe par individu).
Il fut plus facile de faire des retouches au régime des prestations dites "coutumiers" autres que celles rendues en "travail" (corvée = uburetwa). Jusqu'à son abolition, en 1937, la coutume d'uburetwa avait été considérée comme essentielle à l'ordre social et politique d'après l'administration coloniale. C'est surtout par le droit coutumier aux prestations du travail que se traduisait l'autorité du chef ou du sous-chef sur les sujets. Privé de ce droit, il n'aurait plus ni prestige, ni pouvoir.
En 1924, uburetwa qui, au début de l'occupation belge était, par ménage (= urugo), le travail de deux jours sur cinq ou 146 jours par an, fut réduit à 2 jours sur sept. En 1927, les prestations furent ramenées à un jour sur sept par famille, ou au maximum de treize jours par an et par mâle adulte et valide. Sur la base d'un simple calcul, l'administration estimait que cette réduction constituait un progrès considérable; en réalité, la réforme pouvait constituer une charge accrue pour bon nombre d'hommes Hutu, parce que ce qui avait été précédemment une obligation imposée à un groupe devenait une obligation individuelle imposée à chaque adulte mâle.
REYNTJENS (F). op. cit., p. 133-138