2.2.1.3. Nouvelles formes de prestations indigènes.

Selon Reyntjens 75 , celles-ci sont détribalisées et généralisées à toute la population tant hutu, et tutsi que twa. Avec la monnaie, qui était entrée dans l'usage des Rwandais à partir de 1936, il fut permis aux indigènes travaillant régulièrement dans une entreprise européenne de racheter les corvées "uburetwa". Implicitement, cela veut dire que l'administration reconnaissait la "détribalisation" de certains indigènes. Et en 1944, il fut décidé, sur l'avis conforme du mwami et de son conseil, de permettre à tous les indigènes sans exception le rachat facultatif des prestations coutumières en travail.

A côté du rachat des corvées, il y eut l'impôt de capitalisation, qui fut introduit en 1917, d'un montant initial de 3,5 francs par homme adulte valide (HAV), il fut ensuite différencié en fonction du niveau économique de chaque territoire, pour atteindre une moyenne de 7,5 francs en 1927, 15 francs en 1930, 30 francs en 1940 et 46 francs en 1945.

L’autre forme de prestation amenée par les blancs est l'akazi, c'est-à-dire les travaux rémunérés d'intérêt public, notamment en matière de voirie, salubrité publique, alimentation de populations, etc…

Les possibilités de racheter les différentes prestations ont changé profondément les rapports dominants/dominés qui existaient auparavant; les abus exercés directement sur les personnes dominées durant l'opération de telle ou telle autre prestation devaient sensiblement diminuer et les indigènes devaient se sentir plus libres vis-à-vis de leurs chefs, même s’il était dur de se procurer l'argent qu'il fallait pour ce rachat.

Un autre élément nouveau dans ces rapports dominants/dominés consiste dans le fait de généraliser les prestations à tout le monde : cette situation devait conduire à un sentiment d'égalité et de fraternité chez les rwandais qui, jadis, étaient séparés par l'esprit de supériorité chez les uns et de frustration chez les autres.

Si ces nouvelles formes de prestations avaient été accompagnées d'une éducation progressive à l'égalité des hommes, à leurs droits et à leurs devoirs vis-à-vis d'eux-mêmes et des autres, leur instauration aurait constitué un début d'esprit citoyen, ce qui n'a pas été le cas ; ce fut plutôt une forme de privation forcée de droits ‘’légitimes’’ pour certains, et un don de droits "illégitimes" pour d’autres.

Notes
75.

REYNTJENS (F). op. cit., pp. 139-140