Les premières élections locales (1960)
Des élections communales furent organisées en 1960, avec le concours de l'autorité coloniale. Ce furent des élections au suffrage universel direct de la population adulte et de sexe masculin. Les résultats se présentèrent comme suit 137 :
| Territoires | % de votants |
Sièges à pourvoir | Parmehutu | Aprosoma | Rader | Unar | Autres |
| Kigali | 87 | 378 | 280 | 0 | 87 | 0 | 11 |
| Astrida | 75 | 357 | 237 | 223 | 28 | 0 | 49 |
| Nyanza | 57 | 321 | 257 | 10 | 5 | 4 | 45 |
| Gitarama | 95 | 259 | 233 | 0 | 13 | 1 | 12 |
| Changugu | 83 | 237 | 190 | Cartel avec Parmehutu | 11 | 12 | 24 |
| Kibuye | 78 | 190 | 158 | 0 | 13 | 0 | 19 |
| Ruhengeri | 95 | 367 | 359 | 0 | 4 | 0 | 4 |
| Kisenyi | 89 | 299 | 257 | 0 | 6 | 0 | 36 |
| Kibungo | 23 | 270 | 160 | 0 | 38 | 39 | 33 |
| Byumba | 87 | 267 | 259 | 0 | 4 | 0 divers |
4 6 |
| Total | 78 | 3125 | 2390 | 233 | 209 | 56 | 243 |
| Résultats | 100 | 70,4 | 7,4 | 6,6 | 1,7 | 7,9 |
La lecture du tableau montre que le parti Parmehutu sort très victorieux, avec 70,4 de sièges emportés, au moment où ses adversaires n’arrivent même pas à 10%.
Proclamation de la République
J. Karibwami décrit l'esprit dans lequel la République fut institutionalisée au Rwanda:
‘“ La révolution rwandaise allait donc franchir le pas le plus décisif en fait de rupture avec l'ancien régime. Les partis politiques hutu, manifestement exaspérés par l'incompréhension de l'ONU et forts de l'audience qu'ils avaient auprès du peuple, décidèrent de proclamer la République. Ils avaient, on peut le penser, quelque présomption de ne pas être contrariés par la Belgique sur un point aussi capital. (…) Il n'avait pas été difficile de convaincre la majorité hutu que la monarchie rwandaise avait été inséparable des privilèges de l'ethnie tutsi. Dans son bon sens, le peuple, sans qu'il ait eu besoin de lire Marx, percevait le lien qui existait entre l'Etat rwandais traditionnel dont la monarchie était la base et des intérêts particuliers. Si le pouvoir qui achevait d'effacer l'humiliation des Hutu et leur apportait l'espoir d'être compris, défendus et respectés, portait un nom nouveau - République - cela importait vraiment peu. Le président de la République fut un temps appelé dans la propagande des partis un "mwami élu par la population". Puis le nom de président fut totalement adopté ”138KARIBWAMI (J). op.cit., pp. 494-495.’C’est dans cet esprit que, le 28/1/1961 à Gitarama (centre du pays), au cours d'une grande réunion où étaient convoqués tous les Bourgmestres et tous les conseillers des communes du Rwanda, les membres de l'Assemblée et du gouvernement provisoires rwandais ainsi que les dirigeants des partis politiques, fut proclamée la République. Le but annoncé de la réunion était de chercher les moyens de favoriser davantage et de consolider la paix. 138
Les principales décisions prises ce jour là furent que Kalinga, les biru, l'organisation féodale doivent disparaître pour faire place à la démocratie ; le roi devait cesser de régner ; le drapeau vert, jaune, rouge serait désormais le symbole du Rwanda ; seule la République était le régime qui répondrait aux aspirations du pays.
Ce même jour, on procéda à l'élection du président de la République. Il y eut 4 candidats issus des partis Parmehutu, Aprosoma, Aredetwa et Apadec.
On procéda également à l'élection de l'assemblée générale (44 membres). Chacun des dix territoires, qui seraient désormais désignés sous le nom de préfectures, avait droit à un nombre de députés proportionnel à l'importance du nombre de ses habitants. Furent élus 40 Parmehutu et 4 Aprosoma. La nouvelle Assemblée élit son président.
A la même occasion, il fut créée une Cour suprême, et le président de la République rwandaise (D. Mbonyumutwa) a proclamé 8 points 139 devant guider la République rwandaise et reflétant l'esprit de la Constitution:
‘“Le Rwanda est une République démocratique et souveraine,’Quand on lit la description de la journée du 28/1/1961, on a l'impression d'être devant un peuple uni, responsable de son avenir, avancé dans la démocratie, décidé à construire un Etat -nation, où chacun a la parole pour ce qui le concerne. ‘“C’était le peuple lui-même qui décidait de son destin, établissait la base de tout pouvoir politique. Il ne subissait plus le sort que lui avaient imposé dans l'histoire antérieure rois, princes, aristocrates. Toutes les régions du Rwanda représentées à Gitarama décidaient du sort commun du pays et établissaient les bases d'une nouvelle unité nationale. Les distinctions fondées sur l'ethnie, la classe sociale étaient abolies, ne pouvant plus trouver leur justification ’ ” 140 La sérénité et la compréhension qui ont caractérisé les événements révolutionnaires de Gitarama étaient le signe de la joie du peuple de participer aux décisions concernant son destin ainsi que de l'espoir qu'il mettait dans les nouvelles institutions qui, enfin, allaient leur amener la liberté, la justice, l'égalité et l'épanouissement dans ses droits et ses devoirs civiques. Cependant, l'avenir comptait énormément de problèmes difficiles à résoudre et d’inattendus.
NKUNDABAGENZI (F). Rwanda politique 1958-1960, Bruxelles, CRISP, 1961, p.272.
Idem, p.496
Idem. p.498
Idem, p.499