En 1762, Jean-Jacques Rousseau, dans le Contrat Social, “ ‘tout en faisant retour aux sources antiques de la citoyenneté, fournit la définition moderne de ce terme : le citoyen est entendu dans un sens participatif et actif ; être citoyen n'est pas un titre qui procurerait des privilèges mais c'est la possibilité de participer aux affaires publiques. L'abbé Sieyes, juste avant la révolution française, dans son opuscule "Qu'est-ce que le Tiers Etat ?" (1789), fixera les critères de citoyenneté : les citoyens sont soumis aux mêmes lois, ils se définissent par l'égalité devant la loi et ils ont vocation à participer à la vie publique (…). C'est aussi dans la seconde moitié du 19ème siècle que l'on distinguera les notions de nationalité et de citoyenneté, la première étant le lien d'un individu à un Etat, la seconde signifiant l'égalité devant la loi et la participation aux affaires publiques. Le système colonial, de façon cynique, mettra l'accent sur cette distinction : les "indigènes" étant bien des nationaux français soumis à l'Etat français, tout en n'étant pas des citoyens’ ” 223 .
L'auteur conclut que: " ‘la citoyenneté est un idéal collectif"; “ le citoyen apparaît donc comme l'individu conscient d'appartenir à une communauté, les masses ne pouvant intervenir dans le champ politique que si elles sont constituées d'individus conscients et agissant dans le sens de l'intérêt général’ ” 224 .
En cette fin du 20è siècle, beaucoup de considérations sont émises sur la citoyenneté. Patrice Meyer-Bisch et ses collaborateurs ont réfléchi sur elle et sur ce qu'ils appellent "les citoyennetés modernes’’. Ils considèrent que c'est un concept à double logique : en extension et en limitation.
‘“ La citoyenneté est un concept en extension, dans la mesure où elle indique qu'un individu peut toujours participer à plus de responsabilités (dans l'exercice des nouvelles citoyennetés) Il faut apprendre à oser, à imaginer d'autres façons de vivre, de s'organiser. Il ne s'agit pas de partager des responsabilités comme on partagerait un gâteau. S'il y a un partage évident des tâches, les grandes responsabilités, celles qui touchent la justice et la dignité humaine, restent communes en démocratie : nous sommes tous responsables de la faim, de la guerre, du chômage, de la pauvreté" 225 .S'agissant des citoyennetés modernes, l’auteur fait remarquer que:
‘“ Dans la crise de croissance des démocraties, secouant non seulement celles qui naissent ou renaissent ici et là, mais aussi celles qui sont le fruit d'une longue tradition, il s'agit de développer ce qu'il est convenu de nommer de "nouvelles citoyennetés". Par cette expression, on entend généralement le développement de la participation des personnes et des communautés à l'intérêt général au-delà des formes étatiques (élections, votes, droit d'être élu) et des protestations publiques dans la rue ou les médias. En dehors de cette expression formelle, il reste au citoyen la possibilité de participer aux associations syndicales et politiques et de s'exprimer en utilisant les moyens qui sont à sa disposition par la presse, dans la rue, sur le lieu de travail.L'analyse de Meyer P. Bisch rejoint celle d'A. Mougniotte sur les manières d'entendre et de mettre en oeuvre le rôle du citoyen.
La première est liée au statut juridique du citoyen ;
‘“ cette notion ambiguë désigne d'abord en effet, simplement, le statut juridique dont disposent ceux qui, se différenciant des "étrangers", des "barbares", jouissent de divers droits, notamment celui de détenir les charges publiques, d'exercer certaines professions et, surtout de voter; cela est lié à la possession de la nationalité ou, pour ceux qui ne sont pas ressortissants d'origine, s'obtient par la procédure de naturalisation, selon les modalités fixées par le législateur. Mais elle désigne aussi une certaine manière de réagir à ce statut, c'est-à-dire de corréler ces droits avec des devoirs. Un citoyen, en ce sens, est celui qui ne dispose pas avec indifférence de sa nationalité, mais veut mettre en oeuvre les responsabilités qu'elle lui paraît comporter; se sentant membre de diverses collectivités, il souhaite participer à leur dynamique et les faire bénéficier de ses propres capacités, en vue d'objectifs qui lui semblent mériter d'être poursuivis. C'est en ce sens qu'on parle de "bons citoyens", de "civisme" ou, dans un langage plus moderne et dépourvu de moralisme, de "citoyens actifs". Ce sont des personnes qui, à la fois, disposent du statut et jouent volontiers un rôle au sein de collectivités dont ils sont membres. ” 228 ’La deuxième est liée à l'émergence de ce qui est aujourd'hui appelé "société civile", dont les caractéristiques sont données par A. Mougniotte :
‘“ cette locution (…) désigne globalement, de nos jours, la dynamique sociale multiforme qui ne procède ni de l'Etat, ni des pouvoirs publics, mais des initiatives variées, d'ordre relationnel ou associatif, de personnes ou de groupes qui entendent, en prenant diverses initiatives à portée collective, rester indépendants des instances officielles.En définitive, nous retenons, avec P. Meyer et ses collaborateurs, que la citoyenneté est la capacité d'un individu de reconnaître les valeurs éthiques fondamentales, d'effectuer ses choix et d'agir dans ce respect avec la conscience d'appartenir à un corps social organisé. Cette conscience va de la citoyenneté de proximité (le quartier ou la commune) à la citoyenneté globale (le patrimoine mondial). Etre citoyen, c'est être le partenaire lucide de plusieurs responsabilités communes, auxquelles on participe en s'informant et en informant, en travaillant, en consommant,... 230
Idem, p.13
Idem, p. 13
MEYER-BISCH (P.). La culture démocratique: un défi pour les écoles, Unesco, 1995, pp. 16-17
Idem, p.13
Idem, p.140
MOUGNIOTTE (A). L'Ecole de la République, P.U.L., 1996, pp. 46-47
MOUGNIOTTE (A). op.cit., pp.47-48
MEYER–BISCH (P) et coll. Op. cit., pp 140-141