1.1.5. La citoyenneté et la démocratie

La formule classique de la démocratie y voit "le gouvernement du peuple par le peuple", comme le rappelle Mougniotte 231 . ‘“ Cela le distingue, dit-il, de l'aristocratie, de la stratocratie, de l'autocratie, de la ploutocratie, de l'oligarchie, de la bureaucratie... Cependant, continue-t-il, sans être fausse, cette formulation demeure vague: à quels signes, en effet, reconnaître qu'il y a "gouvernement du peuple par le peuple ”? J. Maritain, quant à lui, en propose deux, associés: c'est “ un régime où le peuple prend lui-même en main ses destinées politiques par les gouvernants qu'il se choisit et par le contrôle régulier que ses représentants élus exercent sur celui-ci"; d'où la différence avec ceux dans lesquels "les chefs de secteur technologique déterminent à eux seuls les destinés du peuple’  ” 232 .

Commentant cette définition, Mougniotte fait remarquer que les modalités de prise en main de ses destinées politiques par le peuple, restent très variables, tantôt effectives, tantôt symboliques, de même que celles du contrôle. Selon que l’on a à faire à une démocratie directe ou représentative, le rôle de la population dans les politiques est différent.

L'idée de démocratie comporte deux caractéristiques qu’il relève: ‘“ La première est la reconnaissance officielle de la souveraineté du peuple, c'est-à-dire que la légitimité des institutions publiques et de leurs compétences respectives est subordonnée à l'acquiescement qu'il leur a donné; la seconde est que les détenteurs des pouvoirs ainsi instaurés les exercent sans détournement ni abus, au service de ceux qui les leur ont confiés. Mais une troisième s'impose: c'est que les décideurs légalement élus s'avèrent fidèles aux voeux des électeurs et que ceux-ci se reconnaissent en eux. ’ 233

Et Paul Valadier compléte la définition du concept de "démocratie" en donnant ses vertus. Il écrit: la démocratie ‘ne consiste pas seulement en un ensemble d'institutions juridiques, si nécessaires soient-elles, mais aussi et surtout en une culture; et cette culture s'acquiert patiemment et lentement, elle consiste en vertus morales et politiques rigoureuses, quoi que toujours menacées: goût de la liberté plutôt que conformisme passif, sens de la responsabilité; de l'inventivité et du travail plutôt que repos sur les consignes reçues, respect de l'opinion d'autrui et du pluralisme plutôt qu'obéissance aveugle ou mépris de l'adversaire, sens critique sainement développé plutôt qu'adulation envers l'autorité, goût du risque plutôt qu'abri derrière les consignes du parti, etc’ …” 234 .

Quant au rapport à établir entre la citoyenneté et la démocratie, la réponse est donnée dans les lignes suivantes 235  : ‘“ Certes, il n'y a de citoyens que dans une démocratie car, au moins en principe, et même si elle a une logique délégataire qui consiste à s'en remettre aux élus, elle prévoit leur association au pouvoir; dans un régime autocratique, où celle-ci leur est refusée, il n'y a que des "sujets". C'est la logique même de la notion de démocratie qui comporte de stimuler la participation’ . ”

Dans la définition des citoyennetés modernes, il est aussi question de responsabilité :

‘“ beaucoup plus que la situation de celui qui dispose des droits et prérogatives, voire des privilèges, que lui confère la législation en vigueur, la citoyenneté vise la perception, par chacun de sa responsabilité. Celle-ci tient au fait d'être, partiellement ou totalement, cause d'un événement : elle consiste, pour chacun, à devoir rendre compte de sa part de causalité devant une autorité, que ce soit une juridiction pénale, civile ou administrative ou la conscience personnelle. Avoir le sens ou le sentiment de la responsabilité, c'est la percevoir de manière adéquate, c'est-à-dire évaluer correctement ce dont on est, on devrait être ou devenir, la cause, et se conduire en conséquence. Si, donc, le citoyen dispose de son statut par naissance ou naturalisation, il ne doit pas y être indifférent et se contenter d'en exploiter les avantages; il lui reste à discerner les devoirs correspondants ” 236 .’

Alors, si le citoyen doit prendre ses responsabilités, c'est-à-dire agir selon que son devoir de citoyen le lui demande, il faut que ce soit dans un système socio-politique où la dignité humaine, les droits de l'homme et le désir de promotion personnelle soient respectés; la démocratie est indissociable de ces valeurs, s'en réclame, et ce sont elles qui la justifient, comme l'a écrit Mougniotte 237 . Que ce soit dans ces aspects de participation et de responsabilisation, la démocratie s'avère une condition indispensable à l'exercice de la citoyenneté.

Notes
231.

MOUGNIOTTE (A). op. Cit., p.39

232.

MARITAIN (J). Pour une philosophie de l'éducation. Pairs, Fayard, Ed. 1969, p.121.

233.

MOUGNIOTTE (A). op. cit. p.40

234.

VALADIER (P). Europe de l'Esprit. la Croix, 1991, p.26

235.

MOUGNIOTTE (A). L’école de la République, op. cit., p.47

236.

MOUGNIOTTE (A). op. cit., p.86

237.

MOUGNOTTE (A).op. cit., p. 63