Après avoir étudié l'évolution du concept "citoyenneté", sur sa signification actuelle et sur les idéologies qui l'entourent, voyons sa situation réelle.
Aujourd’hui, le souci des hommes de construire une cité planétaire se fait de plus en plus entendre. Comme l’exprime Camara Boubacar 254 , on ne peut pas rester indifférent à la condition des autres. Le malheur des uns ne doit pas faire le bonheur des autres ; le malheur des exclus est aussi le malheur de l’humanité entière, écrit-il. En 1972, les idées de Camara, écrites dans une vision économique, avaient été évoquées en termes éducatifs par Edgar Faure 255 , qui trouvait que les pays développés dont les systèmes éducatifs paraissaient satisfaisants, ne pouvaient pas tourner le dos à ceux qui pataugeaient encore, sur la même planète. Dans le même sens que Camara, Edgar Faure remarque que “ ‘la grande mutation en cours met en cause l'unité de l'espèce, son avenir, l'identité de l'homme en tant que tel. Ce qui est à redouter, continue-t-il, ce n'est pas seulement le spectacle pénible de graves inégalités, de privations et de souffrances, mais une véritable dichotomie du genre humain, qui éclaterait en groupes supérieurs et groupes inférieurs, en maîtres et en esclaves, en surhommes et en hominiens. Il en résulterait non seulement des risques de conflits et désastres (car les moyens actuels de destruction massive peuvent très bien se trouver placés à la disposition de groupes dépourvus et révoltés) mais un risque essentiel de déshumanisation, qui atteindrait indifféremment les privilégiés et les sacrifiés. Car chaque homme se trouverait offensé de l'offense faite à la nature de l'homme ”’ ‘ 256 ’ ‘.’
Dans ce souci de construire une "cité planétaire", des réflexions en éducation se multiplient et abondent dans le sens de l'éducation à une nouvelle citoyenneté, humanitaire. C'est ainsi que nous pouvons également lire : “ ‘Savoir- vivre avec la diversité qui nous entoure est l'un des plus grands défis qu'ont à relever les sociétés dans lesquelles nos enfants grandissent. Dans un monde où les cultures sont au contact les unes des autres et s'inter-pénètrent de plus en plus, l'éducation doit désormais enseigner en priorité les valeurs et les compétences indispensables pour apprendre à vivre ensemble’ ” 257 .
Même si les termes utilisés dans cet extrait pouvaient être les mêmes que ceux qui s'adresseraient à une éducation destinée aux peuples (groupes sociaux différents) d'une même nation ou d'une même communauté restreinte, il faut voir dans cet appel une ambition plus large, concernant les peuples du monde entier dans leurs diversités. C'est cette idée qui est clarifiée dans ce passage : ‘“ Une citoyenneté active est indispensable pour l'avenir de la société planétaire en train de se dégager de l'ensemble complexe des systèmes et institutions mondiaux qui caractérisent le monde actuel. Les processus de construction nationale qui ont été prédominants pendant les deux derniers siècles ont abouti à une éducation pour la citoyenneté nationale. A présent, le processus de mise en place de la paix commande d'ajouter à la citoyenneté nationale le sens des responsabilités à l'égard d'une société planétaire et la capacité d'y participer, autrement dit, la citoyenneté mondiale. Sans être essentiellement différentes des capacités qu'exige la citoyenneté nationale, celles que requiert la citoyenneté mondiale appellent néanmoins, outre un supplément de complexité des contenues enseignés, un élargissement certain de l'horizon’ ” 258 .
BOUBACAR (C.) Savoir co-devenir, Contribution à une nouvelle philosophie de l’éducation à l’aube du 3è millénaire, Unesco, Paris, 1996, pp.51-53
FAURE (E) & coll. Apprendre à être, Unesco, Paris, 1972, préambule XXIV-XXV
Idem
REARDON (B.A). La tolérance, porte ouverte sur la paix, unité pour l'enseignement primaire, Paris, Unesco, 1997, préface.
Idem, p. 27