1.2.1.3. La citoyenneté moderne tend à changer les rapports classiques entre l'Etat et le citoyen

Les rapports liant le citoyen à l'Etat consistaient dans le fait que celui-ci était le garant du respect des droits et des devoirs du citoyen; ces droits et ces devoirs étaient institués en l'honneur des citoyens, pour les différencier des étrangers (ou des esclaves) dans ce pays. Comme nous l'avons vu, un bon citoyen, selon la tradition, est celui qui remplit ses devoirs en respectant la loi et qui fait tout en privilégiant les intérêts collectifs de l'Etat-nation et non ses intérêts personnels ou ceux d'un groupe de personnes. Ce groupe peut être une communauté restreinte, un clan, une tribu, une ethnie, une région, etc.

Aujourd'hui, des éléments nouveaux, liés à la citoyenneté moderne, viennent perturber cet ordre ancien. Il y a ces sociétés civiles dont nous avons parlé plus haut; elles se veulent indépendantes des instances officielles, ont une certaine méfiance vis-à-vis de l'Etat, qui ne peut plus satisfaire tous les besoins des citoyens, et veulent une certaine autonomie vis-à-vis de lui 261 , et tout cela au nom de la démocratie.

C'est dans ce sens que F. Galichet écrit, en parlant de la France ‘:“ Traditionnellement l'éducation civique, entendue comme une éducation au politique, s'oppose au monde de l'entreprise, sphère des intérêts privés, selon une opposition volonté générale/volontés particulières, intérêt public, intérêts privés, qui s'enracine dans une philosophie connue et familière. Le "triomphe" actuel de la démocratie libérale concurrentielle a conduit à la mise en avant du thème de "l'entreprise citoyenne" (...).On rejoint ainsi un thème qui était celui de mai 68: la démocratie ne doit pas seulement avoir un contenu et une signification politique; elle doit aussi avoir une signification socio-économique (autogestion’ ) ” 262 .

Les sociétés civiles naissent dans les pays développés aussi bien qu’en voie de développement. Cependant, elles émergent timidement dans ces derniers, où l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs d'Etat n'est pas évidente et où les capacités d'auto-gestion restent minimes.

Cette situation nouvelle doit amener à reconsidérer les rapports entre l'Etat et le citoyen. Celui-ci ne veut pas perdre sa responsabilité dans la gestion de l'Etat (il doit élire, il peut être élu, il doit participer aux prises de décision concernant la destinée de sa nation) au nom de la démocratie. Au nom de celle-ci également, cet Etat doit respecter les initiatives privées réalisées dans des associations ou dans des communautés locales. Ces initiatives privées, écrit A. Mougniotte ‘“ représentent une forme de vie démocratique et de citoyenneté active plus intense que la seule participation à des processus électoraux nécessairement discontinus’  ” 263 .

Au lieu d'attendre tout de l'Etat, les sociétés civiles peuvent donc réfléchir sur les problèmes qui menacent leur bien-être et leur chercher des solutions, là où l'Etat se montre incapable; tels les domaines scolaire (discipline, matériel, locaux, enseignants...) sanitaire (propreté, eau potable, centres de santé, etc.) ou économique (marchés locaux, productions...) etc..

La question qui se pose ici, c’est celle des limites des pouvoirs publics sur les citoyens et des limites des citoyens dans leurs initiatives par rapport aux pouvoirs de l'Etat ? C'est, en définitive, une redéfinition des droits et des devoirs des citoyens vis-à-vis de l'Etat, et vice versa.

Notes
261.

Idem, pp. 47-48

262.

GALICHET (F). L'Education à la citoyenneté, Economica, Paris, 1998, p.15

263.

MOUGNIOTTE (A). op cit, p.48