1.2.2.3. La perception du pouvoir politique dans l'Etat post-colonial

Dans l'esprit des institutions politiques modernes, les détenteurs du pouvoir ne l'ont pas pour eux-mêmes et leurs familles ; ils le détiennent pour le mettre au service de la communauté entière qui, normalement, est seule habilitée à le leur donner et à le justifier. Mais en Afrique, les choses se passent autrement. ‘“ Ce qui a le plus frappé les leaders politiques africains, c'est le pouvoir politique en tant que manifestation de la puissance publique, et dont ils avaient vu l'autorité coloniale utiliser les prérogatives. L'idée du pouvoir politique en tant que bien commun n'a pas pénétré dans les têtes des meneurs d'hommes. En revanche, il a été conçu comme la force d'un homme ou d'un groupe imposant à l'ensemble de la société qu'il régente sa conception du monde. (...) ”’ ‘ 270 ’ ‘.’

Le pouvoir politique africain est ainsi vécu, bon gré mal gré, contrairement aux attentes des citoyens. La souveraineté de ceux-ci, quoique déclarée dans toutes les constitutions africaines, reste lettre morte, dans les archives; elle n'est presque jamais respectée. Au Rwanda, l'article premier de la Constitution établie en 1978 stipule que c’est une République démocratique, sociale et souveraine, qui prend le nom de "République Rwandaise. Son principe est celui du "Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple". Mais non loin, à l'article 7 de la même constitution, on lit les dispositions contraires à celles du 1er article: ‘‘’le peuple rwandais est politiquement organisé au sein du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement, formation politique unique hors du cadre de laquelle nulle activité politique ne peut s'exercer (...) Tout Rwandais est de plein droit membre du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement’’’. 

Avec cet article, les notions de République démocratique et souveraine, et de gouvernement par le peuple, pour le peuple et par le peuple perdent leur sens car, même si on n’était pas d'accord avec les options de ce parti politique unique, on devrait se taire et suivre tranquillement, pour sa sécurité; on devait même participer au financement de ce parti, qui était aussi un parti-Etat, comme le stipulait l'article 40 de la Constitution.

Notes
270.

TSHIYEMBE MWAYIRA. op cit, p. 27