2.2.1.1. Dans les pays développés

Dans les pays développés, le citoyen veut participer directement à la prise de décision qui le concerne . Le citoyen moderne est un être actif, participant ou appelé à participer à la vie entière de sa communauté. Il doit être attentif et sensible à tous les problèmes sociaux, culturels, politiques, économiques, etc... de sa communauté, et il doit être capable de participer à leur résolution. Comme le disaient P. Meyer et ses collaborateurs, ‘“ le citoyen doit reconnaître les valeurs éthiques fondamentales, effectuer ses choix, et agir dans le respect de ces valeurs avec la conscience d'appartenir à un corps organisé’  ” 299 . Pour effectuer ces choix et entreprendre ces actions, le citoyen ne doit pas se soumettre aux pressions quelconques extérieures ; il doit se sentir autonome et libre dans tout ce qu'il pense et fait. Ces attitudes doivent être fonction du bien fondé qu'il leur accorde dans la vie sociale, et non de la peur que lui inspirent ses supérieurs.

En matière politique, l'humanité semble convaincue que la démocratie ‘“ soit le cadre naturel de l'exercice des droits de l'homme et l'une des conditions indispensables pour l'instauration d'une paix durable ’ 300 . Dans les régimes démocratiques, on attend "un gouvernement du peuple par le peuple", ou mieux encore, comme nous l'avons écrit auparavant avec J. Maritain qu'un peuple prenne lui-même en main ses destinées politiques par les gouvernants qu'il se choisit lui-même et que ces représentants élus exercent régulièrement un contrôle sur ce régime 301 ,. Que ce soit les électeurs ou les élus, tous proviennent des citoyens et chacun doit prendre sa responsabilité que ce soit dans le rôle d'électeur ou d'élu. L'autonomie, pour les deux rôles, est indispensable.

C'est de cette autonomie qu'il s'agit quand Mougniotte parle de la nécessité d'éduquer au politique. Il dit  “  ‘qu’il est en effet singulièrement paradoxal de constater que le politique conditionne la vie et qu'aucune initiation n'y prépare. De plus en plus, on fait appel au citoyen, on invoque son activité, on mobilise la notion de citoyenneté, on la flatte (surtout au moment des élections) mais, également, de plus en plus, l'intéressé se sent incompétent, voire mis à l'écart des grands problèmes de société. En effet, devant les discours creux et les images "made in USA", il a le sentiment d'être là pour la parade d'une démocratie qui, à ses yeux, n'en est plus, ou n'en est pas encore une, ce qui l'encourage à penser et à agir en référence à lui seul, voire égoïstement, beaucoup plus qu'en fonction d'une collectivité et d'un bien commun’  ” 302 .

L'auteur déplore donc le fait que le citoyen, ne connaissant pas grand chose à la théorie ou même à la réalité politique, ne peut pas se sentir à l'aise, voire libre ou indépendant chaque fois qu'il est sollicité. Il reconnaît la complexité croissante des problèmes auxquels les politiques doivent faire face, mais également que le citoyen peut y être préparé par une éducation appropriée, pour garder une certaine autonomie. “  ‘Certes, les problèmes qui surgissent ainsi chaque jour au sein de la cité sont de plus en plus complexes et techniques, et il est vrai que la sagesse semble inviter à recourir aux experts, financiers, économistes, juristes, voire l'exiger. Mais, dans cette conjoncture, et en lien avec une instruction civique appropriée, n'est-il pas au contraire, concevable, et précisément plus utile encore, d'envisager une éducation qui vise à permettre à tout citoyen de parvenir à juger et estimer en toute conscience, par rapport à des valeurs saines, ce qui est bon pour une cité où chacun aurait sa place et où la place de chacun serait reconnue’  ” 303  ?

L'histoire de l'éducation civique en France donne l'impression - nous croyons que c'est vrai - que la conscience de la citoyenneté a été tellement dévéloppée que personne ne souhaiterait voir l'éducation devenir un instrument d'endoctrinement; effectivement, les intentions d'utiliser l'Ecole pour faire passer des idéologies politiques étaient réelles. Il fallait alors se contenter, à certains moments, de l'instruction civique, perçue comme "plate et peu stimulante’’ 304 .

Notes
299.

MEYER-BiSCH (P) et coll. op it, pp. 140-141

300.

UNESCO. Les stratégies pour contribuer à la consolidation de la paix, projet 1996-2001, p.45

301.

MARITAIN (J), op. cit. p. 121

302.

MOUGNIOTTE (A). Pour une éducation au politique, provocation ou sagesse? EVS, Paris, 1992, p.2

303.

Idem, p. 3

304.

Idem, p. 23