2.2.2.3. Finalités de l'Education morale

L'éducation morale visera la perception de l'universalité et de la relativité des valeurs et leur incarnation dans la vie quotidienne.

L'universalité des valeurs humaines

Qui dit citoyenneté dit valeurs inhérentes à cet état, à ce statut. Nous avons vu que, aujourd'hui, les citoyennetés se veulent multiples, des échelons locaux les plus restreints (associations, communes, communautés...) aux échelons supra-nationaux et planétaire. A quelque niveau que l'on se situe, la citoyenneté suppose un certain nombre de valeurs communes. Force a été de constater qu'il devient de plus en plus difficile d'obtenir un consensus sur les valeurs devant guider et unir les membres d'une même "cité". En effet, le concept "valeur" s'avère ‘“ ambigu, polysémique, au coeur de nombreux débats, à la source de confusions ”’ ‘ 342.

Sur l'origine et le statut des valeurs, trois théories divergent comme nous le trace Mougniotte 343 : la première, idéaliste, les considère comme universelles et éternelles, même si la manière de les comprendre et de les appliquer varie avec le temps et même si elles ne sont pas reconnues par tous.

La deuxième, sociologique, estime que les valeurs tiennent à la reconnaissance sociale dont elles sont l'objet, de sorte qu'elles varient avec les diverses sociétés. Ainsi, pour Lévy-Bruhl ou pour Durkheim, les membres d'une société donnée sont à peu près d'accord sur les mêmes valeurs, quels que soient leurs référentiels philosophiques ou religieux. C'est la société qui secrète entre eux des valeurs communes.

La troisième théorie, qui tend à émerger, considère que, en quelque manière, chacun est l'auteur de ses propres valeurs; celles-ci seraient construites par la personne et ce qui importe, ce serait d'être en harmonie avec celles que l'on reconnaît soi-même. Dans cette conception, on ne se préoccupe pas d'obéir à la morale; on la rejette même volontiers en la considérant comme désuète, constituée de règles abstraites qui contrarient la liberté, mais l'on choisit de se donner une éthique, chacun la sienne.

Des voix comme celles de Mougniotte et de Moreau se sont élevées pour manifester leur désaccord avec cette conception ; “  ‘si l’on récuse toute universalité, toute objectivité des valeurs, comment fonder un jugement sur les actes d’autrui ? Comment fonder un jugement ou espérer la communication entre les personnes ? Comment prétendre à un progrès’  ” 344  ? Dans le même sens, Moreau conclut : ‘“ ce n’est pas parce que les valeurs apparaissent marquées par la précarité, la variété, l’impureté et parce que toujours, concrètement, s’y mêlent des mobiles sensibles, utilitaires et égoïstes qu’il faut renoncer à la transcendance des valeurs’  ” 345 .

Remarquons aussi que sont inadmissibles le relativisme et l’universalisme radicaux. Le premier interdirait tout jugement de valeur, dans la mesure où il place tout sur le même plan, ce qui conduirait au ‘’confusionnisme éthique’’ 346 , et le deuxième aboutirait à canoniser abusivement un pseudo-universalisme et la légitimité des diversités culturelles 347 . Il importe que le citoyen possède ces informations sur ces conflits axiologiques; elles vont éclairer ses choix entre les valeurs modernes et les valeurs de sa culture dans le processus de développement de sa communauté; elles vont l'aider à ne pas rejeter ses valeurs locales positives.

Notes
342.

MOUGNIOTTE (A). Pour une éducation au Politique, op.cit., p.57

343.

MOUGNIOTTE (A). Eduquer à la démocratie, Cerf, Paris, 1994, pp.31-32

344.

MOUGNIOTTE (A). L'école de la République, op cit, p.60

345.

MOREAU (P). Les valeurs familiales, Paris, Cerf, 1991, pp 37-38

346.

LEGRAND (L). Enseigner la morale aujourd’hui, Paris,PUF,1991, p.10

347.

MOUGNIOTTE (A). L’école de la République, op.cit.,p.60