2.2.3.3. Pour l'éducation morale

La morale peut-elle s'enseigner ?

Nous avons vu que l'éducation morale est une base nécessaire à l'éducation du citoyen. Certains, même, prennent la morale comme un élément de l'éducation civique. Qu'elle soit considérée comme faisant partie intégrante de l'éducation civique ou comme étape la précédant, ce qui nous intéresse ici, c'est de savoir quels doivent en être les contenus. Comme nous l'avons vu, l'éducation morale vise l'excellence de l'homme, qui doit se manifester en actes et en attitudes concrets. Qui dit excellence dit adhésion à une norme, à une référence, à un idéal et orientation du comportement et des actes en fonction de cette norme, de cet idéal de son choix.

Dans toute société humaine se retrouvent des normes, des idéaux, des référents, appelés communément ‘’valeurs’’. C'est ainsi que la question des contenus de l'éducation morale rejoint celle des contenus de l'éducation aux valeurs. La finalité de cette éducation étant d'amener l'individu ou la société à adhérer aux valeurs choisies et d’appliquer ces valeurs quotidiennement, la question à laquelle nous essayons de répondre ici est de savoir si les valeurs peuvent s'enseigner en vue de la finalité de l'éducation morale.

Vu le sens des valeurs, l'éducation correspondante parait paradoxale, comme l'écrit Mougniotte: “  ‘d'une part, elle est particulièrement éminente, puisqu'elle a trait aux idéaux qui, au fil des jours, orientent les comportements et, plus encore, par rapport auxquels la vie acquiert un sens; d'autre part, on ne sait guère comment faciliter et, a fortiori, provoquer à coup sûr la croyance en leur pertinence, car cela n'est pas d'ordre intellectuel, mais affectif, émotionnel : ce qui, certes, ne signifie pas irrationnel et cependant désigne un registre spécifique qui, sans exclure celui de l'esprit, est plutôt de l'ordre du cœur (…).Aux yeux de certains, il n'y a pas de didactique des valeurs. Leur enseignement serait inadéquat à leur nature, voire impossible, vu que la connaissance ne suffit pas à entraîner l'action et l'adhésion ”’ ‘ 363 ’ ‘.’

Mougniotte n'est pas de cet avis et nous pensons qu'il a raison. Il précise :

‘“ Certes, l'adhésion dépasse le rationnel; mais elle ne saurait l'exclure, voire l'ignorer et, moins encore, s'en moquer. L'intervention d'un facteur émotionnel ne comporte pas nécessairement l'irrationalité de son objet. L'adhésion ne requiert-elle pas d'abord la vérification? A cet égard, deux types de relations peuvent s'instaurer entre elles : tantôt la réflexion favorise, sans provoquer, la conviction; en ouvrant à certains thèmes, elle y sensibilise. Tantôt, et c'est le cas le plus fréquent, elle la renforce en montrant la pertinence. Encore faut-il qu'il y ait pertinence, et c'est bien là que la connaissance a un rôle à jouer, donc l'enseignement qui la procure. Abandonnée à elle seule, l'émotion induite par l'éloquence d'un tribun ou l'attrait fascinant d'une personnalité charismatique serait capable d'entraîner contagieusement l'adoption de n'importe quel sophisme ” 364 .’

Notes
363.

MOUGNIOTTE (A.). L’école de la République. Op. cit. p.102-103

364.

MOUGNIOTTE (A). Eduquer à la démocratie, op cit, pp. 39-40