Freinet, membre du parti communiste français (jusqu’en 1956), croyait en la possibilité d'une transformation totale de la société, en l'avènement prochain d'une société sans classes, grâce à l'Ecole 378 . C'est dans cet esprit qu'est née sa pédagogie, qui suscite de plus en plus d'intérêt à travers le monde actuel.
Au départ, Freinet fut accusé d'extrémisme politique dans ses théories pédagogiques, ce qu'il a nié en disant : “ ‘nous sommes des pédagogues et non des politiciens. Dans nos recherches, nous ne sommes jamais partis d'un point de vue politique, ce qui, à notre avis, serait une hérésie. Cependant, écrit Legrand, les positions de Freinet sont délibérément marquées par une idéologie de gauche. L'école ne peut être abstraite des conditions sociales et politiques de son fonctionnement’ ” 379 .
En 1940, Freinet a éclairci, dans son ouvrage "L'Ecole moderne française", ces conceptions d'une éducation ‘“ étroitement liée au contexte politique et social, devant préparer et conduire à la libération de l'homme. La pédagogie traditionnelle est "scolastique". Elle est liée au système capitaliste en ce qu'elle cherche à privilégier les élites possédantes et à maintenir dans l'obéissance mécanique les enfants du peuple. C'est pourquoi, écrit-il, nous mettons l'accent, non plus sur la matière à mémoriser, sur les rudiments des sciences à étudier, mais:’
Opposant le travail positif du paysan, celui qui suit, selon son expression, les "lignes de vie", et le travail industriel, fruit de la technique scientifique, Freinet précise que: ‘“ il y a travail toutes les fois que l'activité - physique ou intellectuelle - que ce travail supposé répond à un besoin naturel de l'individu et procure, de ce fait, une satisfaction qui est elle-même une raison d'être’ ” 381 . Il reconnaît la place de l'Ecole dans la transformation de la société, dans l'humanisation du monde. Il touche l'éternel problème pédagogique du "comment" aboutir aux transformations voulues, aux objectifs fixés, à la finalité éducative. Il y apporte une réponse à travers sa conception du travail dans l'éducation: ‘“ Je ne veux pas discuter ici de la question de savoir dans quelle mesure, dans nos sociétés capitalistes, la sélection du geste, la standardisation du travail sont une nécessité de notre économie contemporaine. Je crains seulement que sélection et standardisation tournent le dos à l'esprit, qu'elles engourdissent la pensée et nuisent, de ce fait, à la conception formatrice du travail ”’ ‘ 382 ’ ‘. ’
Commentant Freinet, Legrand continue : “ ‘Le travail du paysan, au contraire, participe spontanément à la création et tire de la conscience qu'il en prend, une joie exceptionnelle. Comme tel, il est un modèle pour l'éducation. En effet, le travail de l'écolier, dans l'école traditionnelle, s'apparente au travail déshumanisé de la production industrielle. Freinet condamne comme "scolastique" le travail scolaire imposé, coupé des sources vives du travail véritable. Car, l'enfant, plus encore l'adulte, est capable d'un travail véritable et y trouve l'expression de sa volonté de vivre. Le petit paysan montagnard gardait les troupeaux, accompagnait son père dans la réfection d'un mur, participait à la fenaison et à la moisson. Si l'école veut être efficace, elle doit retrouver à sa mesure ses sources vives ”’ ‘ 383 ’ ‘.’ Pour lui, il faut que, chez l'enfant, le travail sauvegarde une des tendances psychiques les plus urgentes à cet âge, surtout : ‘“ le sentiment de puissance, le désir permanent de se surpasser, de surpasser les autres, de remporter des victoires, petites ou grandes, de dominer quelqu'un ou quelque chose’ ” 384 .
MAURY (L.). Freinet et Wallon. Cahiers Binet-Simon, Le Centenaire de C.Freinet. n° 649, 1996, p.8.
LEGRAND(L.). Céléstin Freinet et l’idéologie aujourd’hui. Cahiers Binet-Simon, pp.18-19
Idem, pp.29-30
FREINET (C), cité par LEGRAND (L), op. cit. p.30
Idem, p.30
Idem, p.31