3.1.1.2. Les pédagogies autogestionnaires

Pour comprendre le concept d'autogestion à l'Ecole, il s'avère nécessaire de définir les termes "institutions internes ou externes à l'Ecole". Nous retenons la distinction de G. Lapassade. Les institutions pédagogiques internes, “  ‘sont la dimension structurelle et réglée des échanges pédagogiques (avec leurs limites; par exemple, l'heure d'entrée et de sortie de classe est un cadre interne à la classe, réglé pour l'ensemble du groupe scolaire), ainsi que l'ensemble des techniques institutionnelles qu'on peut utiliser dans la classe : le travail en équipe, la coopérative et son conseil de gestion par les élèves, la correspondance, etc. ”’ ‘ 395 ’ ‘. Quant aux institutions sociales appelées institutions pédagogiques externes, elles “ sont les structures pédagogiques extérieures à la classe: le groupe scolaire dont la classe fait partie, l'académie, les inspecteurs, le directeur d'école (...). Les programmes, les institutions, les règlements sont également des institutions externes’  ” 396 . 

L'auteur précise que, "‘dans la pédagogie traditionnelle, les institutions externes s'imposent aux enseignants et aux enseignés comme un système qui ne saurait être mis en question’ ". 397 Par opposition à cette conception, l'autogestion pédagogique signifie donc que le groupe s'organise lui-même, prend entièrement en charge l'organisation de ses activités. Pour H. Lobrot comme pour G. Lapassade, cette autogestion du groupe devra déboucher sur une autogestion sociale. Par-delà les dispositifs techniques qu'elle met en place, l'autogestion a effectivement une fonction essentiellement politique. Ceci implique l'idée que l'Ecole est un lieu adéquat pour le projet de transformation des institutions, que l'action contre-institutionnelle doit être menée "ici et maintenant", c'est-à-dire à l'intérieur de l'institution scolaire. R. Fonvieille ne s'en montre-t-il pas convaincu quand il déclare que la continuelle remise en question des institutions internes, leur permanente actualisation par le groupe qui les a créées, ne peut que conduire à la contestation des institutions externes 398 ?

Les tenants de la pédagogie autogestionnaire veulent transformer la société à partir de l'Ecole, en laissant plus de liberté aux enseignés et aux enseignants. Cette pédagogie n'est pas très distincte de la pédagogie Freinet mais, comme elle, est presque abandonnée. Les raisons de cet abandon sont expliquées par Raymond Fonvieille :

‘“ Dans un article récent, encore inédit, je posais la question : "Qu'est devenue la pédagogie autogestionnaire ?" Je concluais à son abandon quasi total du fait de la bureaucratisation et de la technocratisation grandissante des structures de l'enseignement. Les directives se sont multipliées, les structures, notamment du collège se sont rigidifiées avec la suppression des filières qui permettaient, avec une certaine souplesse, d'adapter l'enseignement à l'hétérogénéité des élèves. On avait dû négliger en haut lieu qu'elle était la conséquence inéluctable de la démocratisation. Sous la poussée, pour ne pas dire la contrainte, des puissances économiques et de leurs technocrates, les programmes ont été régulièrement gonflés, donc modifiés, déstabilisant les enseignants. Comment, dans ces conditions, de plus en plus encadrés, ceux-ci pourraient-ils prendre la liberté, individuellement, de se dégager des contraintes administratives? D'autant que les mouvements pédagogiques qui tentaient d'insouffler des idées nouvelles et constituaient un soutien pour les novateurs sont en perte de vitesse ” 399 .’

Malgré les difficultés, quelques Ecoles pratiquent aujourd'hui l'autogestion, par exemple le "Lycée autogéré de Paris" et "Bonaventure, une petite République éducative", dont on peut lire l'organisation dans l'ouvrage de P. Boumard et A. Lamihi, cité plus haut.

Notes
395.

BOUMARD(P) & LAMIHI(A). Les pédagogies autogestionnaires. Paris,Ivan Dary,1995, pp.17-19

396.

Idem,p.17

397.

Idem, p.17

398.

dem, pp.18-19

399.

Idem, p.2