3.2.1.4. Les obstacles médiatiques

Le développement des médias constituait un grand espoir pour les hommes, en matière d’éducation. On croyait que les insuffisances de l'Ecole, liées à la mauvaise volonté, à l'incompétence ou aux limites des partenaires de l'éducation, allaient être compensées, du moins en partie, par les médias, comme l’écrit Edgar Faure . 440

Aujourd'hui, la réalité semble décevante pour beaucoup. Pour A. Mougniotte, les mass média devraient constituer un bon moyen d'auto-documentation pour les citoyens. En se documentant, le citoyen doit pouvoir se dégager de la séduction ou de l'antipathie liées aux personnes, pour accéder aux idées qu'elles énoncent ou défendent. Or, écrit il, “  ‘les mass-média sclérosent et menacent la réflexion. Ils présentent des stéréotypes et recherchent spectaculaire et sensationnel, pour choquer par l'image et le verbe. Les controverses politiques y sont mises en scène sous la forme d'un match, d'un duel, à l'issue duquel un sondage immédiat vient compter les points; toute recherche de vérité est écartée. La politique s'y réduit à des opinions irréductibles ou à un affrontement interpersonnel ”’ ‘ 441 ’ ‘.’

En ce qui concerne l'impact des mass-média en Afrique spécialement, les critiques sont accablantes :

‘“ -les plus puissants des moyens de formation, hors de l'Ecole, pour les jeunes surtout, sont les médias. Ceux-ci sont, dans beaucoup de cas des substituts de l'école au lieu d'en être des appoints. Mis à part les systèmes radiophoniques et télévisuels (et encore!), mis à part les organes de presse quotidienne et certaines revues sportives et culturelles, la plupart des médias (cinéma, revues du coeur, romans policiers et sentimentaux) se caractérisent par l' "extranéité".
- La plupart des films diffusent une certaine idéologie (...) antagoniste de la vision africaine de la vie. Trois thèmes la dominent: l'individualisme (à quoi se rattachent un certain héroïsme, la perversion sexuelle, l'amour-passion, l'hédonisme, la recherche des paradis artificiels), l'argent (auquel se rattachent la recherche du profit et du luxe moyennant la ruse, le vol, le mensonge, le crime), la violence (qui implique la domination, la destruction et la mort par les armes et la guerre). Ces films érodent la morale communautaire et nataliste et tentent d'en détourner la jeunesse ? ” 442   ’

En 1998, un travail a été réalisé à Yaoundé sur "La perception de la violence à l'écran par les jeunes", avec l'aide de l'Unesco. Certaines conclusions corroborent les observations précédentes. ‘“ ... 74,37% des jeunes qui ont répondu au questionnaire individuel, et la majorité des personnes ayant participé aux entretiens de groupes, affirment qu'il y a un rapport entre la situation d'insécurité à Yaoundé et la violence à l'écran. Ce lien n'est pas nécessairement de type causal... la télévision et le cinéma donnent aux individus les techniques et les méthodes d'action, et leur "suggèrent des idées" En réponse au questionnaire individuel, 93,75% des jeunes affirment reproduire les situations de violence qu'ils perçoivent à l'écran. Outre les techniques de vol, de bagarre, d'assassinat, cela se remarque surtout dans : le langage..., la façon de marcher..., les attitudes d'insolence... C'est le lieu de se demander si les jeunes savent faire la distinction entre le montage cinématographique et la réalité de la vie’  ” 443 .

Notes
440.

FAURE (E). Apprendre à être. Unesco, Fayard, Paris, 1972, p.160

441.

MOUGNIOTTE (A). L’école de la république. op. cit., p.85

442.

ITOWA (F)& coll. Famille, enfant et développement en Afrique. Paris, Unesco, 1988, p.86

443.

TITI NWEL (P). La perception de la violence à l’écran par les jeunes à Yaoundé, 1998,pp. 16-17