1.2.1.2. Faiblesses de ces programmes

La notion d'Etat reste confuse

Au cours des différentes leçons de la quatrième année, l'expression "Leta" (= l'Etat) revient à plusieurs reprises :

  • Ibikorwa leta ikorera abaturage = actions de l'Etat pour le peuple
  • Ibikorwa abaturage bakorera Leta = devoirs du peuple vis-à-vis de l'Etat
  • Akamaro k'ibikorwa bya Leta = Rôle des actions de l'Etat
  • Montrer comment Leta collabore avec la population dans le développement de la région de l'Ecole, etc..

Cependant, on n'a pas vu où a été expliquée aux enfants la signification de cette expression. En effet, nous savons que Leta (l'Etat) signifie tantôt le gouvernement et son président, tantôt tout le peuple d'un Etat. Même durant la leçon sur le pays et ses autorités, on ne fait pas allusion à ce mot, qui pourtant est fréquemment utilisé ultérieurement et est la référence principale objective de l’esprit civique ou citoyen.

Au parcours de toutes les leçons d'Education civique, même en étudiant les leçons de Géographie où intervient le concept "Etat", nous sentons une séparation très nette entre l'Etat et le peuple. Dans la leçon "Kubaha ibintu bya Leta n'abakozi bayo = respecter les biens de l'Etat et ses fonctionnaires" on a l'impression que l'Etat possède des biens que le peuple doit respecter. Ici, on ne montre pas du tout aux enfants que ces biens sont la propriété du peuple - leurs parents -, et qu’ils sont également la leur ; les biens publics sont donc considérés comme une propriété privée de l'Etat (=autorités du pays).

L'Etat dispose de fonctionnaires que le peuple doit respecter. On précise dans la leçon que " ‘ces fonctionnaires sont nommés et payés par l'Etat, appartiennent à l'Etat, sont au service du bien être du peuple’ ". Par conséquent, " ‘ces gens de l'Etat sont dignes de respect car ils travaillent pour tout le peuple’ "; " ‘nous devons les respecter et leur obéir, car, si nous ne le faisons pas, les actions du pays n'iraient pas de l'avant, et celui-ci décroîtrait dans le développement’ ". Dans cette leçon, on rappelle que les grandes autorités (Bourgmestres, préfets...) sont aussi des "fonctionnaires de l'Etat" à respecter et à obéir.

Après une telle leçon, l'enfant ne saura jamais que son parent a un droit de regard sur un dirigeant quelconque, sur un enseignant, sur n'importe quel fonctionnaire d'Etat" ; or, il n’a aucun droit de critique, aucun droit de dire non à ce que dit le fonctionnaire.Evidemment, les interdits présentés à l’enfant à l’Ecole sont ceux que vivent les adultes. Les enfants grandiront ainsi dans cet esprit d'obéissance aveugle et de respect inconditionnel de tout fonctionnaire.