Au Rwanda, la carrière enseignante est l'une des moins aimées et des plus méprisées, alors qu'elle est indispensable à tout fonctionnement des sociétés modernes. Depuis la fin des années 1960, on a presque toujours mis à l'Ecole normale des élèves qui n'en avaient jamais manifesté le désir. Cette politique de recrutement des futurs normaliens montre bien l'idée que les décideurs se sont progressivement faite du métier d'enseignant. Ceux qui sont épris d'efficacité dans ce domaine, croient que cette tendance de n'admettre dans la profession enseignante que des sujets faibles scientifiquement n'a fait que dégrader notre enseignement, qui s'est dilué chaque jour davantage. Effectivement, avec des mauvais candidats au départ (derniers des listes et très peu motivés pour la carrière), on devait s'attendre aux enseignements de qualité médiocre à la sortie 567 .
Non seulement les Ecoles normales recrutaient les candidats faibles, mais elles les gardaient trop peu de temps pour leur apprendre suffisamment le métier. Sauf ceux qui avaient la chance d’étudier 7 ans (D7) ou 6 ans (D6), tous les autres, qui constituaient la majorité du personnel enseignant, n’avaient été formés que pendant 2 ans. Parfois, l’apprentissage était trop massé pour être bénéfique à la maîtrise du métier 568 .
En plus du problème de recrutement et de durée, il y a le problème méthodologique. Les normaliens, interrogés là-dessus, avouaient que les cours de psychologie, étaient abordés comme la biologie ou la mathématique, sans en montrer l'incidence pratique sur la vie sociale et professionnelle du futur maître. De plus, ils se plaignaient de ce que, par exemple en psychologie génétique, ils aient passé des années à entendre décrire le comportement de l'enfant de Genève comme si, au Rwanda, il n'y avait pas d'enfants qui bougent. Deplus, les futurs enseignants n'étaient pas préparés à affronter le manque de matériel qui les attendait sur les collines. Ceux qui ont fréquenté l'Ecole normale vers la moitié des années 1970 avouent qu'il leur manquait des exercices de créativité (fabrication du matériel didactique, bricolage, mise en scène...) qui auraient pu les aider à ‘’se débrouiller’’ une fois sur le terrain 569 .
Sur le plan moral et civique, la formation des futurs enseignants était nulle selon les observations des anciens élèves-maîtres de l'époque des missionnaires. Ils remarquent que, depuis quelques années, les normaliens auraient très peu bénéficié de formation sociale, morale et civique, désormais laissée à la seule
discrétion de certains psychopédagogues et des responsables des confessions ou congrégations religieuses. Ils estiment également que la culture nationale n'était plus abordée de manière satisfaisante comme naguère. L'Ecole normale ne préparait donc pas suffisamment les élèves à s'adapter aux changements qui surviennent régulièrement à l'Ecole. ‘’Le manque d'initiative se montre çà et là, ajoutent ces nostalgiques de la "belle époque", l'esprit d'invention s'est progressivement perdu à l'Ecole normale, les enseignants ne savent plus chanter, dessiner, faire de la gymnastique, du sport ou de la danse, alors que ces pratiques sont nécessaires pour s'épanouir soi-même et élever la personnalité des enfants’’ 570 .
Idem, pp. 89-91
Idem, p.89
NAYIGIZENTE (I). op. cit., p.89
Idem, p.90
Idem, p.91