1.3.3.2. Situation psycho-sociale

Au point de vue psychosocial, l'enseignant rwandais n'échappe pas au portrait très négatif tracé par les extraits suivant, même s’il se rapportait à l'enseignement de l'occident :

‘“ mal payé, isolé, dénigré, humilié à la fois par les élèves et la hiérarchie, l'enseignant a intériorisé son statut et méprisé son propre travail. Ne nous y trompons pas, nous faisons un métier qui n'existe plus. (…) tenu à distance par une administration lointaine et autoritaire, ignoré et méconnu du grand public par l'idéologie bourgeoise, il occupe dans notre société une place inconfortable. Il est par avance dépossédé du pouvoir institutionnel qui incombe à son rôle social, par toutes les contraintes et les suspicions qui pèsent sur lui. Il est dépossédé du prestige lié au savoir, dans la mesure où on ne lui reconnaît pas un savoir spécifique. Il est un agent essentiel de la transmission des valeurs qu'il lui arrive de récuser ” 571 .’

Ce qui est encore triste, c'est que les responsables politiques semblent négliger les exigences sociales et morales de ce métier d'enseignant. Certains enseignants eux-mêmes se disent choqués par les attitudes des autorités, qui prenaient ‘’n'importe quoi’’ pour en faire un maître de classe, choisissaient les meilleurs pour une promotion dans les autres secteurs de l'activité nationale, ou recrutaient des indisciplinés ou les ‘’remerciés’’ des autres postes pour l'enseignement, comme par punition ! Il était donc impossible aux meilleurs éléments de l'enseignement de faire carrière. Quelle que fut leur bonne volonté et leur bonne foi, les enseignants ne pouvaient pas facilement prendre d'initiatives dans le cadre du changement.

L'hétérogénéité de niveaux de formation et d’intérêts les empêchait de constituer un corps capable de défendre leurs droits. Ils n’ont jamais eu de parole dans toutes les décisions qui les concernaient, même de près 572 .

En 1985, les nouveaux textes réglementaires limitaient plus que jamais la liberté d'expression des enseignants sur leur métier.

‘“ Dans presque leur totalité, les supérieurs hiérarchiques des enseignants sont des personnes plus nommées qu'élues, ce qui n'empêchera pas aux maîtres d'avoir une appréhension de devoir subir...l'arbitraire des administratifs dans lesquels, comme dans le passé, ils risquent de ne pas lire leurs vrais représentants. Les enseignants risquent donc de n'avoir pas de garanties de protection et de participation à la prise de décisions qui les concernent, ne fut-ce que par voie de représentativité ” 573 .’

La conséquence de tout ce poids de problèmes qui pèse sur les enseignants, c’est souvent de tomber dans le piège de l'alcool.

‘“Conscients de ce qu'ils exerçaient un métier ingrat, c'est-à-dire fournissant trop d'efforts non récompensés matériellement dans une société déjà sous l'emprise de l'affairisme et du lucre, se voyant cibles de dénigrement et risée de tout leur entourage, certains enseignants succombaient et s'enfuyaient par exemple dans l'ivrognerie, surtout que les chances de poursuivre les études étaient fort réduites pour ceux qui avaient fréquenté les écoles normales courtes” 574 .’

Notes
571.

MIALLARET et all., cité par Nayigizente (I), op. cit.p.129

572.

NAYIGIZENTE (I), op . cit., pp.131-135

573.

Idem, p. 267

574.

Idem, p.132