2.3.3 Les conséquences pour l’occupation de l’espace

Le modèle standard de l’économie urbaine ne se limite pas à identifier des facteurs dans le choix de localisation des ménages. Moyennant des hypothèses, il est possible de déduire une forme fonctionnelle spécifique de répartition de population dans l’espace. Sous ces hypothèses, le modèle dérive la densité de population dans l’espace qui décroît de manière exponentielle avec la distance.

Une première condition a été proposée sur la forme de la fonction de production de logement et la demande de logement (Muth, 1969 ; Mills, 1972).

Supposons que Q(x=la production du service de logement à une distance x du centre suive une fonction du type Cobb-Douglas : Q(x)=AL(x)aK(x)a-1, où L(x) et K(x) représentent respectivement les inputs de terre et de capital et A et a les paramètres d’échelle et de distribution de cette fonction de production. Parallèlement, la fonction de demande de logements, q(x), est supposée être de la forme :q(x)=Bw ε R(x) θ  où B est une constante, w le revenu des ménages, R(x) le prix du logement à une distance x, ε l’élasticité-revenu de la demande de logement, et θ son élasticité-prix. On obtient sur cette base la relation suivante entre densité de population D(x) et distance (Mills, 1972) :

message URL form210.gif
message URL form210-1.gif, message URL xbarre.gif étant la distance du centre à la frontière urbaine, message URL Rbarre.gif le prix du sol à la frontière de la ville, t le coût marginal de transport, et r le taux de loyer du capital logement.

Dans ces conditions, la densité de population décline de manière exponentielle avec la distance si et seulement si l’élasticité-prix de la demande de logement θ est égale à -1 (Brueckner, 1982).

D’autres conditions distinctes de la précédante permettant d’obtenir une répartition de la population dans l’espace suivant une décroissance exponentielle ont été proposées.

Papageorgiou et Pines (1989) envisagent des conditions plus générales pour la fonction d’utilité qui conduisent une distribution de la population sous cette forme pour une élasticité-revenu de la demande de logement positive.

Anas et Kim (1992) aboutissent à cette même conclusion de distribution de la population dans l’espace de la forme exponentielle négative en intégrant une distribution de revenus.

Anas et al., (1998, 2000) considèrent que l’explication de la suburbanisation fondée sur l’augmentation des revenus et la baisse des coûts de transports n’est pas totalement satisfaisante. Selon eux en effet, une proportion importante des coûts de transport est liée au temps dont la valeur augmente avec le revenu. Elle constitue une forme centripète qui vient contrebalancer la force de dispersion relative à l’accroissement des vitesses. Ils considèrent une fonction d’utilité des ménages de type Cobb-Douglas U(z,q)=z α q 1- α . En outre, ils émettent l’hypothèse que le rapport du coût marginal de transport sur le revenu net des coûts de transport message URL Tprim.gifest constant quelles que soient les localisations. Cela peut être interprété comme le fait que la congestion est moindre pour les localisations périphériques qui supportent des coûts pendulaires totaux plus importants.

La fonction de densité de population est alors de la forme exponentielle négative avec un gradient de la forme :

message URL form211.gif

La rente offerte suit aussi une forme exponentielle négative avec un gradient égale à γ / α tout comme le revenu net des coûts de transports w-T(x) et le coût marginal de transport T’(x) avec un gradient égale à (1- α ) γ / α .

Ils considèrent que l’ensemble de ces hypothèses compte tenu de leur forme exponentielle négative constituent le « modèle monocentrique panexponentiel ».

A partir de ces conditions, ils identifient deux cas possibles pour l’impact d’une augmentation de la population dans la ville.

Quand la ville est de faible rayon, une croissance de la population occasionne une croissance du coût marginal de transport en raison d’une augmentation de la congestion. Cela se traduit par un allongement du rayon de la ville. La rente offerte et les densités augmentent en tout point de la ville.

Quand la ville est de rayon plus important une croissance de la population conduit à une augmentation des densités et des rentes pour les seules localisations proches du CBD, les ménages se rapprochent pour limiter les effets de la congestion. Après cette limite intermédiaire les densités diminuent.

Ce modèle mononcentrique offre un cadre d’intelligibilité des choix de localisation des ménages incontournable. Il identifie les facteurs opérant dans ces arbitrages. Il est également possible de dériver de ce cadre une répartition de la population dans l’espace suivant une forme fonctionnelle spécifique liant distance et densité. Ce modèle se heurte cependant à des limites qu’il convient de présenter.