2.3.4 Les limites du modèle standard de l’économie urbaine

Ce modèle souffre de limites liées principalement à ces hypothèses jugées trop restrictives.

Ainsi en est-il de l’hypothèse de la localisation exogène des emplois dans un centre considéré comme unique. L’adoption de cette hypothèse revient à déterminer un équilibre partiel. On envisage la détermination de la population une fois fixée la localisation des emplois et réciproquement dans le modèle d’Alonso. Autrement dit, ce modèle ne permet pas de comprendre pourquoi il n’existe qu’un centre unique au niveau de l’espace envisagé.

Les estimations économétriques sur lesquelles nous reviendrons dans le chapitre suivant indiquent en particulier dans le cas nord-américains l’existence de pôles secondaires au sein des aires métropolitaines de grandes tailles. Le modèle standard de l’économie urbaine est donc inadapté pour expliquer de telles observations. La volonté de relâcher cette hypothèse de centre d’emplois unique localisé de manière exogène sera au centre de la démarche de l’économie géographique sur laquelle nous reviendrons après.

Le modèle conduit à davantage rendre compte d’un équilibre instantané qu’un équilibre dynamique. Le logement, les infrastructures, le capital urbain sont durables et ne sont pas révisés à chaque modification des paramètres économiques par une sorte de « table rase ». Certains modèles théoriques (Harrison, Kain, 1974, Anas, 1978, Arnott, 1980) ont surmonter cette limite et ont intégrer explicitement cette perpective de durabilité.

Le modèle de l’économie standard repose également sur une hypothèse forte relative à la structure des réseaux de transport. Il permet de dériver moyennant des hypothèses par exemple sur la demande de logement et la forme de la fonction de production la répartition de la population dans l’espace, comme nous l’avons ci-dessus. Si ces deux hypothèses sont remplies, on montre en effet que la densité de population décroît de manière exponentielle en fonction de la distance au centre. Or, l’arbitrage des ménages entre logement et accessibilité au centre est la conséquence de la variation des coûts de transport vers le centre. Donc, pour passer d’une relation entre distance et densité, il est nécessaire que le coût de transport soit une fonction univoque de la distance au centre. Cette fonction est valide à condition que le réseau de transport soit homogène dans l’espace ou que le réseau soit radial isotrope par rapport au centre, hypothèse posée et considérée comme asymptotiquement valide dans un grand nombre de cas.

Or, pour celui qui s’intéresse aux questions d’économie des transports, ces réseaux apparaissent comme fortement différenciés. Ils sont constitués d’infrastructures à forte capacité et vitesse élevée et d’axes plus restreints à vitesse réduite. En outre, leur distribution dans l’espace se caractérise par de profondes disparités. Les premiers sont significativement moins nombreux que les seconds. Dès lors, cette hétérogénéité et cette anisotropie induisent une remise en cause du caractère univoque de la relation entre distance et densité. Pour une même distance au centre, les coûts de transport selon les réseaux de transport ne sont plus identiques.

Dans le développement suivant, nous nous proposons d’évaluer l’incidence de cette morphologie des réseaux sur la relation densité distance. Celle-ci est alors la combinaison d’une relation entre densité et coûts de transport et d’une relation entre coûts de transport et distance.