2.3.5 Amendement

Jayet et Péguy (2000) ont proposé une représentation plus réaliste de l’agglomération avec des axes de transport différenciés et ont soumis les principales prédictions de ce modèle au test de confrontation au réel dans le cas de l’aire urbaine de Lyon. Les résultats des cette épreuve seront présentés au niveau du chapitre 4 sur les estimations de fonctions de densité.

A ce niveau, considérons que l’espace urbain traversé par deux réseaux, un réseau viaire homogène et isotrope et un nombre réduit d’axes de transport rapide convergeant vers le centre (N). Pour simplifier l’analyse, on peut supposer que ces axes de transport rapide sont régulièrement répartis autour du centre. La Figure2.5 représente le cas de trois axes, OA, OB et OC.

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Figure 2.5 : La structure de la ville

Deux axes de transport consécutifs forment entre eux un angle de 2π/N. Le coût unitaire de transport sur le réseau viaire est normalisé à l’unité. Le long des axes de transport rapide, le coût unitaire est égal à τ<1.

Si un habitant est localisé en M, à une distance x du centre. L’angle entre OM et l’axe de transport rapide le plus proche est θ < π /N. Il peut choisir de se rendre au centre le long de OM. Il peut se rabattre également sur l’axe de transport rapide à une distance y du centre pour se déplacer ensuite le long de cet axe. Son coût de déplacement est alors égal à :

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En supposant que son objectif est de minimiser son coût de transport, il a intérêt alors à se rabattre sur y. Les conditions du premier et du second ordre pour un minimum intérieur (0<y<xcos θ ) sont :

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La condition du second ordre est vérifiée. La condition du premier ordre implique :

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d’où

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Or, il est évident que y < xcos θ. Dans ce cas, sachant que y>0,

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soit

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On en déduit que :

si message URL theta1.gif, y=0 : l’individu se dirige directement vers le centre le long de OM. Il emprunte le seul réseau viaire et son coût de déplacement est égal à T=x.
si message URL theta.gif, l’individu se reporte sur l’axe de transport rapide qu’il rejoint à la distance message URL y1.gif du centre ville. Son coût de déplacement est égal à message URL T1.gif.
La structure de la relation distance-densité qui en résulte dépend du nombre d’axes de transport rapide. Nous distinguerons deux cas. Dans le premier, message URL thetabarre.gif > π /N où, de manière équivalente, N π / message URL thetabarre.gif le nombre d’axes de transport rapide est suffisamment important pour que tout individu, où qu’il soit localisé, décide de se rabattre vers un de ces axes pour atteindre le centre.
A l’opposé, quand N< π / message URL thetabarre.gif, tous les individus résidant en un point M tel que l’angle entre OM et l’axe de transport le plus proche soit compris entre message URL thetabarre.gif et π /N se rendent directement au centre-ville, sans se rabattre sur un axe de transport.
Cas où N π / message URL thetabarre.gif
Quelle que soit leur localisation, tous les habitants de la ville décident de se rabattre vers un de ces axes pour atteindre le centre. Pour les localisations situées à une distance x du centre, le coût de transport varie d’un minimum égal à T min =xcos message URL thetabarre.gif=x/v (pour les agents localisés à proximité immédiate d’un axe de transport rapide) à un maximum égal à T max =xcos( message URL thetabarre.gif - π /N). Sur le cercle de rayon x, la répartition des coûts de transport peut être représentée par la fonction cumulative suivante, qui donne la part du cercle pour laquelle le coût de transport est inférieur à :
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La densité de cette cumulative est :

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Cette fonction est représentée sur la Figure2.6 avec les valeurs suivantes des paramètres : τ=0,5⇒ message URL thetabarre.gif=π/3, N=4 et pour toutes les distances comprises entre 0.05 et 1. On voit clairement que, pour la même distance, plus la durée de déplacement est longue, plus importante est la densité des localisations correspondant à cette durée de déplacement.
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Figure 2.6 : Répartition des localisations en fonction des temps de déplacement
Il est possible de représenter la structure urbaine en traçant les courbes d’isocoût, reliant entre elles les points pour lesquelles le coût de transport vers le centre est le même. Ces dernières peuvent être définies en coordonnées polaires. Pour tout point M, soit θ l’angle entre OM et l’axe de transport le plus proche. Si - π /N θ π /N, alors la distance x pour laquelle le coût de transport est égal à T est x( θ ,T)=T/cos( message URL thetabarre.gif - θ). On trouvera la représentation de l’isocoût correspondante pour τ=0,5, T=1 et N=4 en Figure2.7.
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Figure 2.7 : Courbes d’isocoût (cas où les axes de transport rapide sont nombreux)
Cas où N<π/ message URL thetabarre.gif
Tous les agents localisés en un point M tel que l’angle entre OM et l’axe de transport le plus proche est supérieur à π/N gagnent directement le centre. En conséquence, à la distance x du centre, le coût de transport varie d’un minimum égal à T min =xcos message URL thetabarre.gif=x/v (pour les agents localisés à proximité immédiate des axes de transport rapides) à un maximum égal à T max =xcos( θ - π /N) (pour les agents allant directement au centre sans rejoindre un axe de transport rapide). Sur le cercle de rayon x, la répartition des coûts de transport est caractérisée par la fonction cumulative :
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L’existence d’agents se déplaçant directement se traduit par la présence dans cette distribution d’une masse ponctuelle correspondant à T=x tandis que, pour T<x, on retrouve, comme dans le cas précédant, la densité :

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La forme de l’isocoût est légèrement modifiée (Figure2.1). Les valeurs des paramètres sont message URL form221-1.gif, T=1 et N=4. Pour les points les plus éloignés des axes, correspondant aux localisations à partir desquelles on rejoint directement le centre, cet isocoût suit l’arc de cercle de rayon x.
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Figure 2.8 : Courbes d’isocoût (cas où le nombre des axes de transport est restreint)

D’après ce modèle, l’existence d’axes de transport rapide a les conséquences suivantes sur la relation entre distance au centre et densité d’occupation du sol :

Compte tenu du fait que pour une même distance les coûts d’accès au centre ne sont plus les mêmes, en particulier parce que le coût d’accès est fonction de la présence d’axes de transport rapide, la densité se trouve désormais moins liée à la distance. Il s’en suit une hétérogénéité des points à une même distance. En conséquence, on peut penser que les estimations de densité réalisées sur la base d’indicateurs de coûts de transport devraient fournir de meilleurs résultats que celles menées sur la seule distance au centre.

L’existence d’axes de transport rapides génère une hétérogénéité qui prend la forme d’un aléa dissymétrique. Pour une même distance au centre, les localisations pour lesquelles les coûts de transport sont importants sont plus nombreuses que celles pour lesquelles ce coût est réduit. Le nombre de localisation dont le logarithme de la densité dans le modèle exponentiel est faible est plus important que celui des localisations pour lesquelles il est élevé. Sur un graphique, où sont représentées des zones de tailles à peu près égales avec, en abscisse leur distance au centre et en ordonnée le logarithme de leur densité, le nuage de points devrait comporter une frontière inférieure nette et une densité plus élevée que la frontière supérieure.

La confrontation au réel nécessitera au préalable de construire des indicateurs susceptibles de saisir le coût de déplacement des individus avant de procéder à des estimations proprement dites. Cette construction mais également la confrontation au réel de ces prédictions seront présentées dans le chapitre 4 relatif aux estimations de fonctions de densité.

D’autres limites, mentionnées précédemment, ont donné lieu à des avancées théoriques. Ainsi en est-il de la formation du centre où se localisent la totalité des emplois considérée comme exogène dans le modèle standard de l’économie urbaine est désormais endogéneiser dans l’approche de l’économie géographique.