3.1 Les modèles avec externalités

Ces modèles s’intéressent à la localisation simultanée des emplois et des ménages. Les équilibres obtenus sont issus des interactions hors marchés entre ces deux catégories d’agents. Ces externalités qui se caractérisent pour certaines par le besoin de contact social peuvent être affectées négativement par la distance. Mais comme les ménages dans le modèle standard, les firmes sont également soumises à une concurrence pour l’occupation du sol.

Fujita et Ogawa (1982) envisagent un modèle de localisation des firmes et des résidents. Ils considèrent que la productivité des firmes est directement liée à sa plus ou moins grande proximité avec les autres firmes. Plus elles sont éloignées les unes des autres, moins l’échange d’information est aisé. Le bénéfice collectif de ce bien public qu’est l’information est alors moindre. Autrement dit, les firmes sont incitées à se regrouper. Mais ces firmes consomment également du sol q f et du travail L f,. Les prix de ces facteurs de production, respectivement R et W varient en fonction de la localisation x de la firme. Leur concentration en un seul espace tend à augmenter les distances domicile-travail pour les ménages et obligent les firmes à compenser ce surcoût par des salaires plus élevés. Le profit de la firme est donc fonction de la localisation retenue x. Il s’écrit :

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où p0 est le prix unitaire de la production, message URL Obarre.gif le niveau de la production, A(x) l’accessibilité globale de la localisation x∈X. Cette dernière est définie par :
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avec b(y) la densité de firmes en y et a l’accessibilité locale qui peut être interprétée comme un « effet de débordement informationnel » pour une entreprise localisée en y vers une entreprise en x.

Les ménages ont une fonction d’utilité relativement proche de celle qu’ils avaient dans le modèle standard. Cependant la consommation de logement est fixe q. Ils choisissent une localisation de résidence x et un lieu de travail xw tel qu’ils maximisent la consommation de bien composite z. Elle s’écrit sous la forme :

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avec w(xw) le salaire au lieu de travail.

Les firmes comme les ménages ont une fonction d’enchère. Celle des ménages est de la forme :

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et celle des firmes :

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Les inconnues sont au nombre de 6 : la répartition des ménages h(x) et des firmes b(x), la courbe de rente foncière R(x), la courbe des salaires W(x), le mode de transport et le niveau d’utilité u*. A l’équilibre on a l’égalité :

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Les configurations urbaines que l’on obtient sont fonctions de l’accessibilité a(x,y).

Deux cas sont envisagés, une accessibilité linéaire a(x,y)=β-a|x-y|, et une accessibilité avec « escompte spatial » message URL axy.gif.

Dans le cas où l’accessibilité est linéaire, Ogawa et Fujita (1980) et Imaï (1982) concluent à l’existence de trois configurations possibles selon les paramètres : configuration monocentrique, configuration hétérogène et configuration mixte.

Dans le cas où l’accessibilité est avec « escompte spatial », Fujita et Ogawa obtiennent également trois autres configurations (cas d, e, f dans ) qui se caractérisent par l’existence de centres secondaires (Figure2.9).

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Figure 2.9 : Configurations d’équilibre possibles dans une ville linéaire

Considérée comme linaire au niveau de ce modèle, la ville a été envisagée par ces mêmes auteurs (Ogawa, Fujita, 1989) dans un cadre à deux dimensions avec une hypothèse de symétrie circulaire. Les résultats obtenus sur les configurations urbaines sont relativement similaires à ceux obtenus précédemment. Dans un tel cadre, les interactions entre les firmes et les ménages sont entièrement développées dans la mesure où le profit des firmes est affecté par la répartition complète des autres firmes et chaque ménage choisit sa localisation optimale de travail dans l’espace.

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Figure 2.10 : Configurations d’équilibre possibles dans une ville circulaire

Dans la lignée de ce modèle avec externalités, Ota et Fujita (1993) distinguent au sein des firmes les entités du type front offices et du types back offices. Les premières bénéficient d’externalités informationnelles positives en communiquant entre elles, les secondes ne sont liées qu’aux premières. Si les coûts de communication intra-firmes sont faibles, les gains liés à la communication conduisent à une concentration dans le centre-ville des firmes de type front office. Vient ensuite dans l’espace, une zone résidentielle, elle-même bordée par une zone où se localisent les entités de type back-office. Fujita et Thisse (1997, p.52) considèrent que « le développement des nouvelles technologies de communication à l’intérieur des entreprises constitue une cause majeure de la périubanisation des emplois ». La nature des informations échangées n’est pas étrangère à ce mouvement. Dans le cas des front offices, les informations sont plutôt tacites i.e. complexes et non-standardisées. Elles imposent bien souvent le face-à-face. A l’inverse, pour les back offices, ces informations peuvent être standardisées et diffusées par des moyens de communication (Guillain, Huriot, 2000).

Le marché du travail peut avoir une incidence dans la dispersion des firmes. Dans le cadre d’un modèle avec concurrence pour le sol et externalités technologiques, Fujita et al. (1997) montrent que la localisation d’une firme de taille importante dans le centre qui regroupe les autres firmes existantes ou en périphérie est fonction du niveau des salaires, des externalités technologiques et de la concurrence pour l’occupation du sol. Si cette firme se localise au centre, elle bénéficie d’une productivité accrue par le biais d’externalités technologiques importantes liées à la proximité avec les autres firmes. Dans le même temps, elle fait face à une concurrence pour l’occupation du sol et sur le marché du travail. Cette dernière se traduit par une hausse des salaires qui incitent les ménages à se localiser près de ces firmes. A contrario, si cette firme se localise en périphérie, elle bénéficie d’une moindre concurrence pour l’occupation du sol même si les ménages s’y localisent et d’un marché du travail local moins tendu avec des salaires locaux plus faibles. Les externalités technologiques sont en revanche plus faibles. Ce type de modèle rend compte de la formation de centres d’emplois secondaires sur la base de la concurrence pour l’occupation du sol et du marché du travail.