1.2.2 Des facteurs testés sans lien direct avec les modèles théoriques

Selon les travaux de Berry et al. (1963), la densité au centre est liée à l’âge de la ville mesuré à partir de la date à laquelle la population a franchi le seuil des 50 000 habitants. En retenant non pas la densité mais le gradient comme variable endogène, Edmonston (1975) explique son niveau par l’âge de la ville mais également la période d’observation et la cohorte. Il semble ainsi que les villes les plus anciennes dans le cas nord américain sont aussi celles qui ont les gradients les plus bas, i.e. les niveaux d’étalement les plus forts. D’autres travaux relatifs aux Etats-Unis ont régressé le gradient de densité sur des variables différentes telles que la taille de l’aire métropolitaine, la structure de l’emploi, la part des activités industrielles hors de la zone centrale (Mills, 1970). Johnson et Kau (1980) utilisent une fonction exponentielle négative à coefficients variables pour mettre en évidence l’impact de l’âge et de la taille de la ville sur son degré d’étalement.

On remarquera que l’effet positif de la taille de la ville sur l’étalement de la population mis en évidence dans bon nombre d’études empiriques est contradictoire avec les résultats théoriques du modèle monocentrique. En effet, dans ce modèle, l’accroissement de la taille de la ville doit au contraire avoir pour conséquence une hausse des densités en tout point de la ville. Mills et Tan (1980) expliquent ce résultat empirique étonnant par le jeu d’une décentralisation des emplois croissante avec la taille de la ville. Parr et Jones (1983) proposent des hypothèses plus élaborées sur les liens entre la configuration interne des villes et leur position dans la hiérarchie urbaine. Ils mettent en particulier l’accent sur le rôle de la structure des coûts de transport.

En France, Nicot (1996) a expliqué l’évolution de la distance médiane de certaines ZPIU entre 1982 et 1990, à partir de variables telles que le niveau initial de population, l’évolution de la population de la ZPIU entre 1982 et 1990, la variation dans la distance nonantane entre 1982 et 1990 (distance au centre telle que 90 % de la population est localisée à une distance inférieure à cette distance).

D’autres facteurs explicatifs de l’étalement urbain sont aussi mis en évidence en particulier dans les études américaines. La politique de garantie des prêts immobiliers et, plus généralement, la politique foncière et de zonage (McMillen et al., 1992) sont envisagées comme déterminantes dans la déconcentration des localisations des ménages. Ce facteur est identifié dans les pays développés mais également dans les pays en développement comme le Ghana. Même si cela n’est pas intégré dans le cadre d’un modèle, Asabere et Owusu-Banahene (1983) notent que l’Etat a contraint les pauvres à quitter le centre par des politiques de rénovation de ce dernier et le développement de terrains bon marché en périphérie. Dans d’autres pays, sans que cela soit modélisé là aussi de manière rigoureuse, la politique de réserves foncières que l’Etat a pu mener a eu pour effet a contrario de limiter l’extension urbaine (Wu, 1998). Certains auteurs ont insisté sur les anticipations des propriétaires fonciers comme facteur explicatif de l’étalement urbain (Ottensmann, 1977).

La diversité des indicateurs retenus et la variété des combinaisons faites entre des facteurs dont les soubassements théoriques n’ont pas toujours la même robustesse, rendent difficiles la formulation de conclusions univoques sur l’incidence de chacun de ces facteurs sur l’étalement urbain.