CONCLUSION
DE LA PREMIERE PARTIE

Le modèle standard de l’économie urbaine offre un premier cadre d’analyse du comportement des ménages en matière de localisation. Il identifie les déterminants micro-économiques de ces choix et des configurations spatiales qui en résultent. Ces facteurs ont trait aux revenus des ménages, aux coûts de transports, aux caractéristiques démographiques des ménages et à la répartition des équipements et des aménités dans l’espace. Moyennant différentes hypothèses, selon les auteurs, il est possible également de dériver de ce modèle une répartition de la population dans l’espace. Sous ces conditions, les densités de la population décroissent de manière exponentielle en fonction de la distance au centre.

Ce modèle repose cependant sur des hypothèses fortes qu’il est nécessaire de relâcher. Parmi celles-ci, l’hypothèse d’un réseau de transport homogène ou d’une organisation radiale ou isotrope de celui-ci est peu adaptée au regard de l’observation de ces derniers. Ils se caractérisent en effet par des infrastructures à forte capacité et vitesse élevée et d’axes plus restreints à vitesse réduite. En outre, de profondes disparités interviennent également dans leur répartition spatiale. Dès lors, cette hétérogénéité et cette anisotropie induisent une remise en cause du caractère univoque de la relation entre distance et densité. Pour une même distance au centre, les coûts de transport selon les réseaux de transport ne sont plus identiques. Du modèle présenté visant à prendre en compte ces différences, il est possible de déduire deux prédictions sur la qualité des estimations de fonctions de densité. On peut penser en particulier que des estimations de fonctions de densité privilégiant des variables de coûts de transport devraient fournir de meilleurs résultats que celles menées sur des indicateurs de distance euclidienne au centre.

L’économie géographique dans son développement intra-urbain dépasse également certaines limites du modèle standard de l’économie urbaine. Elle envisage les choix de localisation des ménages et ceux des firmes de manière liée, dans le cadre d’un équilibre général. Les interactions entre firmes et ménages ne sont pas uniformes et certaines sont plus sensibles à l’éventuelle proximité des ménages. La dispersion de la population peut même dans certains cas devenir une force d’attraction pour des emplois spécialisés.

Au niveau empirique, les travaux menés se caractérisent par leur grand nombre. De manière générale, ils visent à restituer le plus finement possible la répartition de la population dans l’espace en privilégiant la seule distance au centre. La conclusion du modèle standard sur la répartition de la population dans l’espace suivant une forme exponentielle négative à fait l’objet d’une attention particulière. Les résultats des estimations avec cette forme fonctionnelle sont non négligeables. La distance au centre, un des déterminants des choix de localisation des ménages dans le modèle standard, apparaît comme significative. Il semble cependant que cette forme privilégiant des distances euclidiennes ne soit pas la plus performante pour rendre compte de cette distribution spatiale, en particulier dans le cas des grandes régions métropolitaines. Les travaux sur les conditions d’obtention de cette forme fonctionnelle, en particulier sur les élasticités, sont en revanche nettement moins nombreux. Les problèmes méthodologiques relatifs à leur détermination ne sont certainement pas étrangers à cette situation.

D’autres facteurs que la seule distance au centre ont été mobilisés également pour expliquer ces configurations. Ils renvoient généralement aux déterminants micro-économiques du modèle standard de l’économie urbaine et de l’économie géographique sans que cela soit systématique. Les tests réalisés et les estimations produites adoptent pour une très grande partie d’entre eux le cadre des villes nord-américaines. Certains facteurs comme le revenu, les coûts de transports, les aménités sont relativement significatifs dans ces estimations. Mais les différences de méthodologies, de périmètres, de périodes d’observation, de variables retenues pour saisir les déterminants identifiés dans le cadre théorique, ne rendent pas aisée l’obtention de conclusions univoques.

Les villes européennes et, en particulier françaises, sont moins suivies tant sur le plan de la répartition de la population et des activités dans l’espace que sur les facteurs explicatifs de ces configurations. Les recherches qui ont opté pour cette voie privilégient des outils relativement simples, fondés sur le suivi du sens de variation d’indicateurs unidimensionnels. Les travaux d’estimation économétriques sont plus rares. Centrés sur des approches essentiellement monographiques, il est difficile d’en dégager une tendance robuste. L’objectif de la seconde partie est de soumettre alors « à l’épreuve des faits » certaines des prédictions de ces modèles, concernant la répartition de la population dans l’espace, la qualité des estimations produites en fonction des indicateurs retenus, l’impact des déterminants des choix de localisation des ménages issus du modèle standard, les interactions entre population et emplois, à l’échelle d’un grand nombre de villes françaises.