1.2 Le périmètre

La sélection du périmètre d’observation est une étape nécessaire si l’on veut réaliser des estimations (Schmitt, 1999). Elle est également décisive dans la mesure où elle conditionne en grande partie les résultats à venir. Le grand nombre de zonages élaborés par l’INSEE mais également par différentes administrations ne simplifie la procédure de choix (Encadré 4.1). Le zonage retenu doit être pertinent par rapport aux questions envisagées et être développé sur différents espaces de manière homogène. En outre, il est préférable qu’il puisse s’affranchir des découpages administratifs préexistants comme le département ou la région. La ville ne prend pas fin aux changements de départements. Or, certains zonages mentionnés ci-après sont conditionnés par le respect des limites administratives départementales ou régionales. Le zonage retenu ne sera pour autant pas totalement indépendant d’un découpage administratif si la commune est sélectionnée comme unité d’observation de base.

Un zonage trop vaste tel que le département ou la région s’avérera inefficace pour suivre l’évolution des configurations urbaines. Il offrira, en revanche, un cadre relativement adapté pour l’observation de la hiérarchie urbaine. A l’opposé, un cadre comme l’agglomération au sens administratif ou au sens de l’INSEE, sera également inapproprié. L’étalement urbain se traduit en grand partie par un dépassement de frontières fondées sur la seule continuité du bâti au profit d’un développement de relations fonctionnelles entre les mailles de l’espace.

L’INSEE a élaboré, au début des années 1960, les Zones de Peuplement Industriel et Urbain (ZPIU). Ce découpage du territoire visait à appréhender l’influence des villes, au-delà des limites des agglomérations. Sa définition était fondée sur les critères suivants : proportion de la population vivant de l’agriculture, niveau des migrations alternantes, taux d’accroissement démographique. Mais les variables retenues méritaient d’être actualisées. Le pouvoir discriminant de ce zonage a en effet considérablement décliné. En 1990, les ZPIU couvraient plus des trois quarts du territoire et regroupaient 96% de la population.

Tableau 4.1 : Composition des zones de peuplement industriel et urbain (ZPIU) depuis 1962
Recensement Nombre de communes en ZPIU % des communes en ZPIU % de la population en ZPIU
1962 9 100 24 74
1975 12 000 33 83
1982 19 000 52 89
1990 28 500 78 96
Source : Le Jeannic, 1996

Le Zonage en Aires Urbaines élaboré par l’INSEE en 1996 et déterminé sur la base du recensement de la population de 1990 (Le Jeannic, 1996) vise à pallier la cécité du découpage en ZPIU. Il offre une mesure de l’influence de la ville au sens économique du terme, dimension imparfaitement saisie par les autres zonages présentés (Encadré 4.1). Ce découpage est fondé sur les critères du nombre d’emplois et de la proportion des migrants alternants relativement à la population active.

Il distingue l’espace à dominante urbaine de l’espace à dominante rurale. Le premier ensemble se décompose en deux, les aires urbaines et les communes multipolarisées. Les aires urbaines renvoient à des pôles urbains, qui offrent au moins 5 000 emplois et qui ne sont pas sous la dépendance d’un autre pôle et à la couronne périurbaine. Cette dernière intègre toutes les communes qui se trouvent soumises à la forte attraction d’un pôle urbain. Cette attraction est saisie sur la base de la proportion d’actifs résidents de la commune et travaillant au niveau du pôle ou des autres communes, dont le seuil en fonction de la population active est de 40 %.

Pour certaines communes, l’attraction des actifs résidents ne se fait pas en direction d’un seul mais de plusieurs pôles. Elles sont alors considérées suivant cette nomenclature comme des communes multipolarisées. L’espace à dominante rurale correspond au complémentaire de ces trois entités, pôle urbain, couronnes périurbaines et communes multipolarisées.

Depuis ce découpage centré sur les villes, l’espace à dominante rural a fait l’objet d’une attention plus soutenue. Il a été découpé lui même en rural sous faible influence urbaine, en pôles ruraux, en périphérie des pôles ruraux et en rural isolé. Le premier renvoie à toutes les communes ou unités urbaine dont 20 % des actifs résidents vont travailler dans une aire urbaine. Les pôles ruraux sont les communes comptant au moins 2 000 emplois et dont le nombre d’emplois est supérieur au nombre d’actifs résidents. Les communes ou les unités urbaines dont 20 % des actifs résidents vont travailler dans un pôle rural constituent la périphérie des pôles ruraux. Le rural isolé renvoie à l’ensemble des communes qui ne sont ni sous l’influence urbain, ni des pôles ruraux, ni à la périphérie des pôles ruraux.

Ce zonage en aires urbaines a été appliqué au recensement général de population de 1990. Il a été également rétropolé pour le recensement de 1982. 361 aires urbaines ont été définies sur la base de cette méthodologie par l’INSEE en 1990 (annexe I). La mise à jour de ce zonage sur la base des informations du recensement de 1999 est envisagée mais n’a pas encore été entreprise par l’INSEE.

Tableau 4.2 : Evolution du zonage en aires urbaines (ZAU)
Nombre de communes (1) % de communes % de la population
Définition 1982 Définition 1990 Définition 1982 Définition 1990 Définition 1982 Définition 1990
Pôles urbains 2 621 2 813 7,2 7,7 60,6 60,7
Communes périurbaines 7 479 10 432 20,5 28,5 11,1 15,7
Dont
- couronnes périurbaines 5 711 7 893 15,6 21,6 8,8 12,2
- communes multipolarisées 1 768 2 537 4,8 6,9 2,3 3,5
Espace à dominante urbaine 10 100 13 243 27,6 36,2 71,7 76,4
Espace à dominante rurale 26 470 23 325 72,4 63,8 28,3 23,6
Total 36 570 36 570 100,0 100,0 100,0 100,0
1. Il s’agit des communes dans leur définition 1990
Source : Le Jeannic, 1996

En 1990, l’espace à dominante urbaine regroupe 43 des 57 millions d’habitants que compte la France métropolitaine, soit plus des trois-quarts. Avec 13 millions d’habitants, l’espace à dominante rurale représente près d’un quart de la population totale. Cet espace à dominante rurale est très vaste puisqu’il représente 71 % de la superficie totale et les deux-tiers des communes françaises.

La proportion de la population résidant dans un pôle urbain est restée stable entre 1982 et 1990. Les pôles urbains abritent ainsi près de 34 millions de personnes en 1990 contre près de 33 millions de personnes en 1982. En revanche, la croissance de la population résidant au niveau des couronnes périurbaines et, dans une moindre mesure au niveau des communes multipolarisées, est sensible. Leur part dans la population totale est passée de près de 9 % à plus de 12 % entre 1982 et 1990. Près de 5 millions de personnes en 1982 résidaient dans une commune d’une couronne périurbaine. En 1990, 2 millions de personnes de plus sont localisées au sein de cet espace.

L’espace à dominante rurale sur cette même période a enregistré une baisse de population de plus de 2 millions.

La définition des aires urbaines offre un zonage plus sélectif que celui des ZPIU (Tableau 4.3.). Le nombre de communes appartenant à une ZPIU et à une aire urbaine en 1990 s’élève à 13 074 unités contre 28 500 unités suivant le seul découpage en ZPIU. Cette définition plus limitative des espaces urbains suivant le ZAU se retrouve également dans le nombre de communes comptées dans une ZPIU de 1990 et faisant parties de l’espace à dominante agricole. Pour ces deux définitions en 1990, la part de ces communes est de 42,1 % du total des communes.

Tableau 4.3 : Comparaison des ZPIU et du ZAU
ZPIU définition 1990
ZAU définition 1982
ZPIU définition 1982
ZAU définition 1990
ZPIU définition 1990
ZAU définition 1990
Communes Pop. 1990 Communes Pop.1990 Communes Pop. 1990
Effectif % Effectif % Effectif %
Communes en ZPIU
et en espace à dominante urbaine
10 090 27,6 72,2 11 182 30,6 74,9 13 074 35,8 76,3
Communes en ZPIU
et en espace à dominante rurale
18 396 50,3 24,2 7 866 21,5 14,9 15 412 42,1 20,0
Communes hors ZPIU
et en espace à dominante urbaine
10 0,0 0,0 2 063 5,6 1,5 171 0,5 0,1
Communes hors ZPIU
et en espace à dominante rurale
8 074 22,1 3,6 15 459 42,3 8,7 7 913 21,6 3,6
Nombre total de communes
(définition 1990 des communes)
36 570 100,0 100,0 36 570 100,0 100,0 36 570 100,0 100,0
Source : Le Jeannic, 1996

Nous avons pu avoir accès au zonage en aires urbaines établi sur la base, non pas du recensement de 1990, mais sur celui de 1982. Il permet de mettre en évidence les différences de zonage entre 1982 et 1990, comme nous l’avons montré dans le cadre du chapitre I. Plus spécifiquement, il offre une représentation possible de la croissance urbaine qu’il aurait été intéressant de mobiliser pour les estimations de fonctions de densité. Ce zonage est cependant un fichier de travail de l’INSEE qui n’a pas été totalement apuré et validé. En outre, il n’existe de travail identique, ni sur la base du recensement de 1975, correspondant à la borne inférieure de notre intervalle de temps, ni sur le recensement de 1999, borne supérieure de ce même intervalle de temps.

Il aurait été possible également de développer un périmètre ad hoc comme cela a été fait dans certaines recherches. Le souci de la comparabilité des résultats des estimations en contrôlant le type de périmètre retenu nous a conduit à ne pas retenir cette option.

En conséquence, nous avons opté pour le Zonage en Aires Urbaines, défini sur la base du recensement de 1990. Il apparaît comme le plus approprié pour suivre l’évolution des configurations urbaines. Sa détermination pour un grand nombre de villes permet de répondre au souhait de privilégier une démarche de suivi à l’échelle d’un grand nombre d’aires urbaines.

Enfin, il convient de noter que, compte tenu de son mode de construction centré sur l’identification d’un seul pôle d’emplois, la structure des l’aires urbaines ainsi délimitées est essentiellement du type monococentrique.