CHAPITRE V : L’économétrie spatiale

Le concept d’espace est incontournable dans le domaine de l’économie urbaine et des sciences régionales. De nombreuses théories économiques l’ont intégré dans leurs développements. Les avancées méthodologiques pour sa prise en compte dans des travaux appliqués n’ont cependant pas progressé au même rythme. L’espace et l’ordonnancement des unités spatiales ont été l’objet de travaux de la part de géographes et de statisticiens au cours des années 1970. Ces recherches étaient essentiellement de nature théorique. Elles avaient pour finalité d’offrir des indicateurs synthétiques de la diversité des formes et des relations existantes et potentielles entre les unités spatiales envisagées de manière abstraite.

La traduction de ces développements pour des travaux appliqués est encore plus récente. A la seule mesure de la dépendance spatiale a succédé sa prise en compte explicite dans des modèles statistiques. De surcroît, ceux-ci ont pour objectif désormais de corriger les estimations obtenues. La littérature sur la question est relativement importante (au sein de celle-ci, on peut citer les ouvrages de référence de Cliff et Ord (1973, 1981), Klassen et Paelinck (1979), Upton et Fingleton (1985), Anselin (1988), Jayet (1993)). Les recherches appliquées sont cependant encore peu nombreuses. Dans le chapitre III consacré à l’analyse des densités, nous avions noté que très peu d’estimations avaient recours aux outils de l’économétrie spatiale.

Ces travaux d’estimation retiennent généralement le cadre du modèle linéaire général et optent pour la méthode des moindres carrés ordinaires. Or, par définition les données de densité de population et d’emplois sont spatialisées. Les facteurs explicatifs de ces configurations urbaines, comme le niveau de revenus des ménages à l’échelle communale, la présence d’aménités naturelles, l’existence d’équipements sont localisées. Le coût de transport entre des lieux est indissociable de l’espace. L’ordonnancement des valeurs prises dans l’espace par ces variables se doit d’être intégré de manière explicite dans le cadre des modèles de l’économétrie spatiale. De même, les unités d’observation retenues ne sont pas toutes de même taille. Les phénomènes envisagés n’ont pas la même intensité dans l’espace. La prise en compte de ces deux effets spatiaux que sont autocorrélation et l’hétérogénéité spatiales est l’objectif de l’économétrie spatiale. Les hypothèses qui président à la méthode d’ajustement linéaire classique fondée sur les moindres carrés ordinaires se trouvent en conséquence violées dans un grand nombre de travaux statistiques sur l’espace.

Nous présenterons dans un premier temps ces hypothèses centrales de l’ajustement linéaire avant d’indiquer, dans un deuxième temps, leur difficile respect sous l’effet de la dépendance et de l’hétérogénéité spatiales. Nous nous attacherons, dans un troisième temps, à la notion d’autocorrélation spatiale avec les mesures qu’il est possible d’établir de cet effet, les modèles qui existent pour son intégration explicite ainsi que les tests relatifs à l’évaluation de la qualité de des estimations produites.