CONCLUSION
DE LA SECONDE PARTIE

L’objectif de cette deuxième partie était de soumettre « à l’épreuve des faits » certaines prédictions déduites du modèle standard, du modèle intégrant l’homogénéité et anisotropie de l’espace et des modèles de l’économie géographique intra-urbain. Les tests de ces différents modèles en l’état ne sont en effet pas aisément réalisables, compte tenu de leur niveau d’abstraction, de l’absence de variables correspondant aux déterminants identifiés...

Dans un souci de comparaison et de robustesse des résultats, nous avons opté pour la modélisation, menée sur plus d’une centaine d’aires urbaines françaises, pour les quatre derniers recensements de la population, 1975, 1982, 1990, 1999.

Le modèle standard considère que, moyennant certaines hypothèses, la distribution de la population dans l’espace suit une forme exponentielle qui décroît à mesure que la distance au centre augmente. Les estimations de cette forme fonctionnelle indiquent des résultats significatifs, en particulier pour les grandes aires urbaines. Ce résultat est relativement surprenant dans la mesure où la littérature insiste davantage sur l’émergence de pôles secondaires au niveau des grandes régions métropolitaines, qui viendraient perturber les ajustements realisés. Le périmètre que nous avons retenu n’est certainement pas étranger à ce résultat. En outre, cela vient plutôt confirmer le rôle structurant de la ville centre au niveau des aires urbaines françaises, à la différence en particulier des régions métropolitaines nord américaines.

Sur la base de ces estimations réalisées pour grand nombre de villes, le suivi du gradient dans le temps permet d’évaluer l’étalement urbain. En moyenne, celui-ci décroît de 1,5 % entre 1975 et 1999. Son évolution au sein de cet intervalle de temps est cependant plus erratique. On peut également noter la convergence des résultats obtenus, avec les estimations sur les densités et la population cumulée, sur le lien entre taille des aires urbaines en termes de population, densités au centre et niveau d’étalement. Plus la population des aires urbaines est faible, plus les densités moyennes au centre sont peu élevées et plus l’aire urbaine est concentrée avec des gradients de niveaux importants.

L’estimation de cette forme fonctionnelle pour les emplois indique une moindre dispersion de ceux-ci dans l’espace relativement à la population. La segmentation de ces emplois en secteurs ou groupes distincts fait apparaître des spécificités. Les emplois de service aux ménages ou emplois de distribution sont davantage déconcentrés que les autres types d’emplois.

D’autres fonctions ont été également estimées pour les densités de population. Elles offrent de meilleures qualités d’ajustement que la fonction exponentielle négative sur les densités.

Mais l’hypothèse d’homogénéité et d’organisation radiale isotrope des réseaux est peu réaliste au regard de la répartition et des types d’axes de transport dans l’espace. Le modèle présenté, intégrant désormais hétérogénéité et anisotropie, conduit à deux prédictions sur la qualité d’ajustement des fonctions de densité. La confrontation au réel de ces deux conclusions nous a conduits à déterminer des indicateurs plus adaptés pour rendre compte des coûts généralisés de transport. Les distances-réseaux et les distances-temps assurent ainsi des estimations de meilleure qualité que celles issues des distances euclidiennes, pour des périodes, des aires et des périmètres différents. Leur détermination n’est guère aisée et l’utilisation d’une méthode non encore utilisée dans le cadre de l’économie spatiale permet de surmonter en partie cette difficulté. L’estimation de frontières de production inversées autorise la prise en compte de la structure dissymétrique du nuage des aléas et cela dans un grand nombre de villes. Avec cette méthode, le gradient obtenu est plus faible que celui issu des estimations par les MCO. Cette méthode constitue un test positif supplémentaire des prédictions du modèle avec hétérogénéité et anisotropie et offre de nouvelles perspectives de méthodes d’estimation de fonctions de densité.

Mais les valeurs des variables ne sont pas disposées de manière aléatoire dans l’espace. Les unités d’observation ne sont pas toutes de même taille. Leur distribution obéit à des mécanismes économiques. Il convient alors d’intégrer les éventuelles interactions spatiales entre ces unités. La prise en compte de cette dépendance spatiale est le l’objet de l’économétrie spatiale. Elle en assure une mesure et une intégration dans des modèles appropriés.

Les estimations de fonctions de densité nécessitent de recourir à de tels modèles sous peine de biais dans les coefficients, d’erreurs dans les paramètres et d’estimateurs inéfficients. Pour ces dernières, les modèles avec autocorrélation des résidus sont performants. Les résultats obtenus sur une centaine d’aires urbaines françaises diffèrent de ceux obtenus suivant les MCO. Les gradients conservent la même orientation à la baisse mais leur intensité et leur rythme de décroissance, au sein de l’intervalle de temps 1975-1999, sont différents selon les méthodes d’estimation retenues.

Conformément au modèle standard et au modèle de l’économie géographique intra-urbain, d’autres facteurs que la seule distance au centre interviennent dans les choix de localisation des ménages et des firmes et dans les configurations urbaines qui en résultent. L’introduction, dans des modèles avec autocorrélation des résidus et autorégression de variables telles que les revenus, les coût de transport, les aménités naturelles, les équipements des communes, la structure des ménages assurent des gains en termes d’ajustements statistiques mais aussi de compréhension des mécanismes à l’oeuvre. L’intégration de variables relatives aux emplois, en particulier des emplois de distribution, contribue à améliorer la qualité des ajustements. En outre, elle n’infirme pas l’hypothèse d’interactions différenciées selon les types d’emplois avec la population.