3. La croyance en l'avenir révélant le décalage entre la société officielle et la réalité sociale

Le prochain moment que nous allons analyser dans ce temps discontinu de la politique est celui du discours du candidat qui a eu la plus large adhésion réunissant, à travers lui, tous les membres de la société brésilienne sous un groupe d'appartenance unique : la nation brésilienne. Le candidat élu est celui qui assume, par le choix du vote de la plupart des électeurs, le rôle de celui qui les mènerait à une nouvelle situation sociale.

L'analyse du discours du candidat vainqueur s'impose dans cette étude car c'est à travers lui, en complémentarité avec les aspects commentés ci-dessus, que nous pourrons distinguer sur quel processus idéologique, pour utiliser les mots de Ricoeur, les membres de la société brésilienne assoient leurs propres motivations par rapport au pouvoir. En d'autres mots, nous tenterons de saisir quels éléments ont été utilisés par le candidat Cardoso pour la construction de la légitimation. Nous verrons qu'elles sont les éléments qui " s'ajustent " aux croyances qui circulent dans la société, créant la liaison qui soutient le système d'autorité établi, renouvelé à travers le vote.

Le candidat Cardoso a emmené l'adhésion de 50.29% des électeurs votants, ce qui lui a assuré sa victoire dès le premier tour. Pour cette raison, à travers l'analyse du discours utilisé par ce candidat, nous essaierons de montrer que la construction du message transmis a fourni des éléments qui lui ont donné la légitimité politique, permettant l'ajuste entre l'action de ceux qui prétendaient à la légitimation et l'action de ceux qui la lui ont conférée, par l'attribution de l'image de " comment doit être un président ". Ces significations qui lui fournissent cette image ayant surgi simultanément avec le fait historique fondateur, elles représentent la source de ce qui s'offre comme sens indubitable dans l'ordre social et politique (le quand, l'où et le comment, selon Castoriadis).

Les élections réalisées au Brésil en 1998 présentent une grande particularité, un fait inédit dans ce pays, obtenu par la modification de la Constitution de 1988 qui rend possible la représentation d'un Président de la République comme candidat à sa propre place.

Ainsi, le vainqueur de ce scrutin ayant été celui qui se trouvait déjà à la présidence renouvelant dans ce temps de la politique son accès au pouvoir, son discours nous permettra d'entrer dans le processus de construction de légitimation utilisé par ce candidat, qui nous intéresse particulièrement par l'aspect que nous considérons paradoxal, à savoir : la manière dont sera véhiculée la promesse d'une nouvelle situation sociale, présente dans les programmes électoraux des divers candidats, par celui qui incarne en même temps la continuité des institutions établies.

Nous avons proposé, au début de cette étude, que l'indépendance du Brésil constitue l'événement historique devenu la narration mythique d'un temps original, car il fut celui qui a fourni un sens à l'espace profane colonial, créant un centre à partir duquel la vie politique brésilienne s'est construite. De la même manière, le personnage historique Pedro I, auteur du Cri de l'Ipiranga, est devenu le héros primordial qui a instauré l'ordre social et politique au Brésil, introduisant des qualificatifs et critères spécifiques depuis lors considérés inhérents à la figure du souverain, créant un modèle auquel celle-ci devrait se référer. Ce mythe paradigmatique qui transforme le monde chaotique en notre monde cosmisé révèle, à travers les sens qui lui ont été attribués, des significations plus larges qui non seulement définissent les critères autour de l'image du souverain, mais orientent aussi les idées politiques déterminant leurs valeurs et les formes adoptées.

Parmi les diverses significations qui constituent l'espace de la politique, l'une nous paraît omniprésente dans notre histoire. Elle se transforme et s'actualise, mais sont fondement se maintient en tant qu'agent dynamisateur d'un système d'autorité déterminé, car il joue un rôle qui comme nous aimerions le démontrer, permet aux hommes politiques d'établir une domination durable. En effet, nous nous sommes aperçus qu'il existe, tout au long de notre histoire politique, la quête d'un destin glorieux, engendrant l'idée sus-jacente d'un futur idéalisé propagée par l'écrivain autrichien Stefan Zweig dans les années 1940 à travers son livre " Brésil, pays du futur ". 67 Nous pensons cependant que ce projet est présent depuis la naissance de la nation.

Pendant notre recherche, plusieurs éléments nous ont permis de percevoir que depuis la période initiale de la colonisation, ce territoire acquérait des contours dans la pensée de ses premiers observateurs qui vont au-delà de ceux communément attribués aux colonies par les rapports imposés dans le mercantilisme colonial ; rapports qui réduisaient la colonie à une " factorerie destinée à enrichir la métropole ". Cette colonie là représentait pour l'un de ses premiers théoriciens, le Père Antônio Vieira, plus qu'un rôle de fournisseur de matières-premières. Ayant beaucoup écrit sur ce territoire nouvellement conquis, ces terres représentent, à ses yeux, l'objet qui confirmerait la grandeur du Portugal et qui constituerait, avec la métropole l'Empire Portugais, imputant en même temps aux portugais-conquistadores le rôle d'instrument utilisé par Dieu pour une nouvelle création du monde où le christianisme régnerait victorieux :

‘" C'est pour cette raison que Dieu a choisi notre nation parmi toutes les autres, pure dans la foi et aimée par notre pitié : ces gens étranges sont ceux vers où nous avait promis de nous emmener sa Sainteté : cet empire est le vôtre, qu'à travers nous a voulu amplifier et en nous établir ; c'est cette foi, et sera toujours la plus grande et la plus noble gloire de la valeur, du soin, de la religion et de la chrétienté portugaise " 68 .’

D'autres recherches confirment la permanence de l'idée d'un projet futur, d'un destin idéalisé qui construirait lentement une forme d'idéalisme politique, initié dans la période coloniale. La première recherche dont nous parlerons est la thèse de doctorat réalisée par Oliveira (1992), qui croit que cette idée a engendré un mythe, le mythe de la nation qui est, selon lui, l'un des éléments constitutifs de l'histoire du Brésil. Pour Oliveira, ce mythe se manifeste dans l'histoire de longue durée par un constant recommencement et une éternelle construction du pays, réactualisant ainsi les mythes chrétiens fondateurs du Nouveau Monde institué par les Portugais depuis la colonisation. Ceux-ci désiraient, comme le Père Vieira, construire un Nouveau Portugal. Ce mythe se serait re-affirmé après la naissance de la nation car celle ci, ne possédant aucun passé ou traditions auxquelles se référer, aurait crée à travers son projet de construction, au contraire, des objectifs à atteindre. En d'autres termes, la construction de la nation représente un désir de construire un futur plus grandiose plutôt que de préserver un passé duquel nous ne sommes pas fiers et qui est considéré comme une succession d'échecs.

Illustrant cette idée, nous retranscrivons un vers de la musique Fado Tropical de Chico Buarque de Holanda et Ruy Guerra :

‘" Oh ! Muse de mon fado, Oh ! Ma mère gentille, je te laisse consternée dans ce premier avril. Mais ne soit pas si ingrate, n'oublie pas celui qui t'a aimé et que dans ta dense forêt s'est perdu et s'est retrouvé. Ah! cette terre va un jour accomplir son idéal, elle deviendra un immense Portugal " ’

La deuxième étude traitée ici concernant ce thème fut celle développée par Florestan Fernandes (1981). Il analyse la période de transition entre la " gestation " et la " naissance " du Brésil. Il nous montre que les élites natives voyaient mise en œuvre des appareils de l'Etat dans cette phase de transition comme un moyen d'internalisation du centre de décision politique jusqu'alors réalisé par la métropole. Pour ce faire, ils ont absorbé le libéralisme non seulement comme une idéologie qui fournirait des éléments justificatifs pour l'émancipation de la tutelle coloniale mais aussi en tant qu'une utopie qui fournirait les idéaux " qui projetaient l'Etat et la société nationale comme un destin à conquérir dans le futur " 69 .

Cependant, alors que Florestan Fernandes nous parle des difficultés interprétatives qui découlent de la prétention à distinguer ce qui est idéologique de ce qui est utopique dans ce processus historique, nous proposons que cette séparation n'est pas nécessaire pour la compréhension de l'aspect que nous prétendons démontrer ici, suggérant qu'aussi bien l'idéologie dominante que les valeurs utopiques présentes dans les idéaux politiques de ces groupes sont les produit des significations imaginaires instituées et instituantes dans ce moment-là car elles servent d'appui et de justificatifs à ceux qui cherchent à confirmer leur accès au pouvoir.

Ce qui nous intéresse surtout ici est de démontrer que le processus historique qui a engendré la nation brésilienne a converti l'utopie déjà présente dans les projets coloniaux en condition de formation et de consolidation de la société nationale, en fournissant en outre des justificatifs aux groupes dirigeants natifs au moment de l'émancipation politique, comme un idéal à atteindre.

‘" Cette utopie émergeait comme impératif de certaines conditions économiques du présent, avec des implications juridiques, politiques et sociales infranchissables. Mais elle présupposait une considération attentive du futur, voire un futur lointain, car seulement dans l'avenir ces conditions là pouvaient advenir comme configuration de la destinée historique prévue à la lumière de l'expansion extérieure du capitalisme (…) Les cercles humains qui ont su observer, dans les limites de leurs intérêts immédiats, les innovations imposées par le présent, se sont aussi montrés sensibles à leurs conséquences, comme " quelque chose qui adviendra " . De cette perspective, le cadre institutionnel et politique dans lequel la Monarchie constitutionnelle émerge et se développe la démocratisation du pouvoir au niveau de la société civile, n'avait rien d'artificiel. Il n'a pas été construit en fonction du présent mais du futur que ce présent semblait exiger " 70 .’

Partant de ces considérations, nous suggérons que l'idée d'un " Brésil promis " engendrée pendant la période coloniale se confirme au moment de la naissance de la nation, car même niant le présent en tant que continuation du passé colonial, elle devrait néanmoins, " mettre l'accent sur les aspects de la situation historique qui liaient le présent au futur, tournée vers l'avant et vers le développement ultérieur de la société brésilienne " 71 . Nous considérons donc que ce sens hérité de la situation coloniale constituerait les jalons des valeurs politiques fondatrices de la nation, sur lesquelles les membres de la société civile assoiraient leurs propres motivations par rapport au pouvoir.

Or, dans ce même élan, nous nous demandons si ne serait pas celui-ci l'un des facteurs qui rendrait la doctrine positiviste d'Auguste Comte si proche des propos des groupes dominants au pouvoir à la fin du XIX siècle. Celle-ci serait l'idée qui allait non seulement justifier les stratégies pour la prise du pouvoir, mais aussi, et par-dessus tout, correspondrait aux significations imaginaires dominantes au point de déterminer les principes républicains adoptés dans ce pays, remodelant avec eux la République Brésilienne elle-même.

Jacques Julliard (1997) corrobore cette pensée lorsqu'il fait référence à l'émergence de ce qu'il appelle la philosophie du progrès dont les origines se trouvent dans la pensée judéo-chrétienne, qui introduirait la notion capitale, selon lui, d'un temps orienté, partant d'un point pour arriver à un autre, en contradiction avec la conception circulaire du temps dominant dans l'Antiquité. Ainsi, la vision chrétienne fondée dans l'Ancien Testament qui a sa continuité dans le Nouveau Testament, proposant un avant et un après Christ, instaure une évolution irréversible, une nouvelle manière de concevoir l'histoire de l'homme elle-même.

Selon Julliard, le fait que cette histoire sainte ait cohabité avec l'histoire de la pensée occidentale rend absurde l'attitude de ceux qui sous prétexte de la laïcité ont prétendu les séparer, éliminant ses racines religieuses. Il considère que ce fut seulement au XII siècle que l'idée de progrès a commencé à s'émanciper de l'espace théologique lorsque Joachim de Flore a proposé la tripartition de l'histoire humaine, fondée sur la trinité divine, annonçant qu'après le Père, qui correspond à l'histoire racontée dans l'Ancien Testament, a succédé l'histoire du Fils, le Nouveau Testament, et que le troisième temps qui la compose serait celui du Saint Esprit marquant alors l'avènement d'un évangile éternel.

A partir de cette nouvelle manière de voir et de concevoir l'histoire humaine, l'idée d'exaltation d'un nouvel âge à venir se construit, où la justice régnerait, y compris la justice sociale, dont les fondements donneraient plu tard deux formes distinctes de savoir, qui sont le millénarisme mystique et la subversion sociale égalitaire. Ici débute, selon Julliard, la sécularisation d'un message à l'origine religieuse. Cet auteur montre que ce fut plus tard, avec Condorcet, que la notion de progrès acquerrait un statut philosophique majeur, autonome et libre de tout aspect religieux. Pour Julliard, la pensée chrétienne engendre indépendamment de sa volonté, une philosophie laïque, qui se répandrait largement quelques siècles plus tard : la philosophie du progrès. Avec elle, le progrès assume un rôle déterminant dont la manifestation trouverait une grande résonance dans le XIX siècle, devenant " non seulement une vérité scientifique, mais aussi une idéologie de la science, et, donc, une nouvelle religion civique " 72 , véhicule d'un nouvel âge et incarnation d'un futur radieux.

Ce fut à partir de ce contexte socio-historique qu'Auguste Comte a construit sa philosophie positiviste, qui définit une méthode et une doctrine opposées au rationalisme abstrait des adeptes du libéralisme lié au droit naturel hérité du siècle des lumières. Il défend par ses dogmes, le scientisme social. Comte était convaincu des bénéfices apportés par le progrès continu.

João Ribeiro Jr. (1982) affirme que cette méthode propose un examen fondé seulement sur la certitude rigoureuse des faits observables et expérimentaux en tant que fondement des constructions théoriques. Cette doctrine se présente comme la révélation de la science, constituant la signification générale de la mécanique et de la dynamique de l'univers. De cette manière, son auteur " préconise l'emploi de nouvelles méthodes dans l'examen scientifique des problèmes sociaux, remplaçant les interprétations métaphysiques et établissant l'autorité et l'ordre public contre les abus de l'individualisme de l'Ecole Libérale " 73 .

Ainsi, pour Comte, l'ordre et le progrès seraient les deux principales sources de tout système politique, affirmant aussi qu'elles sont les deux principales fonctions du pouvoir. L'ordre est conçu par lui comme un consensus fondé sur la solidarité des membres d'une société donnée. L'homme dans son individualité n'existe qu'en tant que partie intégrante d'un groupe et, pour cette raison, les volontés individuelles liées au droit naturel (qu'il considère surnaturelles) sont incompatibles. Le progrès serait, selon lui, la dynamique sociale qui part de l'ensemble vers les particularités, c'est à dire la spécialisation de la connaissance de chacun étant est mise au service d'un perfectionnement qui cherchait l'évolution fondée sur l'étude scientifique. Pour Comte, le seul droit de l'homme est celui d'accomplir son devoir, qui résulterait dans une réelle harmonie entre tous les membres de la société, ceux-ci devant agir solidairement pour le progrès de l'humanité.

Cependant, pour Lapierre (1969), ces deux fonctions sont antinomiques, car il lui paraît difficile de maintenir, ensemble, l'aspect dynamique et l'aspect statique d'une même réalité sociale. Il pense que cette antinomie présente, dans la pratique sociale, des questions qui rendront impossible sa mise en place théorique. Il la considère comme un vrai dilemme, même si un jour cette doctrine aurait été mise en pratique et exercée avec le seul objectif d'accomplir cette fonction. Pour lui, si le progrès consiste dans l'acquisition de la connaissance sociologique qui découvre des lois naturelles de l'ordre social construisant les lois de ce même ordre, on voit alors la manifestation d'une tendance à soumettre le progrès à l'ordre ou bien à fonder le progrès sur l'ordre, inévitable problème que Comte prétend résoudre par la soumission du progrès à l'ordre, sous un consensus qui ne laisserait la place à aucune des volontés individuelles du libéralisme politique.

Or, pour Lapierre, tout ne semble pas si simple. Il considère que le problème pratique qui doit être réglé est celui des passions individuelles et collectives. Selon lui, le progrès exige toujours la satisfaction de revendications à travers lesquelles se manifeste la non-adaptation croissante des institutions juridiques, idéologiques et, parfois même, religieuses qui régulent les rapports sociaux, facteurs d'innovation sociale. Considérant que l'ordre établi comporte toujours des privilèges qui ont été légitimés lors de son instauration, au moment même de sa fondation, par des services rendus ou bien par le besoin de satisfaire des revendications considérées justes par ses membres, celles-ci deviennent obsolètes dans la mesure où les relations sociales, actives et spontanées, évoluent.

A partir de ces considérations, il nous semble que le Brésil apparaît comme un champ approprié à l'observation du dilemme présenté par Lapierre, car l'apogée de la philosophie du progrès. Dans cette philosophie lui sont attribuées des valeurs propres et même, comme l'affirme Julliard, un rôle politique. Son apogée coïncide avec un événement historique dans ce pays, s'affirmant au moment où les idées républicaines commencent à prendre forme et où les républicains brésiliens cherchaient des justificatifs importants qui puissent servir de fondement, théoriquement, à la substitution du gouvernement impérial par un autre qui réponde mieux à leurs intérêts particuliers.

Ainsi, assumant mieux que n'importe quel autre pays sa vocation " d'exportateur de matières-prémières et d'importateur d'idées et d'institutions " 74 , comme l'affirma Carvalho (199l), le Brésil épousera le positivisme de telle manière que cette doctrine servira de référence constante à la vie politique brésilienne après la proclamation de la République en 1889. Doctrine dont les fondements sont en permanence rappelés à travers son drapeau national, symbole de la nation par excellence, où se trouve imprimé la devise positiviste " Ordre et Progrès ".

Cependant, alors qu'en Europe, berceau du positivisme, cette doctrine justifie les nouvelles attitudes de la bourgeoisie en sa foi dans le progrès linéaire de l'humanité, fondée sur leurs propres tendances transformatrices des structures en vigueur après la Révolution, au Brésil, elle serait utilisée en réponse à la préoccupation centrale du moment historique. Celle-ci consistait dans la préservation de l'ordre public menacé depuis l'abolition officielle de l'esclavage, en 1888. De cette manière, au Brésil, les aspects idéalistes solidaires ou rationalistes de la doctrine positiviste sont atténués par rapport à la manière dont elle était pratiquée en Europe à cette époque là, étant adopté et adapté surtout l'idée centrale du positivisme qui considère que le progrès doit être soumis à l'ordre, celui-ci étant représenté par un fort pouvoir central qui s'obtiendrait avec l'instauration d'une dictature républicaine. C'est là, pour nous que doit être placé le dilemme présenté par Lapierre concernant les passions individuelles et collectives, introduisant la question de la construction de la légitimité du pouvoir.

Or, selon Carvalho (1990), le phénomène qui consiste à chercher des modèles extérieurs est universel, mais il peut être très utile pour comprendre une société particulière car " quelles idées adopter, comment les adopter, quelles adaptations en faire, tout ceci peut être révélateur des forces politiques et des valeurs qui prédominent dans la société importatrice " 75 .

Pour cette raison, nous tenterons de montrer ici, les formes particulières à travers lesquelles de telles doctrines ont été adoptées dans ce pays. Nous croyons que c'est à travers la manière dont la construction de la légitimité fut effectuée dans ce pays que les passions individuelles et collectives sont contrôlées. Cet aspect serait révélateur de la vision politique que possédaient les républicains brésiliens qui, selon Carvalho, ne cherchaient qu'une position de plus grand prestige et de pouvoir, confirmant par-là leur caractère autoritaire. Mais il révélerait peut-être des valeurs fondamentales qui constituent le sens dominant qui se trouve renouvelé. Il exprime que le héros primordial est le fondateur de la nation, mais aussi l'agent qui emmènera au Brésil promis, étant celui qui symbolise la marche en avant du pays, vers son destin glorieux. Ainsi, malgré le paradoxe apparent, nous croyons qu'au Brésil la dynamique manifestée dans sa vie politique représente, de façon concomitante la permanence et le renouvellement des valeurs fondatrices.

Or, après la déclaration d'indépendance et l'instauration d'un sens qui portait en lui les idéaux qui projetaient un destin à conquérir dans le futur, ce n'est pas la République qui va représenter, en soi, les valeurs re-fondatrices de la nation brésilienne. Mais nous considérons que si elle fut instaurée d'une manière si définitive c'est parce qu'elle a su actualiser et renforcer les aspects utopiques dont nous avons traité ci-dessus et pensons avec Carvalho que les formes adoptées par la Républiques ont transformé ce régime en véhicule qui mènerait la société à un nouvel âge d'or par la mythification de la notion de progrès. Nous croyons que cet aspect est constituant du sens dominant engendré à la naissance de la nation.

Pour cette raison, il nous semble que malgré tous les efforts inutiles de construction de symboles propres à la République, car la nation était déjà associée aux symboles liés à l'indépendance, ce régime s'y est établi et s'y maintient encore car il n'a pas altéré les institutions imaginaires sociales. Il transporte avec lui les significations dominantes qui contribuent à la confirmation du caractère transcendant attribué aux détenteurs du pouvoir, justifiant l'ordre social établi, car ceux-là incarnent, comme le héros primordial Pedro I, le rôle d'agent qui emmènerait le Brésil à un futur grandiose.

Partant de ces considérations, nous proposons avec Claude Rivière (1988), que les rites politiques sont un mode extérieur de renfort d'un régime qui évoque le forcing des consciences, car ils supposent qu'en chaque société existe une dimension religieuse à travers laquelle elle interprète sa propre expérience historique, attribuant un objectif transcendant au processus politique, et s'exprime par la transmission de croyances comme par exemple des nations qui se voient comme étant choisies par Dieu ou la championne des droits de l'homme, entre autres. En se définissant aussi bien par leur finalité que par leur morphologie, les rites cherchent à réitérer et renforcer des liens exprimant des conflits pour, en même temps, présenter leurs organisateurs comme les seuls à avoir la capacité de les surpasser, renouvelant et revivant des croyances originelles.

Dans le cas du Brésil, nous suggérons que c'est la croyance dans le fait que ce pays se réalisera pleinement dans l'avenir qui se trouve, encore de nos jours, actualisée à travers les rites politiques effectués par ceux qui prétendent renouveler leur accès au pouvoir, se manifestant en constante évolution vers sa destinée historique idéalisée.

Selon Márcio Oliveira (1992), le syndrome de la nation " absente " semble suivre de près l'histoire du Brésil depuis l'indépendance, le désir de construction d'une nation s'étant manifesté tout au long de l'histoire de la pensée sociale brésilienne, évoluant, cependant, selon la mode, l'idéologie et/ou les découvertes scientifiques les plus diverses. Ceci a pour conséquence, malgré les difficultés par lesquelles le pays est passé, la certitude du futur grandiose qui l'attend.

Nous essayerons alors de saisir, dans les discours et dans les idéaux transmis par les détenteurs du pouvoir pendant les moments qui ont le plus marqués l'histoire politique du pays, l'idée de promesse d'un futur meilleur. Nous pensons que cette idée se trouve au centre du processus idéologique dans lequel les membres de la société brésilienne placent leurs propres motivations par rapport au pouvoir, motivations conforme aux significations imaginaires dominantes. Nous croyons que cette relation fonctionne comme affirmation et appui d'un régime imposé, non seulement dans les moments où le peuple n'a pas été consulté, mais elle est aussi présente en tant que l'un des éléments utilisés dans la construction de la légitimation politique par ceux qui cherchent à renouveler leur accès au pouvoir par le vote.

Nous nous sommes aperçu que les détenteurs du pouvoir ou ceux qui le prétendent, cherchent à dévier le regard des membres de cette société du moment présent, proposant que l'on doive toujours " regarder droit devant ", avec la double tendance " à supporter le présent possible, en rêvant indéfiniment (voire se battre) pour un futur meilleur " 76 . Les détenteurs du pouvoir ou ceux qui prétendent renouveler leur légitimation politique s'attribuent le rôle de conducteur qui mènera la nation à sa destinée glorieuse et se présentent comme les seuls et uniques agents possédant des garanties pour le faire, soit à travers la notion de progrès, de modernisme, de " développementisme " 77 , y compris par la prétention d'inclure le pays dans le sélect club des pays les plus riches du monde, car la mondialisation est présentée en tant que promesse d'une conquête.

Pour Florestan Fernandes (1981), l'indépendance elle-même surgit imprégnée d'idéaux qui projetaient le pays vers un avenir à conquérir, lorsque l'utopie libérale remplissait sa fonction qui consiste à forcer la transformation de la réalité historique et devient la condition qui dynamiserait la formation de la société nationale, servant de base psychosociologique pour ceux qui cherchaient, en dernière instance, l'appropriation des moyens d'organisation du pouvoir. Cet idéal se retrouverait dans l'hymne qui symbolise la naissance du Brésil, devenu depuis l'hymne national brésilien :

‘" Géant par sa propre nature, tu es beau, fort, hardi et colossal. Si ton futur reflète cette grandeur, terre adorée, parmi des milliers tu es, Brésil, ma patrie aimée ".’

Ainsi, le futur se trouve, selon Florestan Fernandes, modelé comme mesure de valeur des processus historiques, définissant la capacité à affronter les exigences du présent comme la seule garantie valable du " futur de la nation " . Cette configuration serait pour nous la forme de domination non-coercitive employée par les groupes ascendants au moment de la formation et postérieurement à la consolidation de la société nationale après l'indépendance. Les Républicains brésiliens se sont approprié cette forme de domination à travers la philosophie positiviste, garantissant par-là le passage du régime monarchique au régime républicain.

Selon Carvalho (1996), avec la chute de la monarchie, de nouveaux idéaux devraient remplir le vide laissé par la force des symboles de noblesse, pour justifier la substitution de ce gouvernement. Ce serait alors l'idée de progrès qui servirait d'instrument de légitimation du nouveau régime, sans avoir pourtant renforcé l'utopisme des libéraux de l'indépendance car les aspects économiques que cette forme de libéralisme adoptait, mettait l'accent sur le contrôle de la main invisible du marché, défavorable au centralisme qui caractérisait ce gouvernement. Mais, au contraire, le nouveau régime faisait émerger les " ingrédients utopiques d'une manière encore plus visibles "apportés par le positivisme de Comte, dans lequel " la république était vue à travers une perspective plus large qui postulait un futur âge d'or " 78 .

Cette idéologie du progrès allait, selon l'étude de Martins (1992), gérer le mythe de la modernité dans toute l'Amérique Latine et en particulier au Brésil, dont la plus grande expression était le développementisme économique, qui créait une solidarité entre les détenteurs du pouvoir et la bourgeoisie industrielle. En effet, elle engendrerait une justification politique pour la réalisation d'objectifs économiques, nés surtout avec l'industrialisation. Selon cet auteur, dans la production de ce discours, le contenu de la philosophie positiviste se renouvellerait. Ainsi, le " développement avec sécurité " serait une révision actualisée de la devise positiviste " Ordre et Progrès " .

Or, avec le déclenchement de l'industrialisation brésilienne et l'urbanisation croissante dans le pays dans les années 30, la sous-jacente émergence d'une classe ouvrière faisait aussi surgir des mouvements revendicateurs plus larges de participation politique. Pour cette raison, le discours fondé sur le développementisme en tant qu'objectif national permettait la justification de l'intervention de l'Etat comme le principal moyen d'éliminer les incertitudes produites par les mouvements populaires. C'est la dictature de Vargas en 1945 qui, selon Martins, l'illustrerait le mieux.

Pendant le deuxième gouvernement Vargas, il émergeait une forme de nationalisme produite en partie comme l'un des résultats du mouvement moderniste réalisé par les intellectuels brésiliens des années 20. Le nationalisme serait cependant approprié par les idées politiques dominantes qui associeraient depuis la modernité au développementisme économique, attribuant à la première un caractère à prédominance technique et économique, pour la recherche de la construction du futur du pays. Cette idée est corroborée par Amaral :

‘" Cette période, d'inéquivoque affirmation politique et idéologique du nationalisme par la gauche commence, à notre avis, dans le deuxième gouvernement Vargas (…) Notre objet, pourtant, c'est une saga qui avait déjà excitée des émotions dans la campagne pour l'entrée du pétrole dans le pays après la guerre contre l'Axe, ravivée par la campagne du " le pétrole est à nous " et, enfin, par la création et la consolidation de la Petrobrás 79 . Derrière ce nationalisme - émotion et raison - il y avait ce que, peut-être, nous pouvions appeler l'idée-motrice : l'industrialisme, mais l'industrialisme comme le mot magique pour l'ouverture du développement national, avec toutes les conséquences imanentes, à savoir, la richesse, le bonheur, le bien-être, voire, une société juste. Ou, sinon, moins injuste ". 80

Ce fut un peu plus tard, dans la deuxième moitié des années 50, que le développementisme national marquera d'une manière plus vive les formes que la politique gouvernementale brésilienne adoptera, retrouvant un énorme succès dans l'image du président élu, Juscelino Kubitschek et son programme de buts, dont le principal objectif était l'élévation du pays au même niveau que les pays les plus riches du monde, imposant cette idée comme une condition sine qua non de l'existence du Brésil en tant que nation.

Pour cette raison, Márcio Oliveira (1992) considère que Brasilia apparaît comme la centralisation physique du progrès lui-même. Dans cette même perspective, Mendonça (1998) propose la construction de la capitale comme étant le but-synthèse, le symbole de toutes les réalisations inhérentes à ce que l'on considérait comme la construction d'un Nouveau Brésil. Ces deux auteurs considèrent la capitale comme la réactualisation des mythes chrétiens fondateurs du Nouveau Monde (ou du Nouveau Portugal), présents dans toute l'histoire de la pensée brésilienne, mais qui trouveront dans les discours de JK leur plus nette expression. Le président Kubitschek lui-même confirme cette idée :

‘" Et, enfin, à l'instant où je commence à voir notre pays à distance, je veux remémorer (…) la phrase qui a servi de devise à mon Gouvernement et qui, aujourd'hui plus que jamais, me donne satisfaction de l'avoir formulé : - Développer pour survivre " 81 .’

Cette phase d'euphorie développementiste serait atténuée par les problèmes politiques engendrés par l'élection, l'investiture et ensuite la démission du président Jânio Quadros qui a succédé à JK en 1960. Celui-ci fut remplacé par son vice-président, João Goulart, après sa destitution en 1961 et fut victime en 1964 du coup d'Etat militaire qui le destitua.

Cependant, peu après l'installation des militaires au pouvoir, les auteurs du coup d'Etat adoptaient le développementisme économique comme support de leur domination politique, sous la doctrine " sécurité et développement ". Dans un discours prononcé pendant son investiture, le premier président-militaire, le général Humberto Castelo Branco, affirme la même vocation à la recherche du futur lorsqu'il prétend que nous " marcherons toujours vers l'avant " .

Motivés par les plus hauts indices de croissance économique de toute l'histoire du pays, les militaires proclameront le " miracle brésilien ", instaurant en même temps le nationalisme glorieux du " Brésil grand " à travers une propagande autour de slogans du type " Brésil, aimez-le ou quittez-le " ou encore " Allez de l'avant, Brésil " .

Selon Teixeira da Silva (1990), le nationalisme glorieux instauré par les militaires se fondait sur la projection de la " réalisation de la vocation nationale à devenir une grande puissance " .

Avec la fin de la dictature et l'élection indirecte (par un collège électoral) d'un président civil en 1985, l'instauration des élections directes pour la présidence de la république engendrerait la première campagne électorale présidentielle post-1964 en l'année 1989, dans un contexte très différent de celui de 1960, date des dernières élections directes ayant eu lieu dans le pays.

Cette année-là, 48,2% de 12.586.354 électeurs brésiliens emportaient Jânio Quadros au pouvoir suprême. Cependant, le nombre d'électeurs comptabilisait moins de 25% de la population totale. Le pays se trouvait encore en phase d'urbanisation, la population rurale représentait, au début de cette décennie, environ 60% de la population totale du pays. L'industrialisation déclenchée dans les années 30, emmena le pays à des taux de croissance économique qui connurent leur sommet dans les années 70 avec le " miracle économique " (une moyenne de 10% par an).

En 1989, le Brésil était un pays à prédominance urbaine, inversant radicalement la relation campagne/villes du contexte précédant, mais il se trouvait cependant en pleine crise économico-financière due au collapsus de la politique économique appliquée par les militaires, extrêmement concentratrice du revenu et, en outre, le gouvernement faisait l'objet de graves accusations de corruption en son sein.

De plus, le phénomène électoral revêtait de proportions jamais vues : d'un côté, par l'instauration d'un autre phénomène, le médiatique, qui marquait, selon divers chercheurs, les élections de 1989 ; d'un autre, par l'universalité que le suffrage acquerait par des changements constitutionaux effectués entre ces deux scrutins.

Or, en 1960, le rôle des médias était encore peu significatif car ce fut, comme l'a affirmé Skidmore (1993), pendant les gouvernements militaires que les grands groupes de communications ont affirmé leur présence sur la scène socio-politique brésilienne, non seulement à travers des subsides fournis par le régime favorisant la création de nouvelles chaînes et l'instauration d'un système de transmission par satellite, mais aussi par l'instauration de diverses politiques d'accès au crédit cherchant à faciliter l'acquisition d'appareils de télévision par les consommateurs.

Ainsi, en même temps que ce véhicule de diffusion d'un consensus se consolidait dans tout le territoire national, en 1969, un amendement constitutionnel introduit le droit de vote à l'analphabète. Plus tard, la constitution de 1988 donne le droit - facultatif - aux mineurs de 16 ans. Ces changements engendraient un électorat de 82 millions d'électeurs en 1989, représentant 55% de la population totale. Pour cette raison, le discours et l'image des divers candidats prenaient, depuis cette année là, des proportions jamais connues dans le pays.

Dans ces élections, le président du Parti des Travailleurs, Lula, se présentait comme candidat, polarisant la scène électorale cette année là avec Fernando Collor de Mello, " typique représentant des grandes familles brésiliennes, fils et petit-fils de politiques traditionnels, cultivé et diplômé, habile manipulateur des médias, étant, dans la pratique, associé à l'un des plus grands cartels télévisuels du pays " 82 .

Ainsi, nous aimerions souligner que des éléments utilisés par Collor dans sa campagne, se sont fondés sur les valeurs dominantes qui comprennent par exemple la promesse d'un futur idéal, construisant le processus de légitimation politique.

Venício Lima (1992) nous rappelle que l'ouverture du programme électoral gratuit de ce candidat présentait un compte à rebours disant : " Encore 58 jours pour que vous changiez ce pays. Un nouveau Brésil est à venir. Collor président " . Il paraît s'être approprié l'idée de reconstruction nationale présentée par Oliveira ci-dessus. Il utilise les symboles de la nation : la devise " Ordre et Progrès " du drapeau est remplacée par la phrase " Collor est progrès ".

Le futur surgit ici par la présentation du présent en tant que base d'un projet réalisable postérieurement, car insistant sur la faisabilité du pays, il renforce l'idée qui consiste en " reconstruire la nation brésilienne d'une manière qu'elle puisse être la patrie de nos rêves ", y compris par le nom du parti qu'il a crée pour la circonstance, le Parti de la Reconstruction Nationale.

Selon Lima, Collor fonde son discours sur l'opposition de deux Brésils, car il a surgi dans une scène sociale, politique et économique catastrophique, avec d'importants indices inflationnaires (en 1988 l'inflation atteint 933,6%) et des accusations de corruption au sein du gouvernement, ce candidat divise le Brésil en : Brésil du retard, associé à la corruption contre laquelle il se battait, s'attribuant le titre de " chasseur de maradjhas " , et Brésil du futur, y associant sa propre image, créant un personnage compétent, sportif, diplômé, c'est à dire, l'homme moderne. Incarnant les qualités inhérentes à ceux qui composent l'univers des personnes, Collor émerge dans la scène médiatico-électorale chargé d'attributs symboliques qui lui fournissent les garanties nécessaires à son introduction dans l'espace sacré de la politique, se présentant comme le seul candidat susceptible d'occuper la place suprême. Il adopte, par conséquent, le rôle de celui qui mènera au Brésil promis, emportant les élections après 29 ans de jeûne électoral.

Le candidat Cardoso utilise les mêmes ingrédients pour construire sa candidature aux élections de 1994 et 1998, lorsque le processus de légitimation politique se renouvelait.

Il est clair que quelques différences distinguent ces deux scrutins, y compris le contexte économique. Pour Roberto Amaral, les élections de 1994 assument un caractère fortement plébiscitaire, lorsque " l'électorat brésilien a voté le Plan Real pour élire Cardoso qui promettait, avec la primauté de l'autorité que personne ne pouvait mettre en cause, la création du fils adoptif " 83 .

Or, avec la victoire de Collor en 1989, l'application de plusieurs plans économiques ouvrent l'économie nationale à la concurrence étrangère après des années de protectionnisme économique exercée par les militaires. Mais après sa destitution pour cause de corruption, son vice-président Itamar Franco assume le pouvoir et se trouve au centre d'une grande turbulence et, surtout, d'un manque de crédibilité politique, ainsi que devant de données économiques qui confirment le résultat concentrateur du revenu des politiques adoptées jusqu'alors :

‘" Après une infinité de plans, de chocs et de traitements divers administrés par des économistes et des techniques de différentes tendances, le cadre général du pays était décourageant. Des 67,2 millions de salariés existants, alors, dans le pays, 63% touchent l'équivalent de 3 salaires minimums 84 par mois, alors que 29,5% ne vivent qu'avec un salaire. Parallèlement, 5,8% de la population touchent plus de 10 salaires minimums par mois, caractérisant une société très inégale et injuste " 85 .’

Le président Itamar Franco nomme Fernando Henrique Cardoso Premier Ministre. Celui-ci lance, entouré d'une équipe d'économistes, un plan économique instaurant une nouvelle monnaie dans le pays, le Real, qui est également le nom du plan. Différemment d'autres plans antérieurs, celui-ci ne confisque pas des comptes et ne contient pas de mesures drastiques pour l'économie du pays réussissant, en plus, à contrôler l'inflation qui avait atteint, à la veille du plan, l'indice record de 2.708,5% (en 1993). Il maintient la valeur de la monnaie stable pendant les premières années de son application, équivalant depuis à un dollar américain.

Notre rôle ici n'est pas de discuter les mérites ou faiblesses de ce plan, mais il nous semble, comme l'a affirmé Amaral, qu'au niveau symbolique, la forte valeur de la monnaie brésilienne a produit un effet de crédibilité et, par conséquent, de valorisation de la nation. Or, faisant son apparition en pleine décennie de l'affirmation idéologisante de la mondialisation en tant que valeur dominante, lorsque Cardoso stabilise la monnaie brésilienne au même niveau que le dollar américain, qui possède dans la scène mondiale force de loi, c'est comme si Cardoso assumait, intrinsèquement, le rôle de celui qui apporterait le futur au pays. Son image d'homme moderne - et modernisateur - par excellence est ainsi construite même avant sa présentation comme candidat aux élections.

Ainsi, nous trouvons dans la présentation de sa proposition de gouvernement pour les élections de 1994 intitulé " Au travail, Brésil ", un texte signé par le candidat lui-même :

‘" Le Brésil est un pays en changement dans un monde en changement. Aujourd'hui nous avons un choix à faire. Nous pouvons nous laisser aller par le changement comme dans une avalanche. Ou bien nous pouvons mieux nous organiser et faire confiance à notre capacité de construire le futur avec nos propres mains. Pour être maître à bord et maître de notre futur, nous devons être capables de définir avec clarté ce que nous voulons comme société, comme nation et comme démocratie, et comment nous allons réaliser ce que nous voulons (…) Le projet de développement que nous présentons ici est notre réponse à ce défi " 86 .’

Dans ce discours, nous reconnaissons les éléments utilisés par ses auteurs pour projeter l'effective réalisation du pays dans un futur idéalisé, reproduits dans un amalgame d'idées qui récupèrent, encore une fois, l'association de modernité et de développement économique, lorsque l'on attribue à cette notion, un caractère à prédominance économique, mais dont l'actuelle traduction se trouve dans " l'avantageuse insertion du Brésil " dans le nouvel ordre mondial globalisé.

Dans ce sens, nous retrouvons dans son programme de 1994, " un nouveau projet de développement " qui garantit la stabilité économique parce que " pour attirer des capitaux, il est nécessaire de rivaliser avec les pays développés eux-mêmes, qui concentrent une grande partie de leurs flux ".. Ce projet est " un pas indispensable pour placer la société dans la route du progrès économique et social ".

Dans un discours prononcé le 28 juillet 1994 devant le Mémorial JK, Cardoso lance " les propositions pour transformer le rêve d'aujourd'hui dans le réel de demain ". Evoquant la " vitalité des idées de Juscelino " , il regrette que l'action extraordinaire de ce chef d'Etat soit restée inachevée. Dans cet élan, Cardoso semble se présenter comme l'unique successeur capable de donner suite au projet de modernité initié par Juscelino, mettant en cause la possibilité du futur idéalisé, au moment de la réalisation des élections de 1994 :

‘" Ces élections mettent le futur du Brésil en cause. Quel pays nous voulons ? Nous avons le droit - plus que ça, l'obligation - d'élire ceux qui choisissent les transformations, en même temps, profondes et réalistes, pour que nous puissions construire avec sécurité un Brésil moderne, juste et prospère (…) J'ai été et je suis encore un homme qui croit dans la force transformatrice des idées. Pour gagner la force politique, les idées doivent être claires, consistantes, réalistes et donner un sens au futur (…) Après des années d'inflation, de corruption et de récession, nous avons maintenant le droit de rêver, de ne pas admettre les limites d'un Brésil encore injuste, de contrastes sociaux inacceptables. Le rêve montre le futur, mais c'est la connaissance objective de la réalité qui montre les chemins du possible " 87 .’

Par ce discours " moderne et mondialisé ", qui agit en complémentarité avec les aspects observés dans les chapitres précédant, le candidat Cardoso emporte l'adhésion de 36,15% des 94.782.410 électeurs brésiliens inscrits sur la liste électorale cette année-là, ce qui représente 54,2% des votes valides. Il est élu dès le premier tour.

Cependant, la politique économique adoptée par Cardoso, malgré la stabilité de la monnaie et la baisse de l'inflation, provoque des changements dans la société brésilienne qui ne peuvent pas être considérés comme positifs. Selon une étude réalisée par Rodrigues (1999), la politique économique de Cardoso a beaucoup changé le monde du travail depuis son instauration, et cela de manière négative. Aujourd'hui, la croissance économique brésilienne ne produit pas d'emplois, ce qui contredit l'affirmation du président lorsqu'il prétend que " c'est la croissance économique qui génère des emplois " . Or, les lois qui instituent les formes de flexibilité dans les relations professionnelles, y compris celles introduites par Cardoso en 1998, ont provoqué une séparation de la relation taux de chômage et augmentation du produit intérieur brut. C'est à dire jusqu'en 1990, le chômage diminuait dans la mesure où le Produit Intérieur Brut augmentait, mais depuis cette année là, " la croissance économique n'agit plus comme moteur pour les emplois comme auparavant " 88 .

Ainsi, malgré une croissance économique qui a atteint les 8% entre juin 1994 et juillet 1995 et la valorisation du Brésil comme huitième puissance économique au monde, nous assistons à des indices croissants du chômage (20% de la population active selon le sociologue Popol) qui amènent, avec eux, outre une chute importante de la masse salariale, l'apparition de nouvelles formes de travail informel et précaire, provoquant une baisse du niveau de vie et, aussi, une démobilisation syndicale et par conséquent, l'annulation de la possibilité de formes revendicatrices collectives.

Pour ce qui concerne la scolarité de la population, cette société comptabilisait en 1997, plus de 15% d'analphabètes âgés de 10 ans ou plus. Parmi les non-analphabètes, 25 millions savent à peine lire et écrire. En d'autres termes, un total d'environ 80 millions de personnes peuvent être considérées, selon Sader, comme analphabètes fonctionnels car ils ne peuvent pas lire un texte, le comprendre et le reproduire par écrit.

Selon Bernardo Kliksberg, directeur du Programme Régional de l'ONU pour l'Amérique Latine, le Brésil reste le pays qui présente la plus grande inégalité sociale au monde, et maintient 40% de sa population en situation d'extrême pauvreté. Pour lui, si aucune politique sociale n'est adoptée pour aider les couches les plus démunies, ce taux atteindra les 70% en 2010. Aujourd'hui, le Produit Intérieur Brut se concentre dans les mains de 2% de la population, alors que 8% du PIB se distribue entre les 98% restants.

Outre ces importants problèmes structuraux, nous avons assisté après la mise en œuvre du Plan Real, à un changement dans les données conjoncturelles nationales et internationales l'année où ce président présentait sa candidature à la présidence pour la deuxième fois. Ayant réussi à baisser les indices inflationnaires astronomiques, le Plan Real a fondé sa stabilité monétaire dans l'ancrage cambial, favorisant l'entrée de capitaux étrangers dans le pays. Il laisse ainsi libre cours à la loi de l'offre et de la demande dans le marché intérieur brésilien. Avec la grande captation de ressources venues de l'étranger, la monnaie a subi une forte valorisation. Elle a atteint la valeur de 13% au-dessus du dollar américain, soutenu par les réserves cambiales du pays.

Cependant, cette valorisation a provoqué en même temps une augmentation de 50% du coût de la vie en 1995. Avec la sortie de capitaux du pays depuis 1995, le gouvernement essaie de rééquilibrer les comptes à travers un réajustement progressif de la monnaie, entre 6 et 7% par an, pour éviter une dévaluation drastique qui engendrerait la panique chez les investisseurs nationaux, provoquant, par conséquent, un envoi massif de capitaux à l'étranger.

Ce plan ne comptait pas avec la crise de 1997 en Asie et 1998 en Russie. Cette dernière en pleine campagne électorale, provoque la panique des investisseurs nationaux et étrangers. Panique due aux possibles conséquences de cette crise à l'étranger. Ainsi, pour éviter la fuite de capitaux du marché brésilien, les taux d'intérêts sont montés à 43% en 1997 et 49,74% en 1998, ce qui a provoqué une période de forte récession avec la chute vertigineuse du pouvoir d'achat des Brésiliens.

Ce fut alors dans ce contexte que le président Cardoso décida de se présenter à sa propre succession, devant ainsi reconstruire le processus qui lui fournirait encore la légitimation politique, renouvelant son accès au pouvoir. Pour cette raison, nous avons cherché à saisir dans son discours de la campagne électorale de 1998 ce que nous considérons comme un paradoxe. En partant d'un contexte socio-économique national et international non-favorale, ce candidat a construit le processus que lui fournira les éléments pour le renouvellement de la légitimation politique. Or, dans ce renouvellement est compris la promesse d'une nouvelle situation sociale, alors que Cardoso était l'agent qui se trouvait déjà au pouvoir et qui, par conséquent, transmettait l'idée de continuité des institutions en vigueur et de maintien de la situation établie.

Le slogan de la campagne de Cardoso pour les élections de 1998 nous paraît le prélude d'un des aspects que nous prétendons démontrer ici : " Avancez, Brésil : encore 4 ans de développement pour tous ". Dans le texte de présentation de sa proposition de gouvernement sur le thème de la justice et de la citoyenneté, il continue ainsi à prétendre créer des projets pour le futur, considérant que son gouvernement a su honorer, " avec volonté et honnêteté ", les compromis assumés dans sa campagne antérieure, " garantissant encore une fois votre aide, vos suggestions, pour que les idées et propositions d'aujourd'hui soient les réalisations de demain ".

Ainsi, il nous semble que ce candidat prétend montrer qu'un futur meilleur ne se réaliserait qu'à travers sa réélection, car il se présente comme le représentant légitime de modernisation, l'unique véhicule qui mènerait au Brésil promis, lorsqu'il dit que " aujourd'hui, nous avons les moyens de préparer le Brésil pour le futur, nous avons commencé à lever nos têtes (…). Nous nous sommes déjà battus pour avoir une direction et aujourd'hui nous pouvons dire que nous sommes gouvernés ".

Pour cette raison, nous proposons que la notion "d'utopie possible " lancée par Cardoso enferme en soi ces idéaux :

‘" Une utopie possible n'est pas un document, n'est pas un manifeste de parti, n'est pas une analyse scientifique, mais un processus beaucoup plus large car il implique l'argumentation convaincante et l'acceptation de la part de la société d'un ensemble de valeurs, de chemins, d'objectifs. Dans le passé, on disait que ceci était un projet national. Il en est un. Il faut redéfinir un projet de nation (…) Nous avons toutes les conditions pour avancer dans la direction d'une nation " 89 .’

Il nous semble que le paradoxe que nous considérons présent dans l'idée de passage d'une situation sociale à une autre situation sociale présentée par celui qui représente la continuité des institutions en vigueur a été réglé par Cardoso grâce à l'inclusion d'une image exprimée en l'un des mots les plus prononcés dans ses discours de campagne, à savoir le mot direction. En d'autres termes, la conception de sa candidature comme le véhicule par excellence qui mènerait à une nouvelle situation sociale persiste, mais cette nouvelle situation se trouve dans un futur lointain, dont les jalons forgés dans sa victoire de 1994 avaient besoin d'être conservés rester pour la concrétisation des résultats effectifs :

‘" Le pays a avancé. Il est difficile de faire marche arrière. Nous allons continuer à avancer. Nous ne ferons pas marche arrière au Brésil. Le Brésil va suivre avec harmonie, générosité, dans la paix (…) Le Brésil va choisir dans les prochaines élections, non un président, mais un destin. Le destin que nous représentons ici. Le destin de la mise en avant " 90 .’

Cette logique présentée par le président l'emmène à la radicale opposition entre l'ordre représenté par son gouvernement et le désordre représenté par son non-gouvernement. Devant la publication d'un sondage qui révélait la chute de sa popularité avant sa réélection, Cardoso a dit : ‘" Je ne crois pas que le Brésil continue à avancer entre le tumulte et le désordre : évitons le chaos "’ .

Dans sa propagande électorale gratuite, l'alliance União, Trabalho e Progresso associe explicitement son principal rival à la course, Lula, au chaos, au retard, au désordre, à l'invasion et à la peur, se présentant en opposition comme l'ordre, la stabilité, la direction, la marche en avant, le futur et la sûreté.

De cette manière, dans ses programmes le ton devient presque menaçant envers ceux qui " s'éloignent de la direction " car ceux-ci " n'arriveront jamais nulle part " et en outre, " la personne qui n'est pas capable de rêver les yeux ouverts, n'est pas capable d'aider à la construction d'une nation " . Il rappelle encore, en même temps, le projet prétendu : " Le Brésil va choisir dans les prochaines élections, non un président, mais une destinée ".

Pour démontrer ce que nous venons de proposer, l'un des trois jingles présents dans toute la campagne de Cardoso nous semble concentrer les idées présentées ci-dessus :

‘" N'ayez pas peur, la direction que la nation doit prendre est de plus en plus claire. Faites face à votre problème, parce que celui qui a une direction ne se perd pas dans les raccourcis. Allez en avant, mon pays, car un temps plus heureux vous attend loin devant. Donnez-moi votre main pour faire une nation meilleure pour tout le monde. Levez votre main et allons-y car le Brésil est en route, il ne peut pas s'arrêter. Je veux avancer, aller de l'avant, réélire Fernando Henrique président ".’

Nous assistons alors sous cette forme de construction de légitimation politique à la réélection de Cardoso dès le premier tour des élections, engendrant l'adhésion de 33,86% des électeurs brésiliens (53,06% des votes valides).

Nous suggérons dans ce sens, que Cardoso, en se présentant comme la condition sine qua non de marche en avant, de modernité, de développement, d'un futur idéal, incarne le rôle de celui qui mènera le pays à sa glorieuse destinée, en accord avec les significations imaginaires dominantes. Ainsi, nous proposons qu'au Brésil, l'idée de futur idéal est devenue une valeur en soi, acquérant un rôle politique de domination qui permet aux détenteurs du pouvoir suprême d'actualiser les mythes d'origine de la nation brésilienne par l'exaltation des qualités inhérentes au héros primordial. Ils se présentent comme le véhicule qui mènera vers le Brésil promis. En devenant le seul représentant légitime à posséder des garanties qui lui permettent d'occuper l'espace sacré de la politique, Cardoso impose un consensus qui confirme son caractère transcendant. Par conséquent, il renforce et justifie l'ordre établi lorsqu'il propose qu'un autre ordre différent de celui-ci équivaille au désordre.

Cardoso, symbolisant les mythes d'origine de la nation brésilienne qui renvoient le pays à un futur grandiose, incarne l'image de la modernité, du progrès, de la mise en avant, et il représente l'agent qui hisserait le Brésil au ranking des pays développés. Il cache, cependant, la continuité des valeurs fondatrices de cette société qui se perpétuent à travers lui-même.

Ce personnage projette, par son image exemplaire, le conflit latent dans la société brésilienne. Conflit qui réside dans le décalage existant entre une société officielle moderne en accord avec les valeurs dominantes dans ce nouvel ordre mondial et la pratique social qui se manifeste par l'action de ses agents, qui s'expriment à l'intérieur du pays par les formes autoritaires par lesquels ses acteurs politiques gouvernent.

Le processus de légitimation politique qui trouve sa source dans l'imaginaire social institué et qui agit encore comme instituant à travers les rites électoraux, nous a semblé ainsi révélateur du décalage existant entre la réalité sociale manifesté par les pratiques de ses principaux agents et la société brésilienne qui prétendent exporter et est construite artificiellement.

Nous pensons enfin, que croyant avoir élu un président qui mènerait le pays à son futur promis, les électeurs brésiliens qui ont voté pour lui maintiennent, paradoxalement, le pays attaché à son passé colonial. Ils ancrent de cette manière la société brésilienne dans ses valeurs fondatrices.

Affiches de propagande électorale
Affiches de propagande électorale
Bureau de vote à Copacabana
Bureau de vote à Copacabana
Dessin de la ville de Rio de Janeiro
Dessin de la ville de Rio de Janeiro avec la ligne jaune, le tunel Rebouças et la ligne rouge
Auto-promotion du magazine
Auto-promotion du magazine Veja
Auto-promotion du magazine
Auto-promotion du magazine Veja
Notes
67.

Zweig S., Brasil, país do futuro, Rio de Janeiro, Editora Guanabara, 1941.

68.

Vieira Pe A., Sermões, Editora Lello & Irmão, edition 1959 : 5.

69.

Fernandes F., A revolução burguesa no Brasil, Rio de Janeiro, Zahar Editores, 1981 : 35.

70.

Fernandes F., A revolução burguesa no Brasil, Rio de Janeiro, Zahar Editores, 1981 : 49.

71.

Fernandes F., A revolução burguesa no Brasil, Rio de Janeiro, Zahar Editores, 1981 : 51.

72.

Julliard J., La faute aux élites, Paris, Gallimard, 1997 : 156.

73.

Ribeiro Jr. J., O que é positivismo ? , São Paulo, Brasiliense, 1982 : 15.

74.

Carvalho J.M.de, A formação das almas, São Paulo, Companhia das Letras, 1990 : 18.

75.

Carvalho J.M.de, A formação das almas, Companhia das Letras, 1990 : 22.

76.

Fernandes F., A revolução burguesa no Brasil, Rio de Janeiro, Zahar Editores, 1981 : 51.

77.

Nous appelons développementisme l'idéologie construite autour de l'idée de progrès manifestée dans les projets de développement au Brésil surtout dans le gouvernement Kubtischek poursuivie par les militaires en 1964.

78.

Carvalho J.M.de, A formação das almas, São Paulo, Companhia das Letras, 1998 : 9.

79.

La Petrobrás est l'entreprise nationale d'exploitation, de raffinement et de distribution du pétrole.

80.

Amaral R., Comunicação e política, vol.1, n° 3, Rio de Janeiro, Editora Cebela, 1995 : 11.

81.

In Jornal do Brasil, le 16 avril 1964.

82.

Teixeira da Silva F.C. História Geral do Brasil, Rio de Janeiro, Editora Campus, 1990 : 354.

83.

Amaral R., Comunicação e política, vol.1, n° 3, Rio de Janeiro, Editora Cebela, 1995 : 8.

84.

Un salaire minimum équivaut à environ 500 francs.

85.

Teixeira da Silva F., História Geral do Brasil, Rio de Janeiro, Editora Campus, 1998 : 368.

86.

Proposition de gouvernement du candidat Cardoso, Mãos à obra, Brasil, Edité à Brasília, 1994 : 16.

87.

Proposition de gouvernement du candidat Cardoso, Mãos à obra, Brasil, Edité à Brasília, 1994 : 255 à 257.

88.

Rodrigues I.J., O novo sindicalismo - 20 anos depois, Petrópolis, Vozes, 1999 : 83.

89.

Journal O Globo, le 12 mai 1998.

90.

Journal O Globo, le 21 juin 1998.