Partie 1 : De la nécessité d’un éclairage économique sur le comportement de fraude au stationnement

Les sondages d’opinion régulièrement réalisés auprès des citadins révèlent que le stationnement cristallise l’ensemble des désagréments relatifs aux transports en ville. De manière générale, en effet, le vécu lié aux déplacements urbains rend compte d’un état d’encombrement de la voirie urbaine plus ou moins généralisé. Or, un raisonnement commun consiste à penser que les conditions de stationnement expliquent une grande part des difficultés de déplacements urbains. Les conditions de stationnement sont alors jugées, à la fois, comme l’origine des difficultés, et comme la manifestation principale des problèmes de déplacements urbains. Ainsi, le sentiment usuel conduit à supposer que, si les difficultés de stationnement venaient à disparaître, les problèmes des déplacements en ville seraient grandement atténués, notamment les coûts environnementaux issus de l’usage des transports en ville.

Ce raisonnement repose sur une hypothèse forte qui consiste à lier les conditions de déplacement aux conditions de stationnement. Dans une première approche, le lien entre le déplacement et le stationnement peut paraître ambigu, mais, pour autant, logique. D’une part, l’ambiguïté vient du fait que le déplacement caractérise un état de mobilité alors que le stationnement relate un état d’immobilité, c’est-à-dire un ’temps mort’ dans le déplacement. D’autre part, la logique du raisonnement vient du fait que l’immobilité résulte de l’existence d’une activité à réaliser par les usagers qui conduit à la mobilité. De fait, le sentiment des citadins vis-à-vis du stationnement peut être légitimé dans la mesure où le stationnement résulte du déplacement.

Le problème du décideur public en charge de la gestion des déplacements urbains est, alors, de proposer des mesures d’amélioration des conditions de transport permettant de satisfaire au mieux l’ensemble de la collectivité. Il envisage notamment d’intervenir sur les conditions de déplacement. En particulier, étant donné le lien entre déplacement et stationnement, il projette, entre autres, d’intervenir directement sur le stationnement, afin d’assurer une certaine fluidité aux transports urbains.

Cependant, face aux mesures de politique économique portant sur le stationnement, certains usagers des transports choisissent de ne pas respecter les règles instituées. En première instance, une telle réaction des usagers se comprend. Une contrainte qui repose sur l’immobilité dans le cadre de la gestion de la mobilité peut en effet leur paraître légitimement absconse. Pourtant, l’existence de tels comportements, qui consistent à contourner les mesures de régulation du système des transports urbains, hypothèque à première vue la réussite de l’intervention publique.

A l’occasion de cette première partie du développement, l’enjeu est tout d’abord de montrer que, à la lumière des faits empiriques, le stationnement est un élément essentiel de la politique des déplacements urbains. Par conséquent, la politique des déplacements urbains qui, relativement au bilan de l’état de la mobilité urbaine, s’oriente vers une logique de régulation de la demande de déplacements, réclame que la politique du stationnement qui l’accompagne privilégie également la régulation de la demande. La pertinence du lien entre politique du stationnement et politique des déplacements urbains étant alors validée, l’objectif de cette première partie est de présenter un argumentaire qui justifie que la politique du stationnement recourt à une analyse économique du comportement individuel de fraude au stationnement payant urbain sur voirie. Il s’agit plus généralement de montrer que l’existence de la fraude au stationnement est un élément qui ne peut être négligé du point de vue de l’analyse de la mobilité urbaine et de la régulation de la demande de déplacements. Dès lors, le raisonnement proposé pour analyser la question de la fraude au stationnement repose sur une connaissance des comportements individuels de stationnement, et notamment des comportements de fraude.

Un premier chapitre montre en quoi l’état de la mobilité urbaine explique que la politique des déplacements urbains se concrétise par une régulation de la demande de déplacements. Le raisonnement repose, dans un premier temps, sur une description, d’un point de vue empirique, du contexte que constitue la mobilité urbaine. Elle montre que la mobilité urbaine résulte de l’évolution du contexte urbain qui stimule l’usage de la voiture particulière. Une intervention publique est alors nécessaire, eu égard aux conséquences nuisibles que l’usage dominant de l’automobile fait peser sur le marché des déplacements urbains. Dans un deuxième temps, le propos de ce premier chapitre est de montrer que, dans une perspective de modération de l’usage de la voiture particulière en ville, l’intervention publique appropriée est la régulation de la demande de déplacements urbains.

Un deuxième chapitre a pour objectif de montrer en quoi, dans le cadre d’une politique de régulation de la demande de déplacements urbains, la politique du stationnement doit également s’orienter vers la régulation de la demande. Ce chapitre fournit les arguments qui justifient que la question de la fraude au stationnement payant sur voirie soit abordée. Il conduit alors à souligner en quoi l’existence de comportements frauduleux remet en cause la politique de stationnement et, au-delà, la politique de déplacements urbains. Au regard de la politique traditionnellement proposée, qui consiste à prêter à l’augmentation de la répression des vertus d’efficacité sur la dissuasion de la fraude, d’une part, sur la régulation de la demande de déplacements urbains, d’autre part, une relecture de la question, par le biais de l’économie du bien-être, met en avant la nécessité d’élaborer la politique répressive du stationnement frauduleux sur la base d’une analyse économique du comportement de fraude.