Partie 2 : Une analyse économique du comportement de fraude au stationnement

A l’issue de la première partie du raisonnement, la mise en évidence de l’existence de la fraude au stationnement payant urbain sur voirie a conduit à recommander la nécessité de munir la politique des déplacements urbains d’un outil d’analyse du comportement de fraude au stationnement. Les raisons qui justifient cette conclusion sont relativement simples. Premièrement, l’état de la mobilité urbaine, dominée par l’usage de la voiture particulière, et, le poids des conséquences néfastes que cet état fait peser sur la qualité de l’environnement et sur la fluidité des transports en ville, impliquent que la politique des déplacements urbains mette en oeuvre les moyens nécessaires pour réaliser un état de la mobilité qui permette de satisfaire les besoins de transport aux moindres coûts économiques et sociaux. Pour réaliser cet état, la politique des déplacements doit s’orienter vers une logique de régulation de la demande dont l’un des principaux objectifs est d’amener à la modération de l’usage de la voiture particulière en ville. Elle utilise alors la tarification des déplacements comme un des outils économiques de régulation. Or, le stationnement étant un élément du déplacement, la tarification de la mobilité urbaine réalisée en voiture particulière peut porter sur l’usage du stationnement. Deuxièmement, la réussite de la régulation de la demande de déplacements urbains par la tarification du stationnement risque d’être remise en cause par la présence de comportements frauduleux qui consistent au non-paiement du tarif de stationnement. Par conséquent, la politique du stationnement doit prendre en compte l’existence de tels comportements dans la définition de l’application des outils de régulation qu’elle met en oeuvre.

Traditionnellement, les experts, chargés d’apporter une réponse à la question de savoir comment prendre en compte la fraude au stationnement dans la politique des déplacements urbains, avancent que seule l’augmentation des outils de répression, en particulier, l’augmentation de l’amende, est susceptible de dissuader quasi mécaniquement la fraude et de permettre à la tarification du stationnement de jouer pleinement son rôle d’outil régulateur de la demande de déplacements en voiture particulière. Si rien ne conduit a priori à remettre en cause cette proposition, rien ne permet cependant de conclure positivement sur son efficacité. A l’occasion d’une discussion sur la pertinence économique de cette proposition, un certain nombre de doutes a pu être émis sur la crédibilité des hypothèses sur lesquelles elle repose. Dès lors, l’urgence se fait sentir de proposer une discussion économique rigoureuse sur la question du comportement de fraude au stationnement. Notamment, la question de savoir comment manipuler les outils de répression de manière pertinente par rapport aux objectifs poursuivis par la politique des déplacements réclame l’élaboration d’une représentation simplifiée du comportement de fraude au stationnement urbain payant sur voirie.

L’ambition de la deuxième partie du raisonnement est de montrer dans quelle mesure une analyse économique rigoureuse du comportement de fraude au stationnement procure des résultats précieux en termes de choix d’une politique répressive du stationnement frauduleux intégrée dans une politique plus globale de régulation de la demande de déplacements urbains. Il n’est toutefois pas le but de cette thèse de fournir au décideur public chargé des déplacements urbains des prescriptions sur le traitement de la fraude au stationnement directement applicables. Plus modestement, l’enjeu de ce développement est de mettre en évidence le fait que la question de la fraude au stationnement relève bien d’une analyse économique. De cette analyse, des résultats récusent la proposition traditionnelle qui affirme que l’augmentation du niveau de l’amende a un impact quasi mécanique, positif pour l’objectif de réguler la demande de déplacements. De plus, le développement propose de montrer que cette analyse offre des arguments solides pour permettre d’avancer la conclusion que la manipulation des outils de répression doit, en fait, être en partie fondée sur une représentation du comportement de fraude.

Tout d’abord, un troisième chapitre propose d’aborder la question de la représentation économique du comportement de fraude au stationnement. L’idée est de construire un modèle suffisamment rigoureux pour qu’il puisse effectivement rendre compte du phénomène. Cette représentation doit cependant être suffisamment simplifiée pour pouvoir avantageusement permettre de comprendre les relations entre le comportement de fraude, la politique répressive du stationnement frauduleux et la politique de régulation de la demande de déplacements urbains. Elle doit également permettre de mettre en évidence les impacts de la politique répressive du stationnement sur la politique des déplacements. La formalisation s’inscrit dans le cadre d’une modélisation microéconomique. Elle repose tout d’abord sur une représentation économique de l’espace urbain. Elle se nourrit ensuite des enseignements théoriques de l’analyse économique du crime fondée sur la théorie de la décision en avenir risqué. Le premier socle théorique semble logiquement mobilisé ici dans la mesure où le comportement de fraude au stationnement urbain est un phénomène économique inscrit dans l’espace urbain. Le deuxième cadre théorique semble également parfaitement approprié pour l’analyse du comportement de fraude au stationnement puisque ce dernier relate un problème de décision relatif à un choix consistant à respecter ou à ne pas respecter une règle instituée, face au risque d’être détecté et verbalisé. Enfin, la formalisation du comportement de fraude au stationnement urbain proposée est insérée dans un modèle de comportement individuel de stationnement. Ce modèle intègre la tarification du stationnement comme outil de régulation de la demande de stationnement en cas de congestion. Dès lors, fondée sur cette représentation, l’intégration de la question du comportement de fraude apparaît opportune tant le développement de la première partie a pu montrer le rôle que jouent dans la politique de régulation des déplacements, d’une part, la tarification du stationnement, d’autre part, la fraude au non-paiement du tarif de stationnement.

La représentation théorique du comportement de fraude étant posée, un quatrième chapitre soulève la question de sa pertinence. En effet, le modèle ne peut avoir de sens, pour la prise en compte de ses résultats dans le cadre d’une politique du stationnement, que s’il est confronté au réel. L’objectif du quatrième chapitre est de voir dans quelle mesure la modélisation du comportement de fraude au stationnement payant urbain sur voirie, tout d’abord, propose des résultats de simulations théoriques pertinents, ensuite, affiche une véritable robustesse au regard des données issues du réel. Dans un premier temps, deux séries de simulations théoriques, rendant compte chacune d’un contexte urbain précis, permettent d’afficher des résultats théoriques consistants quant à la politique répressive du stationnement frauduleux inscrite dans une politique plus large de régulation de la demande de déplacements. Dans un deuxième temps, à la suite de l’énoncé de propositions de développements théoriques du modèle, un argumentaire, portant sur le choix d’une méthode de production de données permettant de tester la résistance du modèle, montre que les méthodes traditionnelles ne sont pas ici satisfaisantes, ce qui incite à se tourner vers la méthode de l’expérimentation économique contrôlée.