Section 2 : L’analyse microéconomique du comportement de fraude au stationnement

La modélisation du stationnement aborde très rarement la question du phénomène de la fraude. Dans une revue de la littérature, Young, Thompson et Taylor (1991) identifient trois groupes de modèles de stationnement. Les modèles de choix de stationnement dont l’objectif est d’explorer les déterminants du choix de stationnement. Les modèles d’affectation du stationnement qui cherchent à optimiser la demande de stationnement sur une offre de stationnement. Les modèles d’interaction dont l’objectif est d’analyser l’impact de la réponse comportementale des agents sur la confrontation entre l’offre et la demande suite à la mise en oeuvre d’une politique de stationnement. La question de la fraude n’est pratiquement jamais abordée dans ces modèles. Seuls les articles d’Elliott et Wright (1982) et Adiv et Wang (1987) proposent une analyse de la question qui montre que le niveau de fraude, lorsque la fraude est abordée comme un choix économique dans l’incertain, est croissant en fonction de la baisse du niveau de répression. Ces résultats confortent les résultats théoriques de l’analyse économique du crime. La confrontation des modèles proposés par Elliott et Wright d’une part, et Adiv et Wang d’autre part, aux données britanniques et américaines, respectivement produites sur Londres et Ann Arbor, montrent qu’en effet, la baisse du niveau de fraude entraîne de manière significative une recrudescence automatique de la fraude. Néanmoins, aucune des deux analyses n’envisage de relier le niveau de répression au niveau de fraude dans une perspective plus large de demande de déplacements et de tirer des conclusions sur la politique répressive du stationnement dans le cadre d’une politique de déplacements urbains. Jannet (1996) aborde également la question de la fraude comme le choix d’agents dans un environnement risqué. Son analyse théorique a pour objectif de montrer que le problème du stationnement en France vient de la non-prise en compte de la fraude dans les politiques du stationnement. Il justifie ainsi la création d’un service public spécifiquement voué à la gestion du stationnement dans le but de réduire le trop grand nombre d’intervenants compétents sur le stationnement et d’améliorer la politique du stationnement. Il ne fait en revanche aucun lien solide avec la politique des déplacements urbains.

Bien qu’il ne fasse pas référence à la question de la fraude, seul le modèle d’Arnott et Rowse (1999) envisage un lien entre les conditions de stationnement et la demande de déplacements sur la base d’une représentation du comportement de stationnement. De sorte que l’application d’une tarification sur le stationnement modifie la structure de la demande de déplacements. Cette formalisation constitue, alors, un support théorique cohérent avec la conceptualisation faite du stationnement dans le cadre de cette thèse, sur lequel la question du comportement de fraude peut être intégrée.

Dès lors, il apparaît nécessaire, au regard du rôle du stationnement et de celui de la fraude au stationnement mis en évidence dans le cadre de la première partie, d’apporter une lecture analytique du lien entre fraude au stationnement et politique des déplacements urbains. Ainsi, à l’aide des outils théoriques présentés, le propos de cette section est de proposer une représentation formalisée du comportement de fraude au stationnement. Cette formalisation a pour objectif de comprendre le comportement individuel de fraude au stationnement afin de donner quelques pistes de réflexion sur la politique répressive à adopter dans le cadre d’une politique des déplacements urbains. Le lecteur doit cependant noter que le propos qui suit n’a, en aucune manière, comme ambition d’apporter des réponses normatives quant au niveau optimal de répression à appliquer. En effet, la démarche ne consiste ici qu’à donner des éléments de compréhension du comportement de fraude au stationnement, pour un niveau de répression donné, et de tirer des conclusions sur l’impact de ce comportement dans une perspective plus large de régulation de la demande de déplacements. Certes, des pistes de réflexion sont apportées sur le calcul d’un niveau de répression d’équilibre. Elles ne doivent cependant être comprises que comme des éléments d’orientation sur la politique répressive du stationnement du point de vue de l’individu qui stationne.

Dans un premier temps, le modèle de comportement de stationnement (Arnott, Rowse, 1999) est exposé. Sur la base de ce modèle, la mise en forme analytique du comportement de fraude est ensuite élaborée. Ce modèle de comportement de stationnement fournit quelques conclusions sur la pertinence d’une tarification efficace du stationnement. Il met ensuite en évidence un certain nombre de liens entre la régulation de la demande de stationnement et la demande de déplacements urbains.

Dans un deuxième temps, un développement du modèle de base intégrant la fraude au stationnement est envisagé. La modélisation du comportement de fraude est fondée sur les outils théoriques fournis par l’analyse économique du crime. En substance, dans ce modèle, l’agent neutre au risque a le choix de frauder ou de ne pas frauder. S’il fraude, il rencontre un aléa sur la survenance d’un contrôle, donc l’application d’une sanction qui, si elle survient, dégrade la satisfaction que lui procure le stationnement. S’il ne fraude pas, son utilité est celle que lui procure la satisfaction de stationner. L’issue de cette démarche de formalisation est de calculer un niveau de répression d’équilibre du point de vue de la demande de stationnement.