Conclusion du Chapitre 3

Le souci d’apporter un raisonnement rigoureux à la question que doit se poser le décideur public sur la manière de prendre en compte la fraude au stationnement dans une politique globale de régulation de la demande de déplacements urbains conduit à proposer une analyse économique du phénomène.

En tant qu’élément du déplacement urbain, le stationnement est un objet d’étude qui s’inscrit dans l’urbain. Ainsi, proposer une analyse concernant le stationnement doit reposer sur l’existant théorique intégrant l’espace urbain en économie. De même, la fraude au stationnement décrit un comportement qui résulte de la décision individuelle de ne pas respecter une règle consistant à demander aux agents de s’acquitter d’un tarif pour assumer le coût de leur stationnement. Cette décision s’effectue au regard de l’éventualité d’être verbalisé, si la fraude est constatée, par la puissance publique. Ainsi, envisager une analyse économique de la fraude au stationnement nécessite de se référer au cadre d’analyse théorique abordant en termes économiques les comportements qui dévient par rapport à des règles instituées. Dès lors, un raisonnement économique sur le comportement de fraude au stationnement exige que, dans un effort d’abstraction indispensable à son intelligibilité, le phénomène soit réduit en une représentation qui tient compte, d’une part, de sa dimension spatiale et, d’autre part, de la dimension relative au type de comportement considéré, ici le comportement frauduleux.

Dans le but de produire un outil permettant, dans un premier temps, de comprendre le phénomène et, dans un deuxième temps, d’agir sur le phénomène, ou de déterminer comment agir sur le phénomène dans le cadre de la politique de régulation de la demande de déplacements urbains, le besoin de simplification de la réalité conduit à proposer un modèle. Cette représentation est certes une approximation du phénomène, mais elle s’impose si l’observateur désire échapper aux apparences premières issues de son appréhension subjective. La complexité du phénomène pouvant se révéler trompeuse au premier abord, seule une telle réduction permet au sujet d’avancer des éléments de compréhension du phénomène. Le modèle microéconomique apporte les outils de base sur lesquels se fonde la représentation des comportements économiques des individus. Dès lors, la représentation économique du phénomène de comportement de fraude au stationnement s’inscrit dans le cadre de l’analyse microéconomique.

Partant, le propos de ce troisième chapitre était de voir dans quelle mesure, dans le cadre d’une politique publique du stationnement tenant compte de la fraude, la construction d’une représentation simplifiée du comportement de fraude au stationnement payant urbain sur voirie est pertinente. L’objectif du chapitre était ainsi de voir en quoi une telle formalisation permet d’enrichir les réflexions quant à l’application, dans la carde d’une politique de régulation de la demande de déplacements, d’une politique de régulation de la demande de stationnement tenant compte de l’existence de la fraude.

Une première section a permis de présenter les outils théoriques mobilisés pour élaborer cette représentation. La dimension urbaine du phénomène a conduit à poser les conditions sur les caractéristiques spatiales qui encadrent l’analyse du stationnement urbain. Le recours à l’économie urbaine a premièrement permis de montrer en quoi l’analyse proposée doit se donner une représentation de l’espace urbain. Deuxièmement, l’exposé des développements de l’économie urbaine, abordant la question de la congestion dans les choix de transport, a permis de souligner que la question de la fraude au stationnement joue un rôle dans la problématique des déplacements urbains, donc dans la problématique de la localisation des agents dans l’espace urbain. Il a permis d’apporter une première justification au passage par l’économie urbaine pour représenter le comportement de fraude au stationnement. Troisièmement, le poids de l’incertitude sur le choix de transport des agents pesant de la même manière sur leur choix de localisation, le recours à l’analyse économique du crime, fondée sur la théorie de la décision dans un environnement risqué, pour élaborer la représentation du comportement de fraude au stationnement, a montré l’importance d’intégrer la question de la fraude au stationnement dans le cadre de l’économie urbaine.

Cette première section a ainsi montré en quoi l’analyse du comportement de fraude au stationnement constitue un champ d’application de l’économie du crime. D’un point de vue théorique, l’analyse économique du crime montre que le niveau de fraude est inversement proportionnel à la variation du niveau de répression. Elle met également en évidence que la recherche d’un optimum ne conduit pas forcément à un niveau de répression permettant d’éradiquer la fraude. Elle souligne enfin que le niveau de fraude est relatif au comportement de l’agent face au risque. Toutefois, cette première section a permis de délimiter précisément le recours à l’analyse économique du crime à la modélisation économique du comportement criminel puisque la représentation proposée, dans le cadre du raisonnement suivi, ne considère que le comportement de fraude au stationnement.

Une deuxième section avait pour but de produire une représentation formalisée du comportement individuel de fraude au stationnement payant. L’idée était de montrer que, dotée des outils théoriques concernant l’analyse économique urbaine et l’analyse économique du crime, la formalisation du comportement de fraude au stationnement permet de proposer des pistes de conclusions théoriques sur l’application d’une politique du stationnement, inscrite dans une politique des déplacements urbains, désirant traiter la question de la fraude au paiement du tarif de stationnement.

Les résultats théoriques du modèle montrent que le niveau de répression influence le niveau de la demande de déplacements et le partage modal. Ils soulignent à cet égard qu’une amende de type forfaitaire n’est pas efficace par rapport à l’objectif de minimiser le temps total de déplacement moyen. La recherche d’un optimum de second rang commande alors que soit posée la question du rôle de la politique répressive du stationnement dans le cadre d’une politique de régulation de la demande de déplacements. Le modèle montre ainsi qu’il existe des situations théoriques pour lesquelles l’augmentation du niveau de répression procure un avantage, d’une part, à frauder, d’autre part, à utiliser la voiture particulière. Ce résultat, a priori contre-intuitif, amène à opposer, toutes choses égales par ailleurs, une fin de non-recevoir à l’argument qui consiste à avancer que, dans le cadre de la modération de l’usage de la voiture particulière en milieu urbain, l’augmentation de l’amende dissuade automatiquement la fraude au stationnement. Cette conclusion repose sur l’idée que la question de la fraude réclame d’être appréhendée, d’une part, à l’aide d’outils économiques rigoureux, d’autre part, au regard des relations entre le comportement de stationnement, le comportement de fraude au stationnement payant sur voirie, et la demande de déplacements.

Les conclusions théoriques étant désormais posées, il convient à présent de tester la pertinence de la représentation proposée. Le chapitre suivant développe tout d’abord une série de simulations théoriques. Ces simulations, élaborées sur la base de paramétrages reconstituant un contexte précis, permettent de donner une consistance aux conclusions avancées ici et de les présenter dans une perspective de régulation de la demande de déplacements urbains. Ensuite, ce chapitre aborde, dans un premier temps, les limites et perspectives de développement de la représentation, dans un deuxième temps, les pistes de production de données permettant de soumettre le modèle au test de la réfutation.