2.1 : Choix des paramètres et définition des scénarios

Le choix du paramétrage du modèle à la lumière du contexte urbain français s’impose pour deux raisons. Tout d’abord, il offre l’opportunité d’avancer quelques prescriptions théoriques en termes d’aide à la décision dans le cadre de la régulation de la mobilité urbaine en France. Il s’inscrit dans la logique des orientations de la politique des transports urbains abordées dans le cadre de la première partie du raisonnement. Ensuite, il propose de confronter la pertinence des recommandations traditionnelles au regard des résultats théoriques du modèle.

Le choix de valeurs spécifiques aux différents motifs de déplacements à l’origine du stationnement concernant, d’une part, la durée de l’activité à destination, d’autre part, l’avantage de l’activité à destination, permettent d’élaborer 3 scénarios de simulation.

message URL TAB14.gif
Tableau 24. Paramètres de simulations du modèle de comportement de fraude dans un contexte urbain français

Le rayon r de la ville circulaire est choisi de sorte que, sans congestion sur le stationnement, le trajet aller le plus long n’excède pas 5,3 kilomètres, ce qui correspond à la distance moyenne par déplacement dans les villes-centres en France en 1994 (Madre, Maffre, 1995). Le choix d’introduire dans les simulations des données systématiquement relatives aux caractéristiques de la mobilité concernant les villes-centres vient de l’hypothèse d’isotropie de l’espace formalisé. Cette hypothèse impose que les paramètres retenus soient compatibles avec un espace homogène. La question du stationnement se posant de la manière la plus critique au centre des aires urbaines, il est naturel que les paramètres adoptés rendent compte de la mobilité quotidienne au centre. Ainsi, ce resserrement quant au champ de l’étude autorise à retenir des densités identiques en tout point de l’espace considéré dans le modèle.

La valeur choisie pour message URL FORM114.gif, la densité de population, repose sur les données du Recensement de la Population française de 1999 (INSEE, 2000, Julien, 2000). Afin de rester cohérent avec la mise en évidence de l’importance de l’existence de la fraude au stationnement dans l’analyse de la mobilité en milieu urbain dense, la densité retenue est la densité moyenne des villes-centres des 10 aires urbaines françaises les plus peuplées hors Paris49. Sur cette base, la densité moyenne est de 5356,51 habitants au km2. A l’instar de l’hypothèse faite par Arnott et Rowse, chaque ménage est constitué d’une seule personne et possède un véhicule et un seul. En réalité, cette hypothèse est nécessaire pour que chaque agent considéré dans le modèle ait le choix modal entre la marche à pied et la voiture particulière. Il faut donc faire l’hypothèse que chaque ménage représente une seule unité de décision de transport et que cette unité, pour chaque opportunité de déplacement, peut opter, soit pour le mode pédestre, soit pour la voiture particulière. Or, dans les villes-centres des 10 premières aires urbaines, le nombre moyen d’occupants des résidences principales est de 2 personnes. L’hypothèse d’une personne par ménage permet de retenir une densité de l’ordre de 2678,26 habitants au km2. Le modèle faisant l’hypothèse d’un espace sans surface, la densité considérée dans le modèle est de 2678,26 personnes au kilomètre.

Le paramètre μ correspond au nombre de déplacements proposés à chaque agent, soit 3,4 déplacements par jour. Le choix de la valeur de μ rend compte en fait du nombre moyen de déplacements quotidiens effectué dans les villes-centres en 1994 (Madre, Maffre, 1995).

La valeur retenue pour D, soit la densité de places de stationnement, vient de la norme fixant la longueur d’une place de stationnement parallèle au trottoir en France, soit 5 mètres (Lamure, 1995). Sur 1 kilomètre de trottoir, l’espace réservé pour le stationnement permet ainsi d’accueillir 100 véhicules. Par ailleurs, le CERTU (1997) évalue, pour les villes de plus de 50 000 habitants, une densité de places de stationnement située entre 20 et 50 places par hectare ce qui donne une réservation d’espace pour le stationnement d’un véhicule entre 7 à 11 mètres. En intégrant le fait que le stationnement se répartit sur les deux côtés de la chaussée et qu’il convient d’intégrer dans la détermination de la longueur d’une place une part réservée à d’autres usages urbains que le stationnement, il paraît raisonnable de fixer une longueur de 8 mètres par espace de stationnement. La densité de places de stationnement s’élève donc à 125 places au kilomètre. De nouveau, l’espace considéré n’ayant pas d’épaisseur, D exprime bien une densité de places de stationnement au kilomètre.

La vitesse de marche à pied message URL FORM115.gif est fixée à 5 km/h. Cette valeur est gardée dans la mesure où elle revient de manière constante dans la littérature questionnant les vitesses de transport (Pisarski, 1992, Wigan, 1995). La vitesse en voiture particulière ν est fixée à 13,4 km/h. Elle correspond à la vitesse moyenne relevée pour les déplacements internes aux villes-centres en France en 1994 (Madre, Maffre, 1995).

A la différence des variables exogènes dont la valeur reste fixée dans les simulations, la durée de l’activité l, l’avantage procuré par l’activité β et la probabilité de détection q sont trois variables exogènes qui varient en fonction des scénarios de simulation. Deux types de scénarios sont envisagés. Le premier scénario rend compte d’une situation moyenne de stationnement urbain en France. Elle correspond à un stationnement de courte durée. Le deuxième scénario considère un stationnement de longue durée. En réponse à l’analyse du stationnement abordée dans le Chapitre 2, la pertinence du choix de ces deux scénarios vient de la distinction de la demande de stationnement qu’il convient d’opérer en fonction du motif caractérisant le déplacement à l’origine du stationnement. D’un côté, il s’agit de considérer le stationnement de courte ou moyenne durée pour le motif achats - visites ou pour le motif professionnel. De l’autre, il s’agit d’aborder le stationnement de longue durée relatif au travail ou le stationnement résidentiel.

Le cas pour lequel la durée de l’activité est nulle n’est pas exploré ici. Certes, il a permis de mettre en évidence dans la première série de simulations le fait que l’existence de plusieurs équilibres de congestion du stationnement implique une politique tarifaire et répressive spécifique pour chacun. Néanmoins, retenir ce type de scénario ne serait pas en cohérence avec la définition de l’objet stationnement retenue dans le Chapitre 2. Le stationnement est relatif à la réalisation d’une activité et se distingue donc de l’arrêt. Dès lors, la durée d’activité nulle n’est pas conforme au choix de cette définition. Par ailleurs, les simulations menées sur ce cas d’espèce ont montré que les résultats théoriques restent identiques aux résultats théoriques mis en exergue lors de l’introduction de la fraude dans les simulations du modèle de base. Ils manquent en revanche d’un certain réalisme pour pouvoir être adressés au décideur public, ou plus modestement, pour pouvoir accréditer le raisonnement sur lequel se fonde l’analyse, qui est de montrer que l’augmentation du niveau de l’amende ne constitue pas automatiquement un outil efficace en termes de régulation de la demande de stationnement et de régulation de la demande de déplacements.

Le premier scénario (scénario 1) caractérise une durée de stationnement de courte ou de moyenne durée. Il rend compte d’un stationnement réalisé dans le cadre d’un déplacement effectué pour un motif achats - visites ou pour un motif professionnel. En France, la durée moyenne de stationnement, dans le créneau horaire allant de 9 h à 19 h, dans une zone payante à forte rotation du stationnement fonctionnant convenablement, se monte entre 1 h 30 et 2 h 30 (CERTU, 1997). Dès lors, le scénario 1 considère une durée de stationnement comprise dans cet intervalle de temps. En outre, Bays et Christe (1994) relèvent que la durée de stationnement pour un motif achats-visites est un stationnement de courte durée alors que le stationnement pour un motif professionnel est plutôt un stationnement de moyenne durée. Par conséquent, dans ce premier scénario, il convient de distinguer deux sous-scénarios. Le premier (scénario 1a) concerne le stationnement de courte durée pour motif achats - visites pour lequel la durée de stationnement est fixée à 1 h 30, soit la borne inférieure de la durée moyenne de stationnement d’une zone à forte rotation. Le deuxième (scénario 1b) concerne le stationnement de moyenne durée pour un motif professionnel. La durée de stationnement l est alors fixée à 3 h 30, soit la borne supérieure de la durée moyenne de stationnement d’une zone à forte rotation.

L’avantage procuré par le déplacement β correspond pour le scénario 1 à la valeur du temps de chaque activité. En retenant les valeurs avancées par le rapport Boiteux50 (CGP, 1994), la valeur horaire du temps en France pour motif personnel, qui correspond ici au motif achats-visites, est de 60 francs (en francs 1990). En tenant compte d’une évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation de l’ordre de 1,6 % entre 1990 et 1999 (INSEE, 1999), la valeur du temps pour motif personnel se situe à 69,21 francs en francs 1999. Ainsi, pour le scénario 1a, l’avantage β est fixé à 103,82 francs puisque la durée de stationnement retenue est de 1 h 30. Pour le scénario 1b qui concerne le motif professionnel, le rapport Boiteux retient comme valeur horaire du temps 185 francs (en francs 1990). En tenant compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, pour le scénario 1b, l’avantage β est fixé à 746,93 francs, étant donné que la durée de stationnement retenue est de 3 h 30.

La probabilité de détection q est fixée sur la base des résultats moyens français de l’activité de surveillance et de répression du stationnement payant (SARECO, 1998). Pour une heure de stationnement, la probabilité de recevoir un procès-verbal pour défaut de paiement du stationnement est de 2 %. Pour le scénario 1a, la probabilité q prend alors la valeur 3 %. Pour le scénario 1b, la probabilité prend la valeur 7 %.

Le scénario 2 relate une situation de stationnement de longue durée. A priori, il devrait considérer, d’une part, le stationnement dans le cadre d’un déplacement domicile-travail, d’autre part, le stationnement résidentiel. Seul le cas du stationnement sur le lieu de travail est abordé ici. Il a en effet été montré que c’est précisément sur le stationnement relatif à ce motif que la politique du stationnement doit porter son effort, notamment par le biais de la tarification, donc de l’analyse de la fraude. A l’inverse, le stationnement résidentiel de longue durée doit être favorisé par le biais de la tarification de sorte à ce qu’il occupe une quantité d’offre de stationnement suffisante pour dissuader le stationnement pour d’autres motifs. Dès lors, le cas de la fraude au stationnement résidentiel devrait faire l’objet d’une analyse particulière qui n’est pas envisagée ici. Par conséquent, dans le scénario 2, la durée de stationnement l est fixée à 5 h 30, pour le motif travail. Cette valeur correspond à la durée moyenne de stationnement de longue durée en France (CERTU, 1997). La valeur horaire du temps de travail avancée par le rapport Boiteux est de 70 francs (francs 1990) ce qui donne 80,75 francs en francs 1999. Pour le scénario 2, l’avantage β est donc fixé à 444,13 francs puisque la durée de stationnement retenue est de 5 h 30. La probabilité de détection q prend la valeur 0,11 %.

Tableau 25. Scénarios des simulations théoriques sur un contexte français
Scénario 1 Scénario 2
Variables Scénario 1a Scénario 1b
l 1,5 3,5 5,5
β 103,82 746,93 444,13
q 0,03 0,07 0,11

Notes
49.

L’exclusion de Paris du paramétrage du modèle concernant les scénarios retraçant un contexte urbain français paraît nécessaire tant le contexte de la région parisienne et l’organisation du système des transports urbains parisiens est atypique. De fait, en tenant compte de Paris, le calage des paramètres, notamment en termes de tarification du stationnement, aurait tendance à fausser une représentation moyenne de la mobilité urbaine en France.

50.

Données retenues par l’INRETS en 1998 pour le projet LASER d’autoroute souterraine urbaine à Paris.