Conclusion du Chapitre 4

La représentation du comportement de fraude au stationnement, fondée, tout d’abord, sur un cadre analytique intégrant l’espace urbain dans l’analyse économique, ensuite, sur l’analyse économique du crime, repose sur un modèle de comportement de stationnement. Ce dernier modèle met en évidence différents états de congestion du stationnement. Un processus d’internalisation de la congestion par la tarification du stationnement est proposé. Le résultat est que pour les situations de faible congestion, la tarification du stationnement est socialement efficace, du point de vue du critère du décideur public qui est de minimiser le temps total de déplacement moyen. En revanche, pour certains états de forte congestion, le tarif de stationnement est inefficace. La question de la détermination d’un tarif de second rang s’impose alors.

A partir de ce modèle, la formalisation du comportement de fraude utilise la théorie de la décision laissant à l’agent, supposé neutre au risque, la possibilité de ne pas s’acquitter du paiement du tarif de stationnement. Pour cette potentialité qui lui est offerte, l’agent fait face au risque d’être détecté comme fraudeur et automatiquement verbalisé. S’il est détecté, il doit alors s’acquitter d’une amende forfaitaire. Le modèle montre que d’un point de vue théorique, l’amende forfaitaire d’équilibre n’est pas socialement optimale puisqu’elle ne prend pas en compte le niveau d’externalité issu du temps de stationnement. Un montant d’amende forfaitaire correspondant à un niveau de répression de second rang doit donc être choisi.

L’objectif de ce chapitre était donc de montrer dans quelle mesure, tout d’abord, le modèle simulé, sur un paramétrage relatant un contexte urbain précis, avance des résultats théoriques permettant d’émettre des conclusions concernant la politique répressive du stationnement frauduleux à mettre en oeuvre dans le cadre d’une politique de régulation des déplacements. Ensuite, le chapitre avait pour mission de voir en quoi, à partir de ces résultats théoriques, d’une part, des développements théoriques peuvent être envisagés, d’autre part, la solidité du modèle peut être testée.

Dans une première section, deux séries de simulations théoriques sont proposées. Dans un premier temps, l’idée est de simuler le modèle de comportement de fraude sur la base d’un paramétrage relatif au contexte de mobilité urbaine des villes nord-américaines déjà présent dans le modèle initial. Cette première série de simulations montre qu’il existe une cohérence certaine du modèle avec fraude avec le modèle de base de comportement de stationnement. Ensuite, les enseignements de l’analyse de la mobilité urbaine en France permettent, d’une part, de caler une deuxième série de simulations, d’autre part, de justifier deux types de scénarios fondés sur une segmentation de la demande de stationnement. Cette deuxième série infirme le point de vue qui, dans une perspective de régulation de la demande de déplacements urbains, recommande l’augmentation du niveau de l’amende comme seul outil de dissuasion de la fraude.

Les simulations portant sur le contexte français décrivent dans chaque cas de figure un état de très forte congestion. Du point de vue de l’objectif de la politique publique retenu, à savoir la minimisation du temps total de déplacement moyen, l’amende forfaitaire est toujours inefficace. Elle dissuade néanmoins toujours la fraude. Elle participe donc à la réalisation de l’optimum. A la faveur de la recherche d’une amende de second rang, toutes choses égales par ailleurs, la conclusion générale qu’il convient de tirer de ces simulations est la suivante. Etant donné l’avantage en termes de temps de déplacement que procure l’augmentation du niveau de l’amende, eu égard à la réduction de congestion, la proposition traditionnelle d’augmenter l’amende pour dissuader la fraude, d’une part, pour contribuer à la modération de l’usage de la voiture particulière, d’autre part, est définitivement remise en cause. Les simulations apportent en outre des arguments qui militent pour l’idée de différencier la politique répressive du stationnement, d’une part, en fonction du niveau de congestion du stationnement, d’autre part, en fonction du type de demande de stationnement.

Ainsi, les simulations montrent dans quelle mesure la politique du stationnement gagne à s’inspirer d’une représentation rigoureuse du comportement de fraude au stationnement dans une perspective de régulation de la demande de déplacements. Toutefois, ces conclusions réclament que soient émises les précautions de rigueur nécessaires dues au fait qu’elles résultent d’une représentation théorique rudimentaire, forcément réductrice et non soumise à la confrontation au réel. Dès lors, la deuxième section conduit à discuter, dans un premier temps, des développements théoriques qu’il convient d’apporter, notamment au regard du degré de réalisme des hypothèses. Dans un deuxième temps, elle propose d’aborder la question du choix d’une méthode de production de données.

La discussion sur le raffinement des hypothèses permet de décliner un certain nombre de développements théoriques portant sur l’hétérogénéité du comportement des agents face au risque, le choix d’un critère de décision, la prise en compte du coût de la répression et l’intégration d’une analyse dynamique du phénomène. Au final, ces développements théoriques doivent permettre d’affiner la représentation du comportement de fraude de sorte qu’il puisse s’intégrer dans un modèle global de congestion des déplacements. A terme, l’analyse théorique de la fraude au stationnement urbain payant sur voirie devra être en mesure de fournir un module complet satisfaisant la problématique de l’intégration de la fraude au stationnement dans la modélisation du comportement de déplacements. Elle participera alors pleinement à l’exercice d’apporter un outil d’aide à la décision pertinent au décideur public sur la question de la régulation de la demande de déplacements.

Elle ne verra sa pertinence validée que si elle franchit toutefois l’épreuve de la confrontation au réel. Le modèle doit donc subir l’indispensable étape de la réfutation. La réflexion sur le choix d’une méthode de production de données adaptées à la complexité du modèle conduit à proposer l’économie expérimentale comme méthode pertinente. En effet, la structure du modèle et le champ particulier de choix individuel qu’il explore rend les méthodes de préférences révélées ou de préférences déclarées mal appropriées. L’économie expérimentale constitue en revanche un cadre méthodologique rigoureux qui, en proposant de produire des données contrôlées, semble séduisant pour tester la robustesse du modèle proposé.