3 - L'USINE DE VALLERYSTHAL (MOSELLE) AVANT LE RACHAT DE LA VERRERIE DE PORTIEUX 39

La société en commandite par actions des verreries de Plaine de Walsch et Vallérysthal, dont le gérant est le Baron de Klinglin 40 est convertie en société anonyme, suivant acte passé devant Maître Hertz, notaire à Sarrebourg, le 24 avril 1856 et autorisée par décret impérial le 7 mai suivant. Le Baron de Klinglin assure la présidence du conseil d'administration de la nouvelle société. C'est le plus gros actionnaire avec six cent dix actions possédées. Parmi les membres de son conseil d'administration, relevons la présence de Louis Germain 41 , ancien notaire demeurant à Hommarting 42 , ancien membre du conseil général né à Hening domicilié au château de Zinswal 43 . Louis Germain devient vice-président puis président du conseil d'administration en 1861 après qu'eut lieu la démission du Baron de Klinglin en 1858. A la date de la création de la société anonyme, l'usine qui est dirigée par Duponchel 44 donne d'excellents résultats à tel point que le président du conseil d'administration signale la nécessité d'augmenter la fabrication de la halle et de porter les fours de huit à dix creusets, de construire une nouvelle arche à recuire le verre. Le 15 février 1859, A. Thouvenin, jusqu'alors directeur de la verrerie de la Rochère en Haute-Saône, "où il a laissé les meilleurs souvenirs", prend la direction de l'usine de Vallérysthal et, très rapidement, le conseil se félicite du choix de cet homme : "nous nous applaudissons, de plus en plus, de ce choix et le résultat des comptes de fabrication depuis l'entrée en fonction de Monsieur Thouvenin fait ressortir une notable et très véritable amélioration." A. Thouvenin, nommé directeur, fait venir à ses côtés Jules Richard. Il nous faut nous arrêter quelques instants sur la trajectoire sociale de cet homme qui est appelé à jouer un rôle important dans le développement de la verrerie de Portieux. Jules Richard naît à Montcourt, canton de Jussey, département de la Haute-Saône en 1831, d'un père, Joseph, cultivateur et d'une mère Thérèse Berthot, sans profession. Ses origines ne lui permettent pas d'acquérir un savoir étendu et il devient modeste instituteur. C'est cette profession qu'il exerce lorsque A. Thouvenin alors directeur de la Rochère se l'adjoint, frappé par son intelligence, son bon sens, ses capacités de travail  45 .

Sous la direction de ces deux hommes, Vallérysthal se développe sur le plan technologique et nous verrons ultérieurement que l'usine de La Verrerie de Portieux en bénéficiera. Ainsi, on envisage dans le courant de l'exercice 1863-1864 de substituer la fabrication au gaz à la fabrication à la houille. Cette substitution, en effet, est en cours de réalisation à Baccarat, Saint-Louis, Cirey, Saint-Gobain, Mannheim, Aix-La-Chapelle, Soulzbach... Par question de prudence, on décide d'appliquer avec lenteur, après l'avoir étudié longuement, le procédé Siemens qui garantit une économie de combustible. La fabrication au gaz est définitivement acceptée et reconnue en 1869. Vallérysthal est une usine en pleine expansion dans les années qui précédent le rachat de Portieux. Les ateliers de Vallérysthal et d'Abreschviller 46 sont, par exemple, équipés de deux cent cinquante tours de tailleurs.

C'est G. Chevandier de Valdrôme qui se trouve à la tête du conseil d'administration au moment où se présente la nécessité de procéder à l'acquisition d'une verrerie en France.

A la veille du conflit franco-prussien, seule verrerie forestière vosgienne encore en activité avec celle de Clairey, forêt de Darney, la verrerie de Portieux propriété des Mougin est condamnée à un lent déclin tandis que son futur acquéreur, la verrerie de Vallérysthal (Moselle), prospère au sein d'une société anonyme. Alors que Portieux est dirigée par le propriétaire, Vallérysthal recrute à l'extérieur du personnel d'encadrement expérimenté et efficace.

Notes
39.

Pour élaborer ce passage, nous nous sommes appuyés sur les registres des délibérations de l'assemblée générale des actionnaires et principalement sur 37 J 32 ; A.D.M.

40.

Le Baron de Klinglin est né le 16 juillet 1785 et épouse le 11 août 1812 Arthémine Masson d'Esclans. Il décède le 26 juin 1863. Le couple a trois filles :
Charlotte Henriette Valérie, née en 1814, épouse Bernard Joseph René, comte de Menthon,
Marie Jacques Eléonore, née en 1815, épouse Louis René, vicomte de Bertier,
Caroline Pauline Arthémine, née en 1821, épouse Alexandre Bernard Simon, comte de Menthon.
Auguste François Eléonore de Klinglin prend le contrôle de la verrerie de Plaine-de-Walsch en 1833. Il est alors lieutenant-colonel d'infanterie au service de la France et habite son château de Saint-Loup près de Gray en Haute-Saône. Il crée la verrerie de Vallérysthal en 1838 et y transfère la totalité de l'activité de Plaine-de-Walsch en 1855. Nous devons ces notes à Stenger (Antoine), "Verreries et verriers au pays de Sarrebourg". Société d'Histoire et d'Archéologie de Lorraine. Section de Sarrebourg, 1988.

41.

Louis Germain est décédé le 1er novembre 1868. Son gendre Marie Charles Théophile Ernest Liffort de Buffevent, 48 ans en 1868, est avocat général à la cour impériale de Nancy. 7 E 338-6 ; A.D.M.

42.

Hommarting : commune située entre Sarrebourg et Phalsbourg, à une dizaine de kilomètres de Vallérysthal.

43.

Zinswal : lieu situé à proximité de Hommarting.

44.

Auguste Adolphe Duponchel entre à Vallérysthal en octobre 1855 et n'y reste que trois ans.

45.

Michel Adrien Thouvenin est né à Spoy (Aube) le 23 mars 1815 de Michel Thouvenin, ouvrier en verre, 28 ans et de Marie Léonore Laurençot. Cette dernière est la fille de Claude Laurençot décédé à la verrerie de la Planchotte (Vosges) le 1er Germinal an VIII et de Marguerite Eléonore Deslord décédée à Passavant (Haute-Saône) le 19 janvier 1812.
Michel Adrien Thouvenin est donc le descendant d'une famille de tradition verrière. En effet, Claude Laurençot, son grand père maternel, a dirigé la verrerie de Portieux, puis celle de la Planchotte dans la forêt de Darney (Vosges). Le père de Michel Adrien Thouvenin a été ouvrier en verre à Passavant-la-Rochère, où il s'est marié, en 1814, puis à la verrerie de Spoy dans l'Aube (la verrerie de Spoy fît partie avec cinq autres sites, dont Bayel, de l'activité traditionnelle verrière du pays baraldin dans le sud de la Champagne jusqu'en 1848).
Le fils de Michel Adrien, Paul Thouvenin, ingénieur ECP, a dirigé la verrerie de Vierzon-Forges (Cher) de 1887 à 1919, date à laquelle il a remis la direction à son fils Maurice, ingénieur ECP, lequel a présidé aux destinées de l'usine jusqu'en 1957. C'est à cette date que ferme l'usine de Vierzon. La verrerie de Vierzon a fusionné avec celle de Vannes-le-Châtel (Meurthe-et-Moselle) en 1931 pour s'appeler "verreries réunies de Vannes-le-Châtel et Vierzon" ; anciens établissements Schmid et Thouvenin ; siège social : Vannes-le-Châtel. Cette fusion a pris fin en 1940. Vannes-le-Châtel étant en zone interdite a dû fermer ses portes jusqu'en 1945, faute de combustible. La verrerie de Vierzon est devenue "Verrerie de Vierzon - établissement Thouvenin".
Jules Richard : A.C. Montcourt et discours lors de ses funérailles, J.P.L. 1001, 12 août 1906 dans le journal l'Avenir Républicain, A.D.V.

46.

Abreschviller : localité située à une dizaine de kilomètres de Vallérysthal. La taillerie hydraulique est installée dans une ancienne papeterie en 1860. Elle fonctionne en octobre de cette même année. La séparation géographique des deux pôles de l'usine était ressentie, à juste titre, comme un handicap par les dirigeants de Vallérysthal.