4 - Les recherches et les améliorations techniques 236

Toute la période considérée dans ce chapitre est marquée par une série d'évolutions techniques, mais c'est plus particulièrement à la fin de cette période, dans les années 1880 que les recherches visant la rationalisation du travail et l'amélioration des produits s'intensifient et aboutissent. La plupart des recherches s'effectuent au sein de l'usine de Portieux, et Vallérysthal en profite en retour. Le processus s'exerce aussi dans l'autre sens, à savoir que des recherches entreprises à Vallérysthal bénéficient à Portieux.

En 1875, le conseil d'administration en visite à Portieux constate une réelle amélioration de la qualité et de la finesse du verre tout en regrettant que le maintien, la régularité des formes, l'aplomb de certaines pièces laissent trop à désirer. Le conseil attribue ces faiblesses au manque de suivi, de la part de la direction, de tous les détails de la fabrication. Bien entendu, il exige un effort de surveillance accrue. Nous allons voir que cette remarque doit être complétée par une interrogation : le personnel est-il seul en cause ou n'y a-t-il pas, complémentairement, un cap technique à surmonter ?

Ce cap, X. Mougin et son second J. Richard vont aider la société à le franchir malgré le fait qu'étant "d'excellents praticiens, ils manquent de connaissances théoriques". Les années 1879, 1880 et 1881 sont des années de recherches laborieuses, tâtonnantes et finalement fructueuses dans les domaines du coupage, rebrulâge, flettage. En 1879, X.Mougin a fait l'acquisition d'une petite machine à gaz pour le coupage du verre ; or, il sait que l'usine de Baccarat est brevetée pour ce procédé de coupage au gaz ; c'est pourquoi le directeur se tourne vers une autre solution. Il propose d'acheter à Monsieur Gaiffe, opticien à Paris, une machine à couper à chaud. Les essais qui doivent être entrepris par X. Mougin seront exécutés chez l'opticien car "il y a toujours des inconvénients à introduire des étrangers du genre de Monsieur Gaiffe dans les établissements". En février 1880, X. Mougin qui a entrepris les essais parle de "résultats inespérés", de "véritable révolution dans l'art de la verrerie." Il faut garder le secret le plus longtemps possible pense le conseil d'administration prenant le relais de l'enthousiasme du directeur. Ce secret peut-il être tenu ? Des problèmes se posent : Raspiller, membre du conseil, n'est-il pas l'un des plus forts actionnaires de deux importantes gobeleteries allemandes celles de la Fenn et de Vadgassen ? Ses intérêts y sont, selon le conseil d'administration, beaucoup plus considérables que ceux qui le rattachent à Portieux et à Vallérysthal. D'un autre côté, A. Thouvenin, directeur général, et Paul Thouvenin, son fils, directeur de Vallérysthal n'entretiennent-ils pas des liens familiaux avec Schmid, propriétaire de l'usine de Vannes-le-Châtel ? On demande à tous "l'engagement sur l'honneur de garder le secret absolu". Le procédé de coupage et de rebrûlage essayé par X. Mougin est voisin de celui qui depuis plusieurs années a augmenté la supériorité de Baccarat. Déjà cinq années auparavant, ces procédés discutés entre Michaut, administrateur délégué de cette usine et Eugène Chevandier de Valdrôme avaient été abandonnés à la suite de l'affirmation de Michaut selon laquelle les procédés applicables au cristal ne le sont pas au verre. A l'époque, les représentants de Vallérysthal s'en étaient "naïvement rapporté à une parole aussi autorisée dans les questions verrières". A l'évidence, Baccarat craignait pour plus tard que se développe une espèce de concurrence. Les essais de la machine de Gaiffe ne sont, cependant, pas totalement concluants et l'on demande à ce dernier de montrer le tour de mains, ce qui produit des résultats supérieurs. Forts de leur sens pratique, X. Mougin et J. Richard s'efforcent de modifier la machine en question. Les résultats s'avèrent très positifs. Ils réussissent à couper sans difficultés et sans accidents les verres et cylindres de toutes épaisseurs et de toutes dimensions. J. Richard, après bien des déboires, trouve par tâtonnements et ajustements successifs le procédé de rebrûlage. Il plonge brutalement un verre dans l'intérieur du four, l'exposant à une chaleur intense puis le retire et le rebrûle au bord de l'ouvreau : "rebrûlage admirable et point de casse". Avant l'utilisation de ce procédé, les pièces à ouverture ronde : verres, gobelets... de toutes tailles étaient ouvertes au feu. Désormais, toutes les pièces peuvent avoir les mêmes formes, les mêmes dimensions, les mêmes hauteurs. La conservation du secret obsède toujours les dirigeants. On arrête net les essais pour faire croire à l'abandon définitif du procédé. L'application en grand de cette technique doit pourtant se faire rapidement. Pour cela, les moules en bois employés pour un certain nombre d'articles doivent être remplacés par des moules en fer. Le secret implique également d'autres dispositions : si l'on fait breveter l'appareil de Gaiffe, il ne sera pas fait mention des modifications voilà une première mesure. Autre résolution, il faut fermer "hermétiquement", à tous les visiteurs étrangers, les portes des établissements de la société. Cette deuxième mesure est prise également pour éviter des pertes de temps aux ouvriers et employés. Le conseil d'administration précise que les directeurs pourront faire visiter l'usine aux autorités du pays : préfet, sous-préfet, général, évêque. Les ateliers spéciaux où seront appliqués les nouveaux procédés ne devront jamais être visités et leurs portes fermées même aux ouvriers et employés de l'usine qui n'y sont point occupés. Les portes d'entrée des usines et des ateliers seront surmontées d'écriteaux : "défense d'entrer". Le président G. Chevandier qui est le plus ferme partisan du secret absolu exige que seuls soient admis dans les ateliers "les ouvriers discrets et fidèles". Les directeurs doivent solliciter une autorisation du président pour faire circuler dans les ateliers généraux les membres de leur famille. X. Mougin obtient du président du conseil d'administration la possibilité de laisser visiter les ateliers à Monsieur et Madame Gallois, Monsieur et Madame Gérardin, Mademoiselle Louise Gérardin, Monsieur A. Gérardin, ses proches parents ; un peu plus tard, l'autorisation est étendue à Monsieur Didot et à sa femme née Mougin ainsi qu'à leurs enfants. Si les nouveaux procédés utilisés à Portieux dans un premier temps, à Vallérysthal ensuite, débouchent sur des améliorations appréciables sur les plans de la quantité et de la qualité de la production, surtout lorsqu'ils s'appliquent à des formes de dimensions identiques, les succès escomptés et obtenus sont à relativiser. En février 1880, G. Chevandier décrit à X. Mougin la mésaventure survenue à Bauquel à qui l'usine de Portieux a adressé douze verres coupés et rebrûlés selon les nouveaux procédés. Quelque temps plus tard, le même Bauquel s'aperçoit que trois verres ont cassé selon une brisure non uniforme qui prend un peu au-dessous de la partie rebrûlée. Il y a donc lieu de réajuster les techniques de rebrûlage car l'on constate environ 18 % de casse dans les épaisseurs ordinaires. Et enfin, quelle déception amère pour le conseil d'administration et les directeurs lorsque l'on découvre dans un grand hôtel de Nancy des marchandises qui proviennent de la verrerie de Saint-Ouen et qui ont été coupées et rebrûlées à la façon nouvelle de Portieux. Des procédés ont été cachés alors qu'ils sont "presque déjà entrés dans la pratique de bien de nos concurrents". Le président G. Chevandier manifeste également sa désillusion à son directeur général : le verre coupé a déjà fait une apparition sur plusieurs marchés, dans le domaine public "et nous qui voulions frapper un grand coup de tonnerre, nous arrivons modestement sinon en queue du moins nettement devancés par d'autres établissements".

L'usine de Portieux se lance néanmoins dans la phase de mise en service du procédé. En février 1880, il est prévu de construire d'importants ateliers destinés au coupage, rebrûlage, flettage, à la place des vieux bâtiments "délabrés" servant à la maréchalerie, menuiserie, aux charpentiers et "faiseurs de planches". Ce bâtiment d'une longueur de 53 mètres 50, d'une largeur de 15 mètres 50 doit contenir au rez-de-chaussée trois ateliers afférents chacun à l'une des phases du nouveau procédé de fabrication et une machine à vapeur d'une force motrice de dix chevaux pour les tours de coupage et flettage et au premier étage un magasin pour réunir la production. A la fin de l'année 1880 et pendant une partie de l'année 1881, la question du coupage et du rebrûlage préoccupe au plus haut degré tous ceux qui portent intérêt à l'avenir de la société. Par rapport au problème technique, les avis du directeur général A. Thouvenin et ceux du directeur de Portieux X. Mougin divergent sensiblement. A. Thouvenin signale qu'il rencontre des difficultés avec le rebrûlage des verres épais qui cassent. X. Mougin pense que la réussite du rebrûlage est évidente et que la société peut "marcher de l'avant sans incertitude". Il affirme que les petits fours chauffés au bois ne donnent pas une chaleur aussi vive que ceux de Portieux chauffés à la houille, que l'opération est trop lente, qu'en outre dans les arches de Vallérysthal chauffées au bois, la température est moins régulière et relativement intermittente. La mauvaise recuisson dans l'arche fait que les verres éclatent lors de la taille. Portieux qui a recoupé et rebrûlé des verres de toutes épaisseurs a toujours obtenu les mêmes résultats. Avant d'organiser définitivement des ateliers nouveaux à Vallérysthal, le conseil d'administration souhaite que l'installation des ateliers de Portieux ait permis de se rendre compte des résultats. Des améliorations restent à entreprendre. X. Mougin montre par exemple que les raies imperceptibles produites par les traces de silex qui se trouvent dans le charbon dont on se sert pour graisser les moules sont aussi cause de "pettes". En résumé, les procédés découverts donneront pleine satisfaction lorsque les produits seront de coupes nettes, exemptes de raies, d'épaisseurs égales, lorsque le rebrûlage se fera rapidement dans un milieu très chaud et la recuisson dans des arches à température invariable. Les recherches prennent fin vers le milieu de l'année 1881 et il nous faut évoquer cet aboutissement. Le 25 février 1881, le conseil d'administration réuni à Portieux visite l'usine et en particulier les nouveaux ateliers et assiste à deux expériences de rebrûlage. La première expérience est réalisée dans un petit four construit pour cet usage. Sur cent six verres, six cassent durant l'opération. La chaleur du four qui n'est pas suffisamment intense explique cette perte, pense-t-on.

La deuxième expérience est entreprise dans un des petits fours de la halle. La température sensiblement plus élevée permet de réaliser rapidement l'opération et ainsi, la perte n'est que de deux verres sur deux cent quarante. Il est constaté que des verres cassent plusieurs heures après le rebrûlage, le dessus se détache en bague. Il est alors suggéré de refroidir graduellement les verres rebrûlés dans une arche spéciale. La direction s'interroge également sur le flettage, c'est-à-dire l'opération qui consiste à adoucir mécaniquement avant le rebrûlage des arêtes intérieures et extérieures des verres coupés : "doit-on employer des roues, des plaques, des tampons tournant dans l'intérieur du verre ?" G. Chevandier et Bauquel pensent qu'en faisant suivre le flettage d'un rapide polissage à l' émeri et à la potée préparée comme pour les glaces, on pourrait éviter le rebrûlage ce qui paraît intéressant puisque c'est l'étape qui crée des casses. Bauquel recommande l'emploi d'épais tampons de feutre très imprégnés de potée contre lesquels les verres seraient pressés avec un rapide mouvement de rotation. Le nouveau tour à fletter est mis au point au cours de cette année 1881 237 . L'affaire du coupage et du rebrûlage entraîne encore quelques agitations. X. Mougin constate que les propriétaires de la verrerie de Saint-Ouen viennent de prendre un brevet pour le rebrûlage du verre selon un procédé qui, pense-t-il, a été découvert et mis au point à Portieux depuis une année déjà. Il affirme que le procédé a été communiqué par des ouvriers ayant quitté Portieux. Sauvageot, propriétaire de Saint-Ouen, reconnaît que Portieux a appliqué le procédé de rebrûlage en même temps que son usine et accepte que la société soit également propriétaire du brevet. Enfin, en février 1882, X. Mougin explique au conseil d'administration que le rebrûlage effectué à l'aide d'un chalumeau alimenté au gaz est très complet, sans exagération, sans soumettre inutilement toutes les parties de la pièce à une trop grande chaleur. L'introduction du gaz en 1881 a bien fait progresser la technique du coupage, rebrûlage. Les travaux d'éclairage au gaz sont confiés à Marviney et Mertz de Bâle. Le projet retenu consiste à produire du gaz par la distillation des huiles lourdes ou de résidus de la fabrication de l'huile de schiste. Ce gaz, très carburé, à flammes tranquilles peut être conservé. En juin 1881, le conseil d'administration adopte la construction d'un bâtiment usine à gaz. C'est Mercklen de Remiremont qui dresse plans et devis de cette usine, qui installe conduites et becs. La production se trouve mentionnée en novembre 1881. En guise de conclusion à ces problèmes techniques, nous laissons la parole au président G. Chevandier. Après avoir rappelé à l'assemblée de septembre 1881 les défauts présentés par les différents modèles lorsqu'ils étaient soufflés, modelés, ouverts et terminés directement par l'ouvrier, le président évoque la période nouvelle qui s'annonce très positive : "(...) Les défauts que nous venons de vous signaler, les inégalités, les différences dans les formes, les hauteurs, les dimensions, le manque d'aplomb, le cordon du buvant, tout cela vient de disparaître comme par enchantement (...). Les verres et gobelets sont soufflés dans des moules, coupés au gaz, flettés mécaniquement, puis rapidement rebrûlés." La production apparaît donc irréprochable et le président parle "d'une véritable révolution dans l'art de la verrerie".

Après cette conquête technique, l'entreprise part à la conquête du sable c'est ce que nous verrons dans un prochain chapitre.

Durant la période 1880-1914 l'usine cherche à diversifier sa production, en particulier par l'amélioration de la finition. Elle cherche également à mécaniser, autant que faire se peut, la verrerie.

La gravure du verre concentre les efforts des directeurs et des membres du conseil d'administration. Elle s'exécute par deux procédés différents, soit à la molette, soit à l'acide fluorhydrique. La gravure à la molette se fait à l'aide de petites roues en cuivre ou en acier sur lesquelles tombe de l'émeri. L'ouvrier appuie contre elles la pièce à graver et elles y tracent des sillons qu'elles dépolissent en même temps. L'habileté des graveurs fait naître sous la molette les dessins les plus fins. Mais c'est surtout à la mise en place et au développement de la gravure à l'acide fluorhydrique à Portieux que s'attache le directeur X. Mougin. Ce procédé de gravure n'en est qu'à ses débuts à Vallérysthal en 1876 238 et dès 1885, le conseil d'administration note que la gravure et la décoration à l'acide donnent à Vallérysthal, où elles sont pratiquées à une grande échelle, de très bons résultats avec une dépense modérée 239 . C'est à cette époque que débute ce procédé de gravure à Portieux. X. Mougin pense qu'en l'appliquant à de nouveaux articles, on peut en trouver un placement très important. Afin de satisfaire toutes les demandes de la clientèle, il souhaite la création de deux ateliers spéciaux.

A la fin de l'exercice 1886-1887 la construction d'un bâtiment renfermant des ateliers de gravure à l'acide et des ateliers d'impression et de guillochage se trouve terminée 240 . En 1898, les commandes d'articles gravés selon ce procédé croissent très fortement et on envisage d'agrandir les ateliers et d'en opérer une transformation générale 241 . Enfin, devant le succès, on décide de transformer l'ancienne salle de théâtre en atelier de photogravure en 1899. L'atelier donne rapidement de bons résultats "par l'économie et l'exactitude que l'on trouve dans la gravure des plaques d'acier destinées à l'impression" 242 .

La gravure à l'acide fluorhydrique repose sur le fait que, lorsqu'on expose le verre à l'action du produit, le silicate se trouve décomposé. Quand on emploie l'acide fluorhydrique gazeux, on obtient des gravures mates ; quand, au contraire on se sert d'acide en dissolution, la gravure est brillante et d'un moins bel effet comme décoration. Il faut évidemment recouvrir les parties qui ne doivent pas être attaquées d'une substance qui les préserve de l'action de l'acide. A cet effet, on grave en creux, sur une planche en métal, le dessin des parties que l'on veut protéger contre l'acide ; puis, après avoir passé sur elles une encre de composition spéciale, on la racle de manière à ne laisser d'encre que dans le creux ; sur cette planche, on étend une feuille de papier pelure où s'imprime le dessin des parties à réserver ; cette feuille est alors appliquée sur le verre, et lorsqu'on l'en retire, elle laisse à sa surface l'impression, en encre grasse, des dessins qui ne doivent pas être gravés. Quelques heures après, on peut plonger l'objet dans un bain d'acide qui n'attaquera que les parties nues. On enlève ensuite l'encre, soit avec des essences, soit par un moyen mécanique.

L'autre procédé de décoration consiste à enduire les verres ou objets à décorer d'une sorte de bitume puis à les placer sur des appareils à guillocher où une pointe métallique dessine des figures géométriques d'une infinie variété. L'objet ainsi préparé est plongé dans un bain d'acide qui attaque seulement les parties où la pointe à graver a enlevé le bitume. Après lavage, le dessin reste fixé en creux. Plus tard, la verrerie de Portieux emploie le procédé de décalcomanie qui imprime le dessin à obtenir. Le verre recouvert de bitume est ensuite traité par l'acide comme pour le guillochage.

Au cours des années où se développe le procédé à l'acide, l'usine acquiert des machines à graver au sable. Une nouvelle machine est livrée à Portieux en avril 1891 243 . Un jet de sable est dirigé vers l'objet à décorer que l'on a recouvert d'un pochoir. Ce dernier ne laisse à nu que les parties à attaquer.

Le soufflage mécanique du verre est aussi à l'étude en 1883. A. Thouvenin visite la verrerie des frères Appert à Clichy où a été introduit le soufflage mécanique du verre 244 . Le procédé consiste à comprimer l'air dans un réservoir en communication avec un autre récipient où l'air se détend à peu près à la pression du souffle de l'homme. Des conduites partant de ce dernier récipient viennent aboutir à des tuyaux en caoutchouc à portée de la main du souffleur qui en applique le bout sur la canne et donne l'air au moyen d'une pédale. Pour droit de brevet, Appert demande 150 francs par pot. Le conseil d'administration réfléchit à cette acquisition. Il est décidé de procéder à des essais à Vallérysthal mais on pense alors que la technique est peu applicable aux petites pièces 245 . Le conseil d'administration fait l'achat pour 4.000 francs du procédé Appert en 1885.

L'usine réalise un bénéfice supplémentaire de 50 à 55 francs par place de verre et ceci mensuellement lorsqu'on installe des "gamins mécaniques" 246 . La création de teneurs de moules mécaniques et de potences pour cannes permet de supprimer deux gamins par place 247 . Intéressante innovation dans une période de forte production où la main-d'oeuvre jeune manque.

La mécanisation qui favorise la productivité tout en économisant de la main-d'oeuvre est encore au centre des discussions en 1913. Les directeurs et particulièrement A. Richard étudient le transport mécanique des verres à l'arche. L'usine de Portieux s'adresse à Edmond Jeanmaire, ingénieur constructeur à Nancy. Depuis de longues années, l'usine se penche sur la mise dans l'arche de verres fabriqués arrivant à la vitesse de 15 à 20 unités à la minute. A. Richard fournit à son interlocuteur des informations techniques qui nous renseignent sur l'organisation du travail et sur la production 248 . La hauteur maximum d'un verre muni de sa calotte est d'environ 230 mm. Le temps moyen que met le gamin pour aller à l'arche à recuire est difficile à préciser ; certaines places se trouvent à cinq ou six mètres de l'arche, d'autres à vingt ou trente mètres. Il faut compter douze places par four et chaque place fabrique de 900 à 1.000 verres. Ce n'est pas le transport qui pose de réels problèmes mais plutôt celui de la mise à l'arche. La question ne trouve pas solution et le porteur garde sa raison d'exister.

Coupage, rebrûlage, flettage, gravure à l'acide et au sable, soufflage mécanique, "gamins mécaniques", telles sont les améliorations techniques introduites à Portieux avec comme perspectives et résultats une rationalisation et une diversification de la production assorties d'une économie substantielle de main-d'oeuvre enfantine. Tout ceci témoigne de l'ambition de l'usine.

Notes
236.

Les évolutions techniques sont retracées d'après l'analyse des délibérations des assemblées générales des actionnaires et du conseil d'administration, 37 J 18 et 19, ainsi que 37 J 32 et 33 A.D.M. Les lettres de G. Chevandier mettent l'accent sur le secret à conserver, 37 J 31 A.D.M.

237.

Le conseil d'administration ne veut pas faire breveter le nouveau tour à fletter car un brevet donne un descriptif complet et une légère modification détournerait le brevet de sa fonction.

238.

Assemblée générale du 3 octobre 1876 ; 37 J 32, A.D.M.

239.

Conseil d'administration du 12 octobre 1885 ; 37 J 20, A.D.M.

240.

Journal ; 53 J 121, A.D.V.

241.

Conseil d'administration du 5 août 1897 ; 37 J 23, A.D.M. et journal ; 53 J 136, juin 1899, A.D.V.

242.

Conseil d'administration du 22 janvier 1900 ; 37 J 23, A.D.M. et journal ; 53 J 137, A.D.V.

243.

Conseil d'administration du 20 janvier 1891 ; 37 J 22, A.D.M.

244.

Conseil d'administration du 24 novembre 1883 ; 37 J 20, A.D.M.

245.

Conseil d'administration du 19 février 1884 ; 37 J 20, A.D.M.

246.

Les "gamins mécaniques" sont des moules qui s'ouvrent et se ferment automatiquement ; auparavant, l'ouverture et la fermeture étaient réalisées par les enfants d'où le nom de "gamins" donné aux moules.

247.

Conseil d'administration du 23 mai 1901 ; 37 J 23, A.D.M.

248.

Lettre de A. Richard du 23 juillet 1914 ; 53 J 714, A.D.V.