5 - La piste des ouvriers de Bohème

En 1911, le directeur qui se plaint du cruel manque de main-d'oeuvre s'adresse à Vopélius de Sulzbach. Ce dernier doit servir d'intermédiaire pour recruter des ouvriers dans les usines de Bohème : Maïerhöfen et Winterberg. Faisant jouer ses relations, Vopélius se met en rapport avec la Erste Böhmische Glasindustrie Actien Gesellschaft de Bleistadt. Un employé de cette usine visite la verrerie de Maïerhöfen en août 1911 et rédige un rapport transmis à Portieux, via Sulzbach. L'employé Kremer pense qu'il est possible d'engager des ouvriers. Ce sont des ouvriers allemands des environs de Karlsbach dont le gain varie de 35 à 60 couronnes par semaine, la journée étant de 10 heures, les ouvriers ne travaillant ni la nuit ni le dimanche. Kremer se propose également de visiter la fabrique du Chevalier de Kralik à Winterberg afin de se renseigner sur les gains des verriers. Il assure que l'on peut trouver dans cette contrée "un élément ouvrier sur lequel on peut compter et très actif, avec des salaires modérés" 472 .

Pour la fabrication d'articles à bon marché, Kremer recommande l'usine de Gross-Karlowitz en Moravie dans laquelle on peut trouver des ouvriers bohémiens sûrs et à bas salaires. Kremer visite donc l'usine de Winterberg et sollicite, pour comparaison, communication des salaires de Portieux. A Maïerhöfen et Winterberg, les gains s'élèvent à 280 couronnes par mois, logement et chauffage gratuits "et la vie à bon marché". Si les gains et les conditions générales d'embauche sont identiques, la Erste Böhmische Glasindustrie pourrait effectuer la démarche d'embauche. Dans le cas contraire, toute action est inutile. En définitive, de la comparaison des salaires il ressort que l'engagement des ouvriers bohémiens n'est pas possible puisqu'ils reçoivent des salaires supérieurs à ceux offerts par l'usine vosgienne 473 . L'examen des registres d'entrées à la verrerie montre en effet qu'aucun ouvrier bohémien n'exerce à l'usine. Entre-temps, toujours par l'intermédiaire de Vopélius, A. Richard s'intéresse à un ouvrier bohémien Karl Matocha, demeurant à Mähren. Fixer à Portieux un bon ouvrier étranger, c'est se donner la possibilité de l'utiliser comme recruteur. "Matocha serait peut-être décidé à aller à Portieux pour se rendre compte des conditions et amènerait plusieurs camarades si le travail et les conditions convenaient. Ce n'est pas un socialiste et il n'appartient à aucune organisation ouvrière. Il nous est recommandé comme un bon ouvrier", écrit Vopélius à A. Richard 474 . Portieux s'offre à payer le voyage de Matocha, une indemnité de déplacement de 120 francs et une prime annuelle de 36 francs pour "tout verrier capable qu'il procurerait" 475 . La piste Matocha échoue, comme celles de Maïerhöfen et Winterberg pour des raisons liées à la supériorité des salaires dans ces régions et à la barrière de la langue puisque personne ne parle bohémien à Portieux. Le handicap aurait été moindre avec des verriers de Maïerhöfen et Winterberg ceux-ci s'expriment en allemand, langue comprise par nombre d'ouvriers de Portieux originaires d'Alsace.

Notes
472.

Pensionnat de Clairey ; 6 M 244, A.D.V.

473.

Lettre de Vopélius du 7.08.1911 ; A.P.

474.

Lettre de Vopélius du 19.12.1911 ; A.P.

475.

Lettre de Vopélius du 16.10.1911 ; 53 J 714, A.D.V.