Fin 1874, début 1875, une épidémie de fièvre typhoïde se propage à Vallérysthal et dans le village voisin de Walscheid d'où viennent un grand nombre d'ouvriers. Dans un courrier qu'il adresse à A. Thouvenin, le président G. Chevandier écrit : "elle (l'épidémie) doit disparaître et c'est à la société industrielle puissante de prendre la tête de toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux malades et ramener pour toutes les populations la tranquillité avec un état sanitaire satisfaisant". Il précise même qu'il convient de venir en aide aux malades qui ne sont pas ouvriers de l'entreprise. Pour G. Chevandier, qui inscrit sa pensée dans le courant positiviste, tout le progrès de la société ne peut venir que de l'industrie par les richesses et le bien-être qu'elle procure. Il y a chez lui, à ce niveau, comme une sorte de seconde religion. Après s'être calmée, l'épidémie reprend à Harreberg. Trois personnes d'une famille Bournique décèdent. La maladie est partie de l'usine. Le fils qui l'a propagée dans sa famille ainsi qu'un de ses frères sont convalescents. C'est à nouveau l'occasion pour G. Chevandier de déclarer à A. Thouvenin sa profession de foi en l'industrie : "les populations doivent trouver une providence dans les grandes industries qui prospèrent au milieu d'elles". Dans le même temps, la fièvre typhoïde se déclenche à la Verrerie de Portieux touchant enparticulier une famille : la mère et les quatre enfants. Un des enfants décède suivi quelques semaines plus tard par la soeur institutrice qui les a soignés. Après une accalmie, l'épidémie touche en novembre quelque vingt-cinq ouvriers qui doivent cesser le travail. Malgré l'installation sur place d'un médecin de secours, du médecin de Charmes et d'une soeur infirmière, deux enfants succombent sur quatre-vingt-quinze malades. Fin décembre, seulement, on parvient à enrayer l'épidémie. Fort de ce qui s'est passé à Vallérysthal, c'est A. Thouvenin, le directeur général, qui recommande à X. Mougin de prendre un médecin à poste fixe pour s'occuper des malades de l'usine et en même temps surveiller l'épidémie dans les localités voisines. Il lui conseille également de bien prendre la précaution de faire désinfecter les matières fécales en les aspergeant de sulfate de fer. Courageux mais pas téméraire le président G. Chevandier, qui suit de très près l'évolution de l'épidémie ainsi que les mesures prises, écrit à A. Thouvenin : "pour moi je me dispenserai avec grand plaisir d'aller à Portieux en ce moment" ; A. Thouvenin se trouve à cette période à la Verrerie de Portieux !
A la suite de l'épidémie qui désole Vallérysthal durant plusieurs mois, on entreprend d'importants travaux d'assainissement : captage de l'eau et système de distribution aux familles. Aucun registre ne mentionne des travaux analogues à la Verrerie de Portieux. L'épidémie a peut-être été transmise à Portieux par les ouvriers de Vallérysthal puisque les verriers des deux usines entretiennent entre-eux des liens amicaux et familiaux.
Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à la verrerie principalement à l'époque où les installations matérielles apparaissent bien rudimentaires 526 . De nombreux tailleurs sont obligés de cesser leur activité soit en passant à un autre atelier, soit en quittant prématurément et définitivement l'usine. Victor Colnot, compagnon, décède quelques mois après avoir quitté la taillerie en 1851 527 . Le travail de tailleur s'effectue dans des ateliers où l'atmosphère est chargée d'humidité. L'eau puisée dans un seau se répand sur le sol et y séjourne durablement. Même lorsqu'après l'aménagement du barrage de la voie Mauljean l'eau arrive à la taillerie directement sur les tours, il en reste une certaine quantité sur le sol, l'écoulement s'opérant mal 528 . Le conseil d'administration qui visite l'usine en 1884 ne manque pas d'en faire la remarque à X. Mougin, sensibilisé qu'il est à la suite du rapport que le président Chevandier adresse à ses collègues à propos des conditions sanitaires de la taillerie d'Abreschviller. Ce rapport éclaire parfaitement l'environnement dans lequel exercent les tailleurs, et les conséquences qui en résultent. Les maladies qui touchent ces verriers sont de deux sortes : "je suis effrayé des nombreux cas de phtisie, de maladies rhumatismales et articulaires qui se produisent chez nos ouvriers d'Abreschviller, trop souvent avec une rapidité déplorable", écrit G. Chevandier en 1877. La cause principale en est l'extrême humidité des ateliers et à un degré moindre la position des bras des ouvriers pendant leur travail. Lorsque les marchandises à tailler sont lourdes, les bras s'appuient sur la poitrine et la compriment. G. Chevandier remarque que dans les verreries françaises en général, les roues servant à graver sont hautes et l'ouvrier appuie en montant sur le côté de la roue, les bras fortement serrés sur la poitrine et avec un effort d'autant plus considérable que les marchandises sont plus lourdes (fig. 46). Il propose d'entreprendre l'étude d'améliorations qui peuvent être apportées au travail des tailleurs partant de l'observation des techniques utilisées en Angleterre. Dans les tailleries de ce pays, les tailleurs travaillent sur des roues basses, appuyant le verre de haut en bas sur le sommet de la roue, les coudes complètement écartés du corps. Il convient donc de s'inspirer de cette technique et d'étudier l'application de la machine "qu'un ouvrier très intelligent des tailleries d'Abreschviller, Auguste Cherrier de Niederhoff a imaginée et confectionnée". Il s'agit d'une petite machine qui, au moyen d'un ressort, appuie contre la roue la pièce à tailler que le tailleur n'a qu'à diriger sans effort et sans fatigue.
A Abreschviller, les décès ont commencé en 1867. Le rapport signale dix-neuf décès de 1868 à 1878. Quatre ouvriers atteints d'un commencement de phtisie ont dû, pour éviter le même sort, renoncer à leur travail. "D'autres, en nombre beaucoup moins considérable, ont été atteints d'affections articulaires plus ou moins prononcées. Auguste Schweitzer mourait en 1871 d'une maladie de cette nature. Aujourd'hui (en 1884) et pour la même cause Jules Alba, âgé de 33 ans et Victor Bournique, âgé de 28 ans sont complètement perdus et absolument incapables d'aucun travail. Le premier est allé se mettre en traitement à l'hôpital de Strasbourg. Le second étendu sur son lit depuis quinze mois a été, par les soins de la direction de Vallérysthal, envoyé au même hôpital de Strasbourg (...). Notre devoir impérieux est de ne pas perdre un seul instant pour apporter à l'état de chose des remèdes énergiques et immédiats".
Certes, les conditions du travail à la taillerie d'Abreschviller sont particulièrement néfastes à la santé des ouvriers mais si le conseil d'administration insiste tant auprès de X.Mougin pour qu'il améliore l'état des locaux de Portieux c'est que l'on y trouve à un degré moindre les problèmes de la taillerie d'Abreschviller. Il s'agit d'éviter de reproduire les mêmes erreurs d'aménagement.
Une autre cause rend l'atelier des tailleurs insalubre. S'il y a à Portieux moins d'eau sur le sol, les émanations de cent cinquante lampes fumeuses contribuent à rendre l'air vicié, particulièrement en hiver, alors qu'on ne peut ouvrir les fenêtres pour aérer les locaux. En 1881, la mort de deux tailleurs qu'à tort ou à raison leurs camarades attribuent à l'insalubrité de l'atelier a amené "une véritable panique" à tel point que X. Mougin craint que si le gaz n'est pas installé rapidement beaucoup de tailleurs ne quittent, "ce qui serait désastreux puisque déjà en ce moment, la taillerie est débordée et ne peut suffire à l'exécution des commandes". Le conseil d'administration sensible aux arguments déployés par le directeur de Portieux décide d'éclairer les ateliers et quelques points de la cité au gaz.
Un autre fléau règne à l'usine qui altère la santé des ouvriers : l'alcoolisme 529 Les verreries ne sont pas les seules à être concernées par le problème auquel doivent faire face tous les patrons d'industrie. Au XIXe siècle, la pénibilité du travail du verrier devant le four, l'enfermement dans l'univers clos des jours sans loisirs véritables, conduisent bon nombre d'entre-eux à s'adonner plus qu'il n'est raisonnable à la boisson. L'alcoolisme avec ses conséquences l'absentéisme et la violence, agit comme cause de mortalité soit directement, soit indirectement en venant renforcer le déficit d'un organisme fragilisé par l'épreuve du labeur quotidien.
L'alcool engendre des comportements violents sur les lieux mêmes de la consommation. Un jour de janvier 1904, raconte le journal le Mémorial des Vosges, M. Mellet cafetier met à la porte de son établissement Charles G., tailleur sur verre. Celui-ci dresse contre la porte du café un madrier de 3,50 de façon à ce qu'il tombe sur la première personne qui sortirait. Madame Mellet mère, âgée de 69 ans, ouvre la porte et reçoit le madrier sur la tête, ce qui lui occasionne une profonde blessure avec perte de connaissance.
Le journal de la taillerie transcrit les difficultés rencontrées par les ouvriers principalement à cause de la boisson et la nature ainsi que la hiérarchie des sanctions prises par le patron.
Très fréquemment, le "chômage" total ou partiel du lundi ou des lendemains de fête se manifeste parce que les ouvriers se sont laissés aller à commettre quelques excès. Le lundi, on ne se sent pas particulièrement ardent au travail et l'on décide de faire un arrêt plus ou moins prolongé au cabaret. Parfois, l'ouvrier ne revient pas à l'usine et passe sa journée en beuverie. Cette question du lundi se trouve étroitement liée à l'ivrognerie mais aussi aux conditions pénibles de travail. La chaleur intense qui règne auprès des fours, la discipline de vie qu'exige le rythme de travail à l'usine développent l'habitude de boire avec exagération et cette habitude par contre-coup entraîne celle de "chômer" le lundi. Lorsque le jour de paie tombe ce même jour, ceci à tendance à accroître les comportements alcooliques.
Prenons quelques exemples. R : "C'est lundi .. s'est fait apporter de la boisson à l'atelier par l'apprenti et en a absorbé une telle quantité qu'il est allé s'abattre ivre mort sur le pré derrière la taillerie vers les quatre heures de l'après-midi." M : "Lundi de paie s'est saoulé au point qu'on a été obligé de le reconduire chez lui." Pour R : "les cas d'ivrognerie ne peuvent plus se compter (...) mardi était gris, mercredi était plus que gris. Mardi était tellement ivre qu'il a fallu le reconduire chez lui ; mercredi (...) même répétition." C. : "souvent absent le lundi de paie dans le dernier tiers. Parfois présent mais sanctionné car le lundi n'a fait que courir d'un chantier à l'autre sans travailler." G. : "s'absente le lundi et le mardi pour aller à une fête." M : "n'a pas paru à la taillerie que vers six heures au soir et dans un tel état d'ivresse qu'il a fallu l'en faire sortir aussitôt." B : "des absences lendemain de l'ascension, lendemain de pentecôte." C : "lendemain de l'ascension. N'a fait que flâner et faisait tailler par les gamins des verres après lesquels on attendait pour remplir une commande. Aux observations, il répond par menaces et injures." Le cas de M, chef boucheur, mérite d'être relevé dans sa totalité tant il illustre, à lui seul, les phénomènes évoqués :
A plusieurs reprises n'a pu travailler la journée entière en évoquant un prétexte :
... et la liste des comportements déviants de M continue.
L'ouvrier qui a fait la fête le dimanche et qui la prolonge le lundi développe un comportement de passivité ou de violence. Certains "flânent", d'autres se rebellent. Illustrons cette deuxième situation. B : en état d'ivresse, X. Mougin réussit à le faire sortir de l'atelier. "L'on croyait le calme rétablit lorsque quelques moments après, cet ouvrier indiscipliné rentre à l'atelier et se jette à nouveau sur B, on s'empare après bien des difficultés de ce fou furieux et on l'enferme au violon. Aujourd'hui B reçoit son compte." V : "Ivre et grossier, provoque un scandale à la taillerie", menacé d'un renvoi immédiat, il peut néanmoins reprendre son travail sur l'intervention de sa femme venue "implorer son pardon" ; ce qui ne l'empêche nullement de récidiver. Comme nous venons de le voir, le comportement est parfois si agité que le directeur fait enfermer l'individu en question au "violon", prison interne à l'établissement afin qu'il se calme ou en attendant le train pour le retour du soir pour certains. Ainsi, grisé, S est mis au cachot "on ne pouvait avoir raison de lui." J qui a passé une partie de l'après-midi au cabaret vient faire "le fanfaron" vers quatre heures de l'après-midi en compagnie du père G, "ce dernier ayant été enfermé au violon, G crut devoir le délivrer en essayant d'enfoncer la porte avec une barre de fer ; reçu son compte." Convoqué par Jules Richard à cause de sa conduite, P fait "le fanfaron", on lui accorde son compte séance tenante mais on l'enferme au "violon" jusqu'au train de sept heures. A l'origine de la violence, il n'y a pas toujours l'alcool ; le caractère emporté de l'individu suffit dans cette ambiance où le travail de l'un est strictement dépendant de celui de l'autre, à provoquer une rixe. A la suite d'une discussion à l'atelier, H qui avait les premiers torts, "exalté a brisé sa barre de cuvette sur la tête de G". Tous ces comportements se trouvent réprimés par un régime de sanctions. La plus forte est le renvoi immédiat. L'ouvrier se trouve "congédié". Le plus fréquemment on applique "la mise à pied" pour un nombre de jours variable selon l'intensité de la faute commise et selon qu'il s'agit d'un récidiviste ou non. Par exemple, V reçoit deux jours de "mise à pied" pour absence le dernier tiers du jour de paie et le lendemain et M est sanctionné par une "mise à pied" d'un jour pour avoir prétendu être chez lui alors qu'il a passé le dernier tiers au cabaret. Parfois, l'ouvrier a "le choix" entre "la mise à pied" et l'amende. Fréquemment c'est l'amende qu'il préfère parce que celle-ci est moins pénalisante que l'absence de salaire durant un ou plusieurs jours. Le montant des amendes s'échelonne de 1 franc à 20 francs. Un ouvrier surpris à boire du vin à la taillerie écope de 1 franc d'amende tandis qu'un autre dont les absences sont fréquentes est taxé de 20 francs. Les sanctions plus légères s'intitulent "réprimandes" ou encore "rappels à l'ordre". La clémence du directeur se pose quelquefois sur un ouvrier : C, chef tailleur, est menacé d'un avertissement de six semaines avant son renvoi pour absences répétées mais la sanction est rapportée car C "a été un ouvrier rangé pendant tout le temps qu'il était garçon". A l'inverse, "l'insubordination" est source de renvoi immédiat, sans avertissement. La plus grave altercation que nous connaissons à travers les réunions du conseil d'administration s'est déroulée en 1887 à Vallérysthal. Deux tailleurs agressent Pierre Richard, chef des tailleries. L'agression cause la mort de ce dernier. Ils sont renvoyés ainsi qu'un troisième ouvrier qui a eu une mauvaise conduite au cimetière lors des funérailles de son chef. Il faut reprendre en mains la taillerie jusqu'à présent abandonnée à des employés secondaires. Pour ce travail qui consiste à renforcer la discipline, on place à la tête de la taillerie Albert Thouvenin, frère du directeur.
Pour faciliter le suivi médical de la population ouvrière, le conseil d'administration engage et nomme, dans sa séance du 23 juin 1908, le docteur Cleisz médecin de l'usine aux conditions suivantes : appointement 5.000 francs ; logement gratuit ; une voiture fournie par l'usine s'il en juge l'acquisition utile ; le cheval serait nourri, logé, attelé par l'usine. Le docteur peut prétendre faire partie de la caisse de retraite et participer aux gratifications de fin d'année. Sa situation sera améliorée en fonction de son ancienneté. Les relations ne sont pas toujours idéales entre le docteur et le directeur. En 1909, ce dernier manifeste son mécontentement car le médecin s'absente dans sa famille à Nancy du samedi soir au dimanche matin. Il souhaite que l'absence parte du dimanche à 10 heures au dimanche soir à 7 heures après l'arrivée du train. Ce rappel à l'ordre est motivé par le fait que les médecins des environs n'ont pas voulu se déranger "pendant que le docteur de l'usine se promenait". De surcroît, dans la nuit, on dut faire appel au docteur Eury qui "par pure condescendance voulu bien se déranger". En 1931, le docteur Cleisz se plaint de son salaire. Le directeur lui prouve qu'il a pourtant bénéficié d'augmentations importantes. Tout compris il touche 30.000 francs par an, logement et voiture hypomobile fournis gratuitement. Le docteur quitte l'usine en 1939 sans être remplacé, le conseil justifiant son non-remplacement par le fait qu'avant l'engagement d'un médecin, l'usine faisait appel aux médecins de l'extérieur et en particulier au docteur Eury de Charmes. C'est le docteur Voiriot de Châtel qui vient consulter trois fois par semaine dans un local mis à disposition par l'usine 530 .
A partir du décret du 8 octobre 1911, le médecin de l'usine délivre à l'embauche des certificats d'aptitude déclarant que l'ouvrier souffleur n'est atteint d'aucune maladie contagieuse susceptible de se transmettre par la canne. Bien entendu, cette modalité de contrôle ne concerne que les souffleurs. Le certificat délivré à l'apprenti spécifie seulement que le jeune est de constitution suffisante pour être employé comme apprenti verrier. Le développement rapide du bâti, cités et ateliers, entraîne des accidents spécifiques. Les archives patronales offrent peu d'éléments et il convient de se référer aux articles de presse. Dans son édition du 13 juin 1908, le journal le Mémorial des Vosges rapporte qu'un ouvrier qui travaillait sur un des bâtiments de la verrerie perdit soudain l'équilibre et vint s'écraser sur la chaussée, 10 mètres plus bas. Relevé dans un état grave, il est transporté chez lui à Rehaincourt. Le même journal précise, dans l'édition du 16 juin, que le lendemain de cet accident, un ouvrier italien qui travaillait sur la même toiture est tombé de la même hauteur. Cet ouvrier, âgé d'une cinquantaine d'années est mort sur le coup. Le 28 juin 1909, le Mémorial des Vosges décrit l'accident survenu à un jeune ouvrier italien : "l'autre jour un jeune ouvrier italien descendait de son chantier, quand une poutre, se détachant inopinément, lui tomba sur la tête et le blessa grièvement. Ses camarades s'empressèrent de le relever. Après avoir reçu les premiers soins, le blessé a été dirigé vers Nancy. On espère le sauver." Travaillant à des constructions importantes sans règles de sécurité, les ouvriers du bâtiment, et plus particulièrement les Italiens nombreux dans ce domaine, sont exposés à ce type d'accident souvent grave et fatal. Dans les ateliers, les tailleurs, plus que d'autres, sont victimes d'accidents aux conséquences parfois invalidantes. En juin 1907, Charles Biette âgé de 16 ans tombe sur des débris de verre qui lui sectionnent trois tendons. Il doit subir une opération à l'hôpital de Nancy. En 1909, un autre jeune ouvrier, tailleur sur verre, tombe et se fait une entaille très profonde à la jambe. Il est immobilisé pour de longues semaines 531 . Les jeunes par manque de vigilance due à une expérience insuffisante sont fréquemment victimes d'accidents. La matière en fusion peut occasionner chez les apprentis des infirmités aux conséquences dramatiques. Nous avons signalé le cas de Joseph Rivat qui perd un oeil à la suite d'une brûlure en 1894. L'usine, à titre d'indemnité, verse 2000 francs à la famille. Les multiples courroies qui actionnent les divers organes de l'usine, roues..., causent également des dommages physiques irréversibles et parfois entraînent la mort de l'ouvrier. S'étant trop approchée d'un arbre de couche, une ouvrière est happée par les cheveux. Sans la rapide intervention d'un ouvrier qui a la présence d'esprit de renverser la courroie, la malheureuse eut été scalpée 532 .
En mars 1891, le tailleur Hachard a le bras sectionné dans une courroie et il décède. Le conseil d'administration décide de verser à sa mère, à titre de soutien, une pension mensuelle de 30 francs 533 . Edouard Breton, 44 ans, né à Moriville est victime le 4 décembre 1920 à 13 heures 30 d'un accident du travail 534 . Tailleur sur verre, il est occupé avec Adrien Lacour, 52 ans, à préparer derrière l'atelier de la taillerie une roue de tailleur mesurant 60 centimètres de diamètre environ. La roue placée sur un arbre actionné par une poulie tourne à une vitesse de 200 à 300 tours à la minute. Pour procéder à ce travail, Edouard Breton appuie sur le côté de la roue au moyen d'une barre de fer. Cette barre se trouve malencontreusement engagée entre la roue et l'appareil, entraînant la main de l'ouvrier. L'accident cause une incapacité fixée à 10 %. La plaie du dos de la main droite avec section du tendon extenseur du médium au niveau de sa base débouche, par la suite, sur une limitation du médium.
De nombreux accidents s'apparentent par leur nature à ce que l'on observe, à la même époque, dans les industries textiles ou autres... Il n'en demeure pas moins que le verre, sous sa forme liquide ou solide, crée des dangers bien marqués qui invalident gravement les ouvriers qui en sont victimes.
Les frais consécutifs à une hospitalisation et plus généralement toute indemnité sont pris en charge par la caisse de secours et de retraite des ouvriers.
Les maux des tailleurs sont évoqués dans un compte rendu du conseil d'administration ; 37 J 18, A.D.M.
Cas Colnot : registre des tailleurs ; A.P.
Le barrage de la Voie Mauljean est terminé en 1879 et l'eau arrive sur les tours.
Le registre des tailleurs mentionne ces problèmes d'alcoolisme, d'absences, de violences. Les faits relatés se rapportent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Lors de l'assemblée générale de la chambre syndicale des maîtres de verreries de France, le 5 avril 1913, Bévierre directeur de la verrerie de Romilly-sur-Andelle rappelle les terribles ravages causés par l'alcoolisme chez les ouvriers. Il explique que pour enrayer ce mal, la ligue nationale anti-alcoolique a été créée et demande avec insistance à ses collègues de prêter leur concours à cette oeuvre en souscrivant des abonnements et en répandant l'organe de la ligue : "la pensée ouvrière" parmi les ouvriers. Il s'agit pour Bévierre d'une oeuvre sociale patriotique qui mérite d'être encouragée. L'usine de la Verrerie de Portieux, dès 1911, verse 25 francs à la ligue contre l'alcoolisme.
Le docteur Cleisz est né à Saint-Omer en 1881. Sa femme est Marguerite Dieudonnée née en 1893. Ses quatre filles : Simone, Jacqueline, Nicole et Denise sont nées à la Verrerie. Le docteur, médecin militaire de la 20e section d'infirmiers, est nommé aide-major de 2e classe de réserve dans la 20e région.
Accident de C. Biette : Mémorial des Vosges, 16 septembre 1907.
Accident d'un jeune tailleur : Mémorial des Vosges, 28 juin 1909.
Accident survenu à une ouvrière : le Nouvelliste des Vosges, 26 décembre 1909.
Indemnité à la mère de l'ouvrier Hachard ; 37 J 22, A.D.M.
Accident de E. Breton : éléments extraits des minutes du greffe de la justice de Paix du canton de Charmes, tribunal de Mirecourt, département des Vosges ; A.P.