4 - Les infrastructures d'accompagnement

4.1 - L'église

La population ouvrière augmentant, la chapelle bien que de construction assez récente ne suffit plus 584 . Dès 1877, le curé de Portieux effectue une démarche envers le conseil d'administration, de la part de l'évêché, afin de trouver une solution 585 .

Le conseil suggère alors d'organiser deux messes et il se montre prêt à aménager une chambre de son appartement 586 .

En 1881, alors qu'on projette la création d'un four supplémentaire, le problème de la gestion de la vie religieuse de la communauté ouvrière se pose avec davantage d'acuité 587 . La chapelle peut accueillir cent quatre-vingts personnes, aussi faut-il organiser deux messes. Pour le président G. Chevandier, cette situation ne peut durer. Il convient de construire, dès que possible, une nouvelle chapelle 588 . Ce souhait, il ne l'exprime pas par simple sentiment religieux ; d'autres visées se repèrent aisément dans le projet présenté à ses collègues du conseil d'administration le 15 mars 1881. "Ce sentiment (religieux qui prend la forme catholique) existe surtout chez les habitants des campagnes, chez les hommes simples, placés en face de la nature, qui vivent d'un labeur quotidien, se trouvent incessamment aux prises avec les difficultés de la vie, avec ses besoins. Ce sentiment, il y a haute convenance, il y a plus, il y a grande, incontestable utilité de l'entretenir, à le faire naître chez ceux qui ne l'ont pas, à le développer chez ceux qui en sont doués. C'est un sentiment qui bien souvent arrêtera la main prête à commettre un acte blâmable, à saisir un objet qui ne lui appartient pas. C'est encore ce sentiment qui soutiendra la pauvre fille abandonnée à elle-même, la servante, l'ouvrière exposée à tant de périls, à des sollicitudes quotidiennes et qui parfois pourront échapper au danger parce qu'elles se croient sous l'oeil de Dieu. (...) Une décision de cette nature répondrait à la pensée, aux désirs d'un nombre plus considérable que vous ne pensez peut-être de vos ouvriers et de vos actionnaires, de ceux surtout qui placent au premier rang de leurs préoccupations les questions qui intéressent le bien-être et la moralisation des classes ouvrières" 589 . Ainsi, "l'oeil de Dieu" posé sur la cité ouvrière peut-il grandement faciliter la tâche d'encadrement des patrons. Il faut conjurer les risques engendrés par l'industrie. Le conseil d'administration soumet le projet de construction de l'église à l'assemblée générale de 1898 seulement. C'est qu'il a d'abord fallu donner priorité aux développements techniques de l'entreprise. Lors de cette assemblée générale, le conseil de surveillance expose : "en autorisant cette dépense, vous affirmerez une fois de plus votre sollicitude pour les intérêts matériels et moraux du personnel de vos usines". Le devis se monte à 83.000 francs. C'est en juin 1899 que débutent les travaux entrepris par J. Lentsch du Val-d'Ajol avec lequel X. Mougin a traité. Le chantier est prévu pour quinze mois. Il est dirigé par Paul Olivari, représentant de l'entrepreneur, qui encadre l'équipe de maçons italiens 590 . Lentsch fait venir des pierres de sa propre carrière du Val-d'Ajol mais aussi de Pexonne, Xertigny, Merviller. En septembre 1899, les achats de pierres sont considérables. En outre, Lentsch utilise 425 kilogrammes de papier goudronné. Les bancs sont fournis par Gigoux de Rambervillers et les vitraux par J. Beyer fils de Besançon 591 .

X. Mougin fixe la date de baptême des cloches au 27 août 1900 et la bénédiction de l'église au 17 septembre. La cérémonie attire une forte affluence. Les visiteurs sont salués à la descente du train par la fanfare de trompes. La localité, pour cette occasion, a pris un air de fête. De nombreuses maisons sont pavoisées et la rue par laquelle passe le cortège est enguirlandée. La bénédiction solennelle se fait sous la présidence de Monseigneur Foucault qui prononce un sermon. La chorale chante la messe. Le journal de l'entreprise donne en octobre 1900 le détail des frais consécutifs à ces cérémonies : versement aux abbés Marchal 200, Pierrefitte 200, Mathias 100 ; à l'évêque de Saint Dié 500 ; distribution de sous aux enfants 35 ; versement aux monteurs de cloches et aux sonneurs 45, aux serveurs 30 ; pourboire aux ouvriers de Gigoux 25 et aux ouvriers divers 12 ; note de dragées présentée par Madame A. Richard 119,50 et par Madame A. Gérardin 84,75 ; frais pour déjeuners et dîners à l'hôtel de la poste 687,10. Si l'on comprend dans ces frais deux nappes d'autel, les dépenses s'élèvent à 2.218,45 francs desquelles il convient de déduire les dons de Mesdames Chevandier, A. Hertz, de Menthon ; ainsi que ceux de Messieurs J. Richard, X. Mougin et Chevandier pour un montant de 2.150 francs, soit un total des dépenses de 68,45 francs. Les parrains et marraines des cloches proposés par X. Mougin font partie du conseil d'administration ou sont des proches du personnel de direction : M. Raspiller et Mme Chevandier, M. Adrien Hertz et Mme Richard, M. de Menthon et Mme A. Gérardin.

Le conseil d'administration qui doit faire face à des dépenses considérables à la suite de la construction de nombreux logements et du pensionnat refuse en 1906 d'accéder à la demande du curé de Portieux qui souhaite faire ériger la Verrerie de Portieux en paroisse et édifier un presbytère. X. Mougin propose en 1910 de procurer un autre appartement au desservant qui loge alors au premier étage de l'école. L'usine lui fait donc construire une petite maison à proximité de l'église. Elle se compose d'une chambre, d'une cuisine et d'une autre pièce pour la bonne 592 . Tous les frais relatifs à la vie du desservant et de ses aides ainsi que ceux se rapportant au service religieux sont pris en charge par l'usine 593 . Cette dernière orchestre l'ensemble de la vie religieuse de la Verrerie.

Notes
584.

La deuxième chapelle date de 1854. Après la construction de l'église, elle sera affectée aux sociétés musicales dès 1901. La première chapelle a servi de dortoir aux gamins.

585.

Conseil d'administration du 11 janvier 1877 ; 37 J 18, A.D.M.

586.

Le conseil d'administration possède un appartement à l'usine. Ses membres y logent lors des sessions de travail.

587.

La population de la Verrerie, écart de Portieux, s'élève à 1 400 habitants environ en 1900.

588.

Les patrons montrent de tout temps un souci pour les intérêts religieux de la Verrerie. Ainsi, le vicaire de Portieux n'ayant pas été remplacé en 1869, les frères Mougin demandent à l'évêque de Saint-Dié l'autorisation d'avoir un aumônier pour la desserte de la chapelle de la Verrerie. L'abbé Mauclair accepte les fonctions. Ce dernier, malade, se retire dans sa famille. Le curé de Portieux ne peut alors supporter à lui seul toute la charge exigée par son ministère. Les frères Mougin interviennent, une nouvelle fois, auprès de l'évêque de Saint-Dié, soutenus dans leur projet par le curé de Portieux et le conseil municipal ; délibération du conseil municipal de Portieux de novembre 1869.

589.

Conseil d'administration du 15 mars 1881 ; 37 J 20, A.D.M.

590.

Le conseil d'administration annonce, dans sa réunion de septembre 1909, la mort de Paul Olivari et décide de verser 400 francs à sa veuve pour services rendus.

591.

Tous les détails sont fournis par le journal de l'entreprise ; 53 J 25 et 26, A.D.M.

592.

Conseil d'administration du 29 mai 1910 ; 37 J 24, A.D.M.

593.

Dans les frais généraux de l'usine, on relève en 1881 des sommes versées à la Veuve Guyon pour le balayage de la chapelle et la nourriture du vicaire. En 1893, la Veuve Pié balaie la chapelle et la Veuve Laroche nourrit le vicaire. En 1912, c'est Méline Sohn qui assure l'entretien de l'église. L'usine rémunère également curés et vicaires, en 1884, les abbés Pierrefitte et Mathias. Le déménagement de l'abbé Pierrefitte est pris en charge en 1885. Le pain et le vin nécessaires à l'office, le salaire annuel du chantre Emile Bégard 110 francs en 1900, apparaissent dans les frais généraux.