4.3 - Les écoles

La prise en charge des écoles par l'usine pose deux questions de fond à savoir, d'une part leur statut, public ou privé, et d'autre part l'aménagement des locaux au fur et à mesure de l'augmentation de la population scolaire.

Depuis la loi Guizot de 1833, le hameau de la Verrerie de Portieux possède une école privée mixte, entretenue par le propriétaire de l'usine. La commune ne participe pas au versement du traitement de l'instituteur 600 .

X. Mougin demande en 1877 l'érection de l'école de la Verrerie en école publique de hameau, s'engageant à garantir au directeur de cette école un traitement de 800 francs et à verser à cet effet, par avance et par trimestre, 200 francs dans la caisse communale 601 . Dépendants de l'usine, les instituteurs doivent également surveiller de façon permanente le dortoir des gamins. C'est le cas de Gavillon, adjoint de l'instituteur Faltot, qui couche dans une petite chambre avec jour sur le dortoir 602 .

En mai 1882 une demande allant dans le même sens concerne l'école de filles et la salle d'asile, l'usine mettant à la disposition de la commune son bâtiment scolaire ainsi que le mobilier, à la condition qu'ils restent sa propriété 603 .

A la suite d'un différend entre l'usine et l'inspection d'académie, en 1891 les écoles de filles redeviennent privées pour rester congréganistes. L'administration souhaite remplacer la directrice soeur Germaine Fleurance qui doit prendre sa retraite par une institutrice laïque. Or, l'école a été mise à la disposition de la commune à titre purement gracieux, l'usine se réservant de reprendre les locaux à son gré suivant les circonstances. Le conseil d'administration n'étant pas d'avis d'avoir une institutrice laïque décide de maintenir les trois soeurs institutrices à la tête des écoles de filles, classes enfantines et élémentaires, tout en acceptant gratuitement tous les enfants de la Verrerie de Portieux 604 . Après cette reprise de l'école de filles par la société en 1892, le conseil de l'instruction publique décide la transformation des écoles de garçons, l'une devenant école de filles.

Le conseil d'administration qui trouve "inadmissible" que la Verrerie possède trois écoles de filles refuse le changement de résidence des instituteurs publics Lhuillier et Lecoanet. Ces derniers donnent leur démission à l'administration. Le conseil d'administration souhaite revenir au statut d'école privée et décide que les deux instituteurs appartiennent à la société et qu'ils seront par conséquent payés par elle 605 .

En 1902, les soeurs de l'école de la Verrerie reçoivent l'ordre de partir et X. Mougin intervient auprès de la préfecture. Il obtient le maintien de la soeur à l'école enfantine et espère celui des autres qui viennent de se mettre en règle 606 . Les écoles de filles sont réorganisées. Soeur Rose qui quitte son habit de religieuse fait le catéchisme et les écoles sont tenues par trois soeurs, filles du facteur, qui étaient novices au couvent de Portieux et qui se retirent de la communauté.

A. Richard renonce en 1910 à faire transformer l'école privée en école communale devant l'obligation que lui impose la préfecture de lui louer les locaux pour une durée de trente ans 607 . Le directeur recrute lui-même le personnel enseignant placé sous sa seule autorité. Il n'exerce pas le contrôle pédagogique qui dépend de l'inspecteur.

En 1910, A. Richard engage Marie Chabot en remplacement de Melle Richy démissionnaire. Melle Chabot, de Villers-sur-Prény, Meurthe-et-Moselle, habite à Metz. L'usine lui offre un logement avec chauffage et un salaire de 1.200 francs arrondi d'une petite gratification en fin d'année commerciale en fonction de l'ancienneté et des capacités. La nouvelle directrice qui possède le brevet et le certificat d'aptitude pédagogique entre en fonction le 2 janvier 1911 après avoir sollicité sa réintégration sous la qualité de française 608 . En 1910-1911 aux côtés de Melle Chabot se trouvent Marie Mayer entrée en 1906 et Marguerite Ragué entrée en 1910. Prenons des exemples pour montrer l'état de dépendance dans lequel se trouvent les instituteurs. "La conduite publique d'une institutrice" laisse à désirer, son salaire en subit les conséquences ; un instituteur refuse-t-il de laisser la porte de sa classe ouverte en dehors des heures pour le catéchisme, il reçoit une remontrance du directeur de l'usine. En cas de refus d'obtempérer, des sanctions risquent d'être prononcées 609 . P. Monne, adjoint, réclame en 1911 une allocation mensuelle que touchent alors ses deux collègues Lhuillier et Régent. A. Richard lui rappelle que cette allocation avait été créée en faveur des instituteurs parce qu'ils faisaient, avant ou après leur travail, la classe aux gamins de la halle. Ce cours a été abandonné mais l'allocation est maintenue à Lhuillier à cause de son ancienneté à la Verrerie et à Régent parce qu'il est le fils de l'un des ouvriers. Le directeur consent une allocation de 15 francs par mois tout en rappelant P.Monne à l'ordre : "lorsque j'étais jeune ingénieur, il ne me serait jamais venu  à l'idée de prétendre aux mêmes prérogatives que celles d'ingénieurs ayant quinze ou vingt ans de plus que moi dans la carrière. Je sais bien que la modestie n'est plus la caractéristique de nos jeunes instituteurs et je suis de ceux qui le regrettent" 610 .

L'instituteur doit contribuer à la promotion du personnel de l'usine. Ainsi, dans les années 1907, des cours d'adultes sont faits gratuitement deux fois par semaine aux ouvriers qui désirent recevoir un complément de formation. Ces cours perdurent après la guerre. Ils ont lieu pour les jeunes gens le mardi et le vendredi, de 19 h 15 à 21 h 15, pour les jeunes filles, le samedi de 16 h 15 à 18 h 15.

Des séances cinématographiques agrémentent les réunions 611 . A la cession du 23 février 1928 du certificat d'études d'adultes, deux apprentis verriers sont reçus avec mention bien, il s'agit de Maurice Kribs et Pierre Mangeonjean 612 .

Alors que les locaux dépendent de l'usine, le personnel enseignant est pris en charge par l'Etat en 1924.

Dès la fusion avec Vallérysthal, considérant que la verrerie est éloignée des villages, le conseil d'administration décide la construction de trois corps de bâtiments et d'un quatrième destiné à cinquante gamins étrangers à la localité. Cette dernière construction a également pour fonction d'accueillir les salles d'école et des logements pour instituteurs et employés 613 . En 1879 le nombre de gamins et le nombre d'écoliers augmentant, la société procède à une réorganisation d'ensemble. Le pensionnat s'étend en occupant les salles d'école des grandes filles et des garçons situées à l'extrême-est du bâtiment. Les locaux étaient restés libres suite à la construction d'une nouvelle école 614 . Les écoliers au nombre de 350 obligent à nouveau le conseil d'administration à voter un crédit de 8 à 9.000 francs pour l'agrandissement de l'école de filles, celui de l'école de garçons étant prévu pour 1908. Divers autres aménagements suivent l'augmentation de la population scolaire. En 1911, à la demande de l'inspecteur, la classe enfantine comportant 80 élèves est dédoublée. A. Richard confie le poste à Mme Mermans, femme d'employé, qui a déjà exercé les fonctions 615 .

Au cours de l'intense période de développement qui bute sur l'année 1914, le conseil d'administration manifeste sa volonté de maintenir son statut privé à l'école et en particulier à l'école de filles afin de donner à ces dernières une éducation de bonnes mères et de bonnes épouses. Les instituteurs oeuvrent dans un climat de forte dépendance face à l'usine. Les restructurations des bâtiments scolaires liées à celles du pensionnat vont bon train dans cette période.

Le développement fort et continu de la population fait de l'écart de la Verrerie un village a part entière avec ses infrastructures. Ces dernières sont cependant propriétés de l'usine ce qui ajoute au caractère de dépendance des verriers.

Notes
600.

Délibération d'août 1867 ; A.C.P.

601.

Délibération du 12 mai 1877 ; A.C.P.

602.

Conseil d'administration du 21 février 1880 ; 37 J 19, A.D.M.

603.

Délibération de mai 1882 ; A.C.P.

604.

Délibération du 6 octobre 1891 ; A.C.P.

605.

Conseil d'administration du 23 mars 1892 ; 37 J 22, A.D.M.

606.

Conseil d'administration de juin 1902 ; 37 J 23, A.D.M.

607.

Conseil d'administration de mai 1910 ; 37 J 24, A.D.M.

608.

Lettre de A. Richard ; 53 J 714, A.D.V. Marie Chabot renonce en 1918, sous la pression du directeur, à son projet de devenir infirmière. Le poste de directrice ne peut rester vacant. L'institutrice prend sa retraite en 1924.

609.

Les exemples sont extraits des lettres du directeur de 1911 et 1912 ; 53 J 714, A.D.V.

610.

Lettre du 21 octobre 1911 ; 53 J 714, A.D.V.

611.

Annonce du journal l'Avenir Républicain du 17 novembre 1929 ; B.M. Epinal.

612.

Lauréats au certificat : Est Républicain du 25 février 1928.

613.

Assemblée générale du 14 septembre 1872 ; 37 J 32, A.D.M. et 53 J 113, A.D.V.

614.

Les écoles sont achevées en 1880 ; 53 J 119, A.D.V. En 1876, les filles au nombre de 70 vont en classe par demi-journée : 35 le matin, 35 l'après-midi, faute de place.

615.

Conseil d'administration du 29 juillet 1911 ; 37 J 25, A.D.M.