9 - La vente des écoles 647

Dans un courrier du 7 août 1951, l'Inspecteur d'académie expose au maire de Portieux, Arsène Renard, qu'une quatrième classe va s'ouvrir à l'école de garçons et que Jeanmichel de Repel est nommé à ce poste.

La question des locaux se pose alors pour accueillir les élèves. Le conseil municipal délègue pouvoir à son maire pour entrer en pourparlers avec la société des verreries afin d'envisager la cession à la commune de Portieux de locaux scolaires, de logements pour le personnel enseignant et d'une partie de l'ex. pension des apprentis abritant les écoles enfantines. A cette date, la Verrerie compte quelque 350 enfants scolarisables. Le maire demande à E. Dupont, président du conseil d'administration, sa position quant à la remise en état des locaux destinés à cette création de classe. Dans sa réponse, le président tient à mettre au point avec la commune de Portieux la question de la fourniture et de l'entretien des locaux scolaires de la section de la Verrerie, assumés par la société en vertu d'usages anciens. Selon le président, ces avantages ne se justifient plus étant donné les charges très lourdes qui incombent à l'usine tant du point de vue fiscal que de celui de l'entretien des nombreuses cités. Il rappelle en outre que l'entretien des écoles primaires représente une des principales obligations pour les budgets communaux. C'est en 1924 et pour une durée de 30 ans que la société a accepté de prendre à sa charge les trois classes de l'école de filles seulement, le logement des institutrices, les frais d'entretien des bâtiments scolaires, le chauffage et l'éclairage des salles de classe et la fourniture du mobilier scolaire. L'engagement, précise E. Dupont, sera tenu jusqu'en 1954. En dehors de ces trois classes de l'école de filles existent trois classes de garçons et deux classes enfantines dont les charges ont été assumées bénévolement par la société. Etant donné qu'aucun engagement formel à échéance précise n'a été contracté par l'usine envers la municipalité, ces charges sont prises en compte à titre précaire et révocable. Le ton employé par E. Dupont se fait ferme lorsqu'il avance "qu'il semble anormal que la section de la Verrerie qui comprend une part très importante des habitants de Portieux, contribue seulement aux recettes du budget de la commune et ne participe pas dans une même proportion aux dépenses". Le président ajoute "qu'il semble encore plus anormal que la société des verreries réunies de Vallérysthal et Portieux, qui est de beaucoup le contribuable le plus imposé de la commune, supporte en outre des dépenses scolaires qui devraient normalement être couvertes par le budget communal". Le président décide par conséquent "de revenir sur les errements antérieurs" en ne participant plus, à partir du 1er janvier 1952, à l'entretien des deux classes enfantines et des classes de garçons de la section de la Verrerie mais elle laisse à disposition de la commune les locaux scolaires, leur matériel et les logements d'instituteurs. Pour ce qui concerne l'objet premier de la demande, la création de la quatrième classe de garçons, la société accepte de mettre à disposition de la commune, gracieusement jusqu'au 1er janvier 1952, le local nécessaire mais elle se refuse à participer aux frais d'aménagements, d'entretien, de chauffage du local, de mobilier scolaire 648 .

De nombreuses tensions entre la société et la municipalité naissent de cette question de locaux scolaires. Les arrangements à l'amiable concernant la répartition des dépenses de chauffage soulèvent des contestations de la part du maire. Ce dernier signale que la salle de classe enfantine sert journellement de 11 à 12 heures et de 16 à 17 heures de garderie des enfants dont les mères travaillent à l'usine et les reprennent à la sortie des ateliers. La salle est également utilisée le jeudi et pendant toutes les vacances scolaires 649 . Autre point d'opposition : au moment de la prise en charge des locaux scolaires, un accord avait stipulé que les loyers des logements des instituteurs ne seraient pas comptés à la commune pour 1952 à condition que celle-ci prenne en charge le chauffage des trois classes de filles soumises à l'obligation de la société jusqu'en 1954 ; or, les dépenses de chauffage pour l'année 1952 se sont révélées très importantes en raison de la vétusté des calorifères et de la nécessaire installation d'appareils de suppléance. Il est donc, pour le maire, impossible de mettre en parallèle le loyer des logements et le chauffage de ces trois classes. A cet effet, un relevé comparatif est envoyé à Helle, administrateur de la société. Devant tant de difficultés, la municipalité se décide au cours de l'année 1952 à faire l'acquisition des bâtiments des écoles et de l'ex. pension de façon à ne plus dépendre de l'usine. Le problème des bâtiments se serait de toute manière reposé en 1954, date butoir de la mise à disposition des classes des écoles de filles. En avril 1952, dans un courrier adressé à Helle, le maire souhaite que l'on fasse diligence pour l'achat des écoles et des bâtiments de l'ex. pension. Le bâtiment des écoles construit en 1885 est dans un état convenable mais de nombreux planchers sont à remplacer et l'aménagement complet du chauffage est à prévoir ; quant au bâtiment de l'ex. pension construit en 1906, dont la superficie bâtie est de 680 m², outre les aménagements pour sept logements d'instituteurs, il faut réparer le chauffage dans sa totalité et une bonne partie de la toiture. Le maire exige que la cession de ces bâtiments se fasse sur des bases réduites, rappelant par ailleurs sur un ton peu amène "les difficultés sans nombre rencontrées par les conseillers municipaux de la Verrerie, pour mettre au point et obtenir l'adduction d'eau à la section".

L'acquisition des bâtiments est décidée en séance du conseil du 12 juin 1953 sur l'avis favorable de l'administration des Domaines pour une somme de 13 millions. Le préfet des Vosges par un arrêté en date du 28 mai 1954 déclare d'utilité publique l'acquisition amiable pour la commune de Portieux des immeubles destinés à usage scolaire. Le conseil d'administration se réunit le 14 décembre 1954 au siège de la société, rue Martel à Paris, sous la présidence d'Edmond Dupont, en présence des administrateurs, des directeurs Moulin et Schweitzer ainsi que du délégué du personnel de Portieux Mermans. Il donne tous pouvoirs à Maurice Helle, vice-président, pour vendre les bâtiments. La vente intervient le 24 mai 1955, dans les bureaux de l'usine, Me Lamielle notaire à Charmes en assurant l'exécution. La propriété sise à la Verrerie de Portieux, territoire de Portieux et Moriville, consiste en bâtiments, cours et jardins comprenant :

Suit l'énumération des terrains vendus en nature de jardins (fig. 53).

Cet héritage s'avère bien difficile à assumer pour la municipalité. Le directeur de l'école, Cussenot, qui devient maire quelques années plus tard, écrit à la municipalité en 1955 pour se plaindre des logements d'instituteurs. Jusqu'en 1953, les enseignants logés par l'usine ne peuvent réclamer l'application de mesures légales. La prise en charge des installations des instituteurs par la commune de Portieux lui crée donc de nouvelles obligations. Le directeur rappelle au maire que ses adjoints logent dans des appartements ne correspondant pas aux normes en vigueur quant aux dimensions. Il précise que les W.C. "sont de simples cuvettes mobiles installées dans le jardin de l'autre côté de la rue", qu'un instituteur vit dans des pièces étroites avec cinq enfants, qu'un autre père d'un enfant en bas âge est logé dans une cuisine et un pièce à feu. Les instituteurs adjoints habitent dans les cités n° 15, 25, 26 et 30. Longtemps personnels de l'usine hébergés par l'usine, ils sont et demeurent dans les mêmes conditions de précarité. En 1957, ce problème n'est toujours pas réglé. "L'immeuble de l'ex. pension est dans un tel état que la commune doit procéder à d'importants travaux pour l'aménager" écrit le maire à l'inspecteur primaire qui effectue une enquête au sujet des appartements de fonction. L'ex. pension ne sera jamais transformée. Devant tant de difficulté, la municipalité se décide à détruire le bâtiment pour édifier, en 1960, une école maternelle à deux classes et des logements de fonction.

En votant la construction de l'école maternelle, sous la direction d'un maire totalement indépendant de l'usine, c'est la première fois que la municipalité de Portieux s'engage de manière volontaire envers la section de la Verrerie. La prise en mains de la destinée de cet écart crée de lourdes obligations pour le budget de la commune. Il y a là comme une rupture qui s'effectue dans un climat relationnel passablement détérioré. Le problème de l'adduction d'eau à la Verrerie marque, dans le même temps, un même type de conflit qui engendre tensions et rancoeurs.

Notes
647.

Dossier école ; A.C.P.

648.

Lettre du 27 août 1951 du président Edmond Dupont à Arsène Renard, maire ; A.C.P.

649.

Lettre du 7 février 1952 du maire à l'administrateur Helle.