L'établissement de Portieux est appelé à connaître de grands développements mais ceux qui ont oeuvré au rachat de cette usine savent très bien que plusieurs exercices seront nécessaires avant que les résultats soient rémunérateurs. L'exercice clos au 30 juin 1872, malgré les frais généraux qui ont surchargé l'usine, dégage une léger bénéfice de 83 francs 77 centimes après avoir fait subir, comme de coutume, un rabais de 7.327 francs 50 centimes au titre des constructions démolies et les rabais statutaires, de 12.860 francs sur les immeubles par nature et les immeubles par destination. Le nombre d'actions de la société est de 2200 et chaque actionnaire touche 45 francs par action pour l'exercice en question. Pour ce qui concerne l'exercice arrêté au 30 juin 1873, la délibération de l'assemblée générale des actionnaires signale qu'il n'est pas possible de donner les résultats exacts de l'inventaire ; en effet, certains ateliers ont disparu, d'autres ont changé de destination. "Les anciens procédés, les anciens produits doivent être remplacés par les belles fabrications de Vallérysthal, dans de magnifiques ateliers, installés avec les plus grands perfectionnements possibles, pour réunir en même temps les meilleures conditions de travail et d'économie de tous les instants et sur tous les points. Une telle transformation ne donne des résultats que quand elle est arrivée à une production régulière." Portieux présente un bilan négatif de 4.651 francs 56 centimes que l'on retranche du bénéfice important dégagé par Vallérysthal. Chaque actionnaire reçoit 75 francs par action. Le conseil d'administration se montre particulièrement fier de l'usine de Vallérysthal : "(...) notre bel établissement a poursuivi sa prospérité ascendante". La nouvelle législation douanière française frappe d'un droit d'entrée de 10 % ad valorem les marchandises d'usines comme Vallérysthal. Cependant, les produits sont admis en franchise jusqu'au 1er janvier 1872 et ne subissent qu'un quart du droit du 1er janvier au 1er juillet 1873. Cette adaptation permet à Vallérysthal de conserver jusqu'à cette date la clientèle française qui accepte la hausse destinée à prendre en charge une partie des droits d'entrée. Le 1er janvier 1873, le droit d'entrée de 10 % ad valorem se trouve appliqué. Vallérysthal qui a fait cesser les tournées en Allemagne reprend ce marché. A cette date, Portieux ne se trouve pas prêt à prendre en France le relais de Vallérysthal tandis que d'octobre 1873 à octobre 1874, Vallérysthal vit avec sérénité grâce à sa pénétration du marché allemand. A Portieux, fait remarquer le conseil d'administration dans son rapport pour l'exercice 1874, "le travail de la population ouvrière est en progrès ; quelques ouvriers sont déjà fort habiles, mais la masse pour laquelle nos formes et nos méthodes sont nouvelles aura encore à apprendre (...)". L'usine améliore ses performances au cours de l'année 1874-1875 malgré les affaires rendues extrêmement difficiles par l'état du commerce français, un état de "stagnation" et de "torpeur". Le redressement de Portieux se confirme en 1876, le conseil d'administration considère en juillet qu'il n'est pas inutile de comparer la situation de cette usine à ce qu'elle était seulement trois années auparavant et il attend des résultats très positifs dans un avenir prochain.
Voici le détail de la fabrication et des ventes de Portieux pour les années 1872-1876 :
1872/1873 1873/1874 1874/1875 1875/1876 |
Portieux a fabriqué 329 620,08 443 077,96 548 460,73 726 006,76 |
Portieux a vendu 431 748,65 438 819,10 657 821,70 860 309,05 |
Les chiffres de la fabrication sont sensiblement inférieurs à ceux des ventes ; ceci s'explique en partie par le fait que pour l'exercice 1871/1872, Portieux a reçu de Vallérysthal des marchandises pour un chiffre net de 103204,30 francs. "La production de Portieux va constamment en augmentant et la vente suit la même marche". Malgré la mise en service des deux fours, la production ne fait plus face à la demande. Ces chiffres démontrent que Portieux a fait sa place sur le marché français et que ses produits commencent a être considérés positivement. Cette marche en avant n'est envisagée par le conseil d'administration que comme une étape sur la voie d'une nécessité supérieure : "Portieux ne tardera pas à être prospère." En octobre 1877, le président G. Chevandier se montre enthousiaste devant les actionnaires réunis en assemblée générale : "votre établissement de Portieux marche sur les traces de Vallérysthal" et l'expression doit faire fortune puisqu'il la répète en présentant le bilan de 1877/1878 : "votre établissement de Portieux a marché à grands pas sur les traces du vieux Vallérysthal (...) et nous avons tout lieu d'espérer que prochainement une haute récompense viendra donner à nos paroles une éclatante consécration. (...) Votre établissement de Portieux est définitivement entré dans l'ère rémunératrice". Cet optimisme se trouve tempéré par la présentation de la situation générale des marchés où règne depuis deux années la stagnation. Les stocks augmentent dans le magasin de Portieux, ce qui semble une mauvaise gestion au conseil d'administration. Il faut consentir à de nouvelles baisses car le marché italien qui permettrait d'écouler les produits se trouve entravé par le non-renouvellement du traité de commerce avec l'Italie ce qui rend, temporairement, les affaires plus difficiles. Pour diminuer le stock, on envisage d'arrêter le four n° 1 ; l'arrêt intervient le 14 septembre ce qui produit un chômage de 12 pots sur 24. X. Mougin souhaite rallumer le four rapidement parce que, explique-t-il au conseil d'administration, la moitié de la population verrière est installée de fraîche date à Portieux et par conséquent "elle ne peut pas s'appuyer sur des économies antérieures". La reprise s'effectue le 2 novembre ; l'interruption a été de courte durée. L'éclatante consécration vient en 1878. X. Mougin a pris toutes les dispositions nécessaires pour que Portieux soit convenablement représentée à l'exposition universelle de cette année. A cet égard, le conseil d'administration signale les soins tout particuliers apportés à la préparation de l'exposition dont "la brillante exécution fait le grand honneur à Messieurs les directeur et sous-directeur". A propos de la préparation soignée de l'exposition universelle, G. Chevandier écrit à A. Thouvenin "(...) Les détails que vous me donnez sur l'exposition de Portieux m'ont fait grand plaisir. J'ai toujours rêvé pour notre bel établissement un grand avenir industriel et rémunérateur. J'aurai une vraie satisfaction à le voir répondre à nos espérances". Un peu plus tard il écrit encore à son directeur général, rassuré et ravi : "‘j'ai eu des nouvelles de l'exposition de Portieux par le Docteur Lorain qui arrive de Paris. Il l'a trouvée réellement belle et surtout qu'il a pu en juger, supérieure aux autres expositions similaires"’. Le président exprime toute sa satisfaction vis-à-vis du personnel : "c'est qu'il faut des années pour constituer un bon personnel et la supériorité du personnel est l'un des éléments les plus importants pour amener et maintenir la supériorité de l'usine". Portieux obtient une médaille d'or de 1ère classe. X. Mougin déclare fièrement en 1881 : "c'est la 1ère médaille d'or donnée à notre genre de fabrication dans les expositions universelles de 1855-1867-1878, tout au moins à la production de la gobeleterie française" 709 .
Un trophée éternise cette belle réussite (fig. 54). A l'intérieur d'un cadre en bois, de forme ronde, une allégorie représente les deux paysages industriels que sépare un fleuve symbolisant la frontière. Marque d'union et de progrès une Victoire, portant un ruban au nom de Vallérysthal et sur lequel se trouvent attachées des médailles d'or, se dirige vers Portieux figurée par une République coiffée d'un bonnet phrygien et tenant dans la main droite une sorte de bouclier sur lequel nous lisons "Portieux 1878". Dans la partie supérieure, un cartouche indique le nom du directeur général A. Thouvenin ; à l'opposé un autre de même forme nomme le directeur X. Mougin et le sous-directeur J. Richard. A droite nous lisons les noms des verriers qui ont exécuté les articles exposés à Paris : G. Viriot, E. Darmoise, X. Houel, J. Poncelet, G. Longfils, A. Gérard, E. Mayosson, C. Blascheck, L. Fischer, L. Paris, J. Hilt, E. Viriot et celui des sculpteurs, des peintres et graveurs : A. Munier, E. Mariotte, G. Conrard, Chevallier, F. Bournique, A. Walter ; à gauche sont mentionnés les tailleurs et en premier lieu le contremaître J.B. Richy puis Ch. Houssement, J.P. Léger, A. Wurtz, A. Fournier, J.B. Welsch, S. Walck, L. Pagel, S. Vaudeville, N. Vaudeville, D. Gérardin, G. Veckerley, A. Stenger, A. Staffler, J.B. Marx, J. Bailly; enfin nous lisons les noms des boucheurs : F. Faussel, L. Welsch, N. Hachard et des ciseleurs : C. Lespadin, H. Paquet. Etant donné que les autres usines ont offert une fête à leurs ouvriers en guise de récompense, le conseil d'administration accepte, sur la proposition de X. Mougin, de faire danser les verriers le lundi gras et de les laisser au repos le mardi gras, la reprise du travail s'effectuant le mercredi. Le président exprime à X. Mougin son désir personnel, dès sa première visite à Portieux, d'opérer "un petit choix" pour sa collection dans les objets qui resteront de l'exposition. En 1880, Portieux est en "augmentation considérable", il ne faut pas en conclure se justifie le conseil d'administration "que notre vieil établissement a vu baisser la qualité de sa production". Il englobe les deux établissements dans les mêmes éloges. La production de Portieux croît de 48 364,67 francs. Après la phase de lancement, l'usine de la Verrerie de Portieux a atteint un niveau conséquent de développement, malgré une conjoncture commerciale défavorable. La reprise des affaires va permettre à cette usine de vivre sa belle époque.
Le développement commercial de cette période prend corps dans 37 J 18 et 19 et 37 J 32 et 33, A.D.M.
Déclaration de X. Mougin, A.C.E. 3 F, bulletin pour l'exposition de 1881.