Associé à Van Iderstine et implanté 37 Warren Street à New-York, il est déjà l'agent de la faïencerie de Choisy-le-Roi à laquelle s'ajoutent désormais la faïencerie Keller et Guérin de Lunéville, celle de Alfred Hache de Vierzon et la verrerie de Portieux. La verrerie de Vallérysthal, quant à elle, vend aux Etats-Unis par le biais d'une maison allemande Fensterer et Ruhe. Le 10 décembre 1900, Fondeville descend à l'hôtel Continental, 3 rue de Castiglione à Paris. C'est là que le directeur lui écrit qu'Hache a intimé l'ordre à Géricot de remettre au nouveau représentant albums et tarifs. Quant aux échantillons, ils se trouvent en souffrance depuis un mois dans le port d'Anvers, et Portieux s'efforce de les récupérer afin de faire parvenir une collection complète à New-York où le nouveau représentant installe son cabinet destiné à présenter la diversité de la production de l'usine vosgienne. Dans les premiers jours de l'année 1901, quatre tonneaux de verrerie partent par l'intermédiaire de MM. Van der Beck et Marsilly d'Anvers qui sont chargés de la mise à bord du bateau et de la réexpédition vers les Etats-Unis. Afin de compléter la collection d'échantillons, on prévoit un nouvel envoi de trois ou quatre tonneaux. Tous ces articles sont gracieusement mis à la disposition de Fondeville. Néanmoins, la légalisation de la facture par le maire de Portieux et ingénieur de l'usine prévoit le cas où la douane américaine n'autoriserait pas l'entrée en franchise de droit et voudrait se rendre compte de la valeur de l'envoi. Dans les premiers temps, Fondeville rencontre des difficultés pour identifier les clients car Géricot ne les désignait que par un numéro d'ordre. Le représentant diffuse la production de Portieux sur tout le territoire des Etats-Unis et au Canada ; entre août et octobre 1911, nous le trouvons au Canada, à Montréal, Saint-John, Vancouver, Toronto et aux Etats-Unis à New-York, Baltimore. Parce qu'il souhaite rencontrer le directeur de la verrerie avec lequel il sympathise et parce qu'il désire s'entretenir avec les chefs des divers ateliers, Fondeville voyage une à deux fois par an à Portieux. Dans les débuts de ses relations avec la verrerie, il se rend à deux reprises dans les Vosges en mai et novembre 1901. On le trouve également en France en mai et en novembre 1911. Lors de cette dernière visite, il rencontre le chef d'atelier de la gravure chimique pour régler un problème technique lié à l'impression d'un écusson. Pendant que Van Iderstine reste à demeure à New-York, Fondeville traite les affaires directement avec ses interlocuteurs. Il conjugue travail et plaisir du voyage. Ainsi écrit-il le 20 mai 1911 au directeur de la verrerie : "je suis enfin en route et sur le plus rapide vapeur du monde [le Lusitania] sa vitesse est entre 25 et 28 noeuds marins à l'heure et il brûle treize cents tonnes de charbon tout les 24 heures. avec beau temps nous serons à New-York jeudi prochain et nous faisons escale à Quenstown en Irlande ce qui lui fait perdre presque une demi-journée. Ce navire est magnifique. nous sommes 400 passagers de première et ce n'est pas plein il y a encore beaucoup de place. c'est épatant. mais c'est pas mon "Philadelphie" avec mon capitaine "Mells". ici je suis perdu. tandis que sur le Philadelphie je suis chez moi. ce qui fait beaucoup de différence et quoique je vais gagner presque deux jours le temps sera plus long mais la compagnie n'a pas voulu envoyer mon capitaine cette semaine (...)".a verrerie expédie généralement ses marchandises par tonneaux ou par caisses. Les colis subissent de mauvais traitements durant les manipulations occasionnant de nombreuses casses. Fondeville se plaint à plusieurs reprises des pertes ainsi enregistrées. La verrerie décide donc d'utiliser désormais des emballages spéciaux selon tel ou tel type d'articles et d'appliquer sur toutes les caisses : GLASS HANDLE WITH CARE. Ces précautions étant prises, le directeur manifeste sa surprise lorsqu'en 1902 le représentant se plaint de casses excessives et quoiqu'en général l'usine ne répond pas de ce genre d'accidents, il est octroyé une réduction.
Les principaux clients de Fondeville sont les hôtels, tant aux Etats-Unis qu'au Canada où ils s'en édifient un grand nombre en liaison avec le développement des réseaux ferrés (fig. 62). A propos de la remise du croquis d'un écusson pour l'hôtel Fort Garry qui se bâtit dans le Nord-Ouest du Canada, Fondeville se montre anxieux de recevoir cet ordre. Il souhaite que ce dernier soit de même qualité que celui du Château Laurier "car ils construisent un nombre de nouveaux hôtels dans leurs grandes villes en relation avec le Grand Trunk Railroad System et nous serions charmés d'obtenir tous les ordres". Certaines commandes du représentant dépassent 20.000 pièces : carafes, gobelets coniques, chopes, verres ballons, verres à whisky... Dès ses débuts en 1901, Portieux lui fait parvenir 25 douzaines de carafes n° 3052 et 1800 verres algériens n° 5 vert pomme pied bleu. En mai 1901, 60 caisses partent par Anvers. Il place de nombreux verres ballons très prisés aux Etats-Unis. L'usine qui n'en a pas la vente se montre bien intéressée. Elle propose à Fondeville de placer 930 verres ballons en mai 1902. Elle le sollicite aussi pour 600 verres cocktail n° 4072 écoulant un stock resté en magasins. Les commandes sont si importantes en articles taillés et en articles décorés à la gravure chimique que le directeur X. Mougin le prie de bien vouloir patienter en lui suggérant de pousser plutôt à la vente d'articles moulés ou unis. Les tailleries sont insuffisantes, écrit le directeur qui ajoute que les ateliers de gravure sont surmenés et que les constructions en cours permettront de donner satisfaction dans quelques mois. En réalité les problèmes dûs au retard de livraisons perdurent jusqu'en 1914 entraînant une litanie de plaintes de la part de Fondeville. "Je suis forcé de vous présenter des plaintes à cause des retards de nos ordres. je ne sais pas si vous remarquez que les ordres pour Albert Rieck et Co ont beaucoup diminué (...). la cause est parce que les livraisons sont trop longues. vous avez des ordres pour eux datant de mars et avril 1913. un client que nous considérons même plus important que Albert Rieck et Co est Dorhman Commercial Co de San Francisco (...). leurs ordres sont aussi importants que Rieck et ils sont très raisonnables payant même avant d'avoir reçu la marchandise. les articles qu'ils nous achètent sont ceux où nous faisons le plus de bénéfices. leurs acheteurs sont à New-York en ce moment et m'ont dit carrément que si leurs livraisons étaient pas meilleures ils seraient forcés de nous lâcher pour une grande partie de leurs services d'hôtels. je ne puis pas vous réciter toutes les plaintes par tous les clients mais nous sommes sûrement en grand danger (...)" 804 . En réponse, le directeur lui explique qu'il apporte le plus grand soin à ses articles. Il ne les donne pas à tailler à n'importe quels tailleurs. Il fait accélérer la fabrication pour la maison Dorhman afin de ne pas mécontenter cet important client 805 . Les produits livrés laissent parfois à désirer et le représentant intervient auprès du directeur qui n'accepte pas aisément les critiques pourtant justifiées. Fondeville se trouve dans l'obligation de prouver ses affirmations en renvoyant des caisses de pièces défectueuses. X. Mougin qui reçoit des caisses en juillet 1901 reconnaît que les échantillons ne sont pas réellement d'une fabrication bien soignée mais il met en doute le fait que toutes les carafes livrées pourraient être de ce type. Il donne néanmoins de sérieuses instructions pour que ce problème ne se reproduise plus. Pourtant, un mois plus tard, le client Golsticker réclame pour quatre douzaines de verres sur 425 livrés et Mougin réaffirme que des soins absolument minutieux sont apportés à toute fabrication et au choix des articles livrés. Il pense qu'il a affaire à un client trop méticuleux ! Lorsqu'il reçoit des exemplaires de marchandises défectueuses, X. Mougin reconnaît que la réclamation est fondée et qu'il y a lieu d'y faire droit. Pour se justifier il invoque, non pas une erreur de fabrication, mais un mélange de marchandises à la sortie des ateliers de la verrerie. L'année 1901 se termine sur un autre problème : l'usine envoie cinq caisses de verres coupés à la mauvaise contenance 27 ou 28 centilitres au lieu de 30. Le directeur suggère au représentant de les placer avec un rabais. Les problèmes liés à la livraison de marchandises défectueuses apparaissent régulièrement dans le courrier de Fondeville. En octobre 1913, répondant à une lettre de mise en cause écrite par le directeur, il explique que la preuve a été rapportée de la mauvaise qualité des marchandises. Il refuse désormais d'en assumer la perte et se donne le droit d'affirmer que quelquefois "les articles sont très mal faits" à preuve ces quelques pièces, voire quelques caisses qu'il possède à New-York et qu'il peut retourner à la verrerie.
Outre les problèmes de délais et de mauvaises qualités, Fondeville se plaint parfois des majorations. "c'est une vraie tuile, dit-il en août 1911, qui nous tombe sur la tête et je ne puis vous donner en ce moment une idée du désastre qu'elles vont nous causer. vous mettez une augmentation de 10 % sur la taille au bas de la facture (...) la douane va nous faire payer 10 % de majoration sur vos factures entières. et puis cette majoration sur les factures que vous m'envoyez n'est pas juste. (...) nous allons être obligé d'augmenter nos prix sur l'uni que nous vendions déjà sans profit." A cause de cette augmentation, Fondeville qui se rebelle craint de perdre une bonne partie de sa clientèle, allant jusqu'à menacer de rompre avec Portieux car il ne peut pas travailler seulement pour cette verrerie 806 . Sur le marché Nord américain, le représentant rencontre d'autres difficultés majeures liées à la concurrence de << l'usine soeur >> Vallérysthal et à celle du Val-Saint-Lambert ainsi qu'aux tracasseries quasi-permanentes que développent les douanes.
Bricka, directeur de la verrerie de Vallérysthal, pénètre le marché de l'Amérique du Nord par l'intermédiaire d'une maison de Berlin Fensterer et Ruhe, venant ainsi concurrencer Portieux qui a fortement investi sur le marché d'abord avec l'installation coûteuse et infructueuse de Géricot puis avec celle de Fondeville. A. Richard rappelle au conseil d'administration de la société qu'avec Fondeville les affaires ont prospéré à tel point que la douane engagea contre lui "un procès terrible pendant un an" duquel le représentant sortit indemne.
Une prise de position du conseil en faveur de Portieux ainsi qu'un changement de directeur à la tête de Vallérysthal règlent, en partie, ce phénomène de concurrence. Passer par une maison allemande pour Vallérysthal présente l'intérêt, vis-à-vis de la douane, de ne pas faire partir les marchandises de l'usine. Ce procédé paraît "louche" à Fondeville et "lui fait peur". Il demande donc à Portieux de se désolidariser de Vallérysthal en envoyant des factures à entête Portieux et non Portieux et Vallérysthal. Ainsi si deux factures arrivaient en même temps à la douane au Canada, l'une venant de Portieux et l'autre de Vallérysthal, une différence de prix sur le même article pourrait s'expliquer "une usine étant en France et celle de Bricka en Allemagne". La verrerie belge de Val-Saint-Lambert fait concurrence à Portieux sur le marché Nord américain. Fondeville lui enlève plusieurs grands ordres pour l'année 1909, ordres pour les hôtels avec monogramme. Il obtient une quantité d'ordres pour cocktail 3072 de maisons qui auparavant les achetaient au Val-Saint-Lambert. En guise de vengeance, le Val-Saint-Lambert se plaint auprès de la douane. Celle-ci fait remarquer à Fondeville que les articles avec écussons sont trop bon marché ainsi que les cocktails 3072. Le représentant raconte la visite que le douanier lui rend : "(...) nous avons causé toute l'après-midi. et après nous sommes sortis ensemble. après une bonne bouteille il m'a avoué qu'il avait reçu une plainte de quelqu'un. refusant de me donner le nom cette maison se plaignait spécialement de nos prix pour services d'hôtels avec monogrammes ou écussons. et de nos cocktails 3072 (...). je ne peux voir que votre ami du Val ou son agent à New-York (...) et c'est une sale manière de faire de la concurrence. quand ces messieurs pourront m'enlever un client et s'ils sont assez malins je leur dirai bravo et leur paierai une bouteille de champagne au lieu de me plaindre à la douane." 807
Lorsque Portieux, via Fondeville, proteste auprès de Marcel Fraipont, directeur général du Val-Saint-Lambert à propos de la concurrence déloyale faite en Amérique du Nord, ce dernier répond que pour ces marchés, Val-Saint-Lambert n'a jamais pris en considération le tarif de Portieux. Les prix ont toujours été établis d'après la concurrence locale ; de surcroît, l'usine belge, explique-t-il, a été obligée de se montrer conciliante dans l'établissement des prix d'articles plus ordinaires, ceci afin de préserver le marché du cristal 808 . Fondeville précise que l'usine belge qui fait pourtant partie du syndicat des Maîtres de verrerie enlève presque tous les clients, notamment pour les verres à eau et à bière. Val-Saint-Lambert vend la douzaine 82 cents alors que ceux de Portieux, rendus à New-York, coûtent 83/84 cents et vendus 86 cents emballage compris. Enfin Val-Saint-Lambert livre dans de petites caisses contenant 12 douzaines au lieu de 20 à 25 douzaines, ce qui normalement augmente encore le prix. Val-Saint-Lambert n'est pas en reste pour se plaindre de l'attitude de la verrerie de Portieux qui vend des gobelets en verre sonore en dessous du tarif imprimé de 1894 alors que, précisément, l'usine belge se réfère à ce tarif. Les clients demandent des réductions à Fraipont qui exige de la part de Portieux une grande fermeté sur les prix dans une période difficile pour les verreries.
Les difficultés rencontrées tant avec les douanes américaines que canadiennes sont fréquentes. Les 57 colis envoyés par la verrerie de Portieux en juillet 1911 et les 54 colis du mois suivant pour Montréal sont saisis par la douane canadienne. En septembre, Fondeville part pour Montréal où il pense pouvoir récupérer son dû après avoir acquitté en douane 200 % de la valeur du contenu. La somme versée est récupérée après enquête des douanes en Europe. Fondeville suggère au directeur de rencontrer l'agent de la douane à Paris, au siège de la rue Martel, afin "de leur faire voir comment vous arrivez aux prix nets avec des escomptes et puis à Paris vous avez pas de livres de comptes de ce fait impossible de les faire voir". Dans ces années, tous les exportateurs et importateurs de faïence et verrerie se trouvent en butte à des difficultés avec les douanes qui surveillent les tarifs pratiqués et l'origine des marchandises. Les douanes des Etats-Unis se montrent plus difficiles que celles du Canada "qui ne connaissent pas si bien leur affaire" 809 . Le 3 octobre 1911, Fondeville rentre du Canada où il a rencontré le ministre des douanes. Il rapporte au directeur de Portieux que l'affaire était plus sérieuse qu'il ne le pensait. Les 111 colis étaient saisis et la douane avait rendu visite au client et pris possession des factures pour prendre connaissance des prix auxquels la maison Fondeville et Van Iderstine vendait la marchandise. La première accusation portée contre le représentant consiste à affirmer qu'il n'est pas acheteur de la marchandise mais qu'il n'est qu'un employé de Portieux vendant directement pour Portieux. Dans ce cas, les droits de douane seraient pris sur les tarifs de la marchandise. Fondeville met alors en évidence son contrat avec Van Iderstine et prouve qu'il réalise des affaires avec d'autres maisons européennes. Il prouve également que ses livres sont en règle du fait que les traites correspondent à la valeur exacte des factures et par conséquent qu'il n'existe pas de fraude. Le ministre croit en la sincérité de ces éléments mais affirme que, très souvent, les manufactures européennes vendent à des prix réduits les produits destinés à l'exportation. Le Canada envoie en France un certain Scott dont les bureaux se trouvent à Londres. "Dans le temps j'ai connu ce monsieur qui je me rappelle est assez facile, avance Fondeville qui ajoute : j'ai idée que son voyage en France sera plutôt une excursion agréable (...), j'ai donné conseil qu'il aille à Paris chez monsieur Mansuy avant d'aller à Portieux" 810 . Le représentant encourage Scott à renoncer à son voyage dans les Vosges étant donné la distance et le risque de ne pas trouver le directeur à l'usine ! Fondeville explique à ce dernier qu'il a assuré le ministre que les tarifs concernaient la vente au détail et non pas la vente en gros. Il ajoute "ne lui en parlez pas [à Scott] et ne lui faites pas voir sans y être forcé. oubliez pas que nous avons pas votre monopole. pour exemple vous avez un autre client au Canada FTT Thomas [à Québec] à qui vous vendez tous les ans une ou deux factures et les modèles que vous vendez ne sont pas exclusifs pour le Canada vous les vendez un peu partout. Quand monsieur Scott arrivera faites en sorte qu'il soit bien reçu. il est bon garçon. Si cette affaire peut être arrangée cette fois sera pour longtemps. au Canada ils sont pas comme aux USA. ils y reviennent pas si souvent." Mansuy, le représentant de Portieux à Paris, se montre moins rassuré que Fondeville. Il craint en effet que Scott, l'agent de la douane canadienne, ne demande à consulter le compte de primes de clients. Toute la stratégie développée par la direction de la verrerie et la maison de commerce New-Yorkaise n'a d'autre but que de masquer un certain nombre d'avantages consentis aux clients du marché Nord américain afin de diffuser massivement la verrerie sur ce territoire, alors formidable marché en grande expansion.
La verrerie de Portieux exécute les commandes de Fondeville à partir des échantillons que ce dernier adresse à l'usine. En avril 1901, le directeur écrit à son représentant qu'il a bien reçu les échantillons qui ont été adressés à la verrerie et il ajoute qu'il est toujours plus facile ainsi de fabriquer sur modèle, les erreurs étant moins fréquentes. Il n'est pas rare de constater que les échantillons arrivent cassés : X. Mougin reçoit quatre verres dont un est "complètement pulvérisé" en juillet 1901. Puis dans un autre envoi c'est un verre qui a la jambe pulvérisée. Cet incident oblige la verrerie à contacter à nouveau le représentant pour lui demander la hauteur de cette jambe. Les échantillons n'arrivent pas toujours à leur destinataire où sont carrément soustraits des paquets. Un colis tout disloqué arrive à la verrerie en provenance de New-York. Au lieu de verres il contient "2 boîtes de mauvais thé". Les échantillons proviennent de verreries européennes concurrentes comme le Val-Saint-Lambert. En juin 1909, Fondeville écrit : "je vous envoie des échantillons, le client demande que ces verres soient faits de même force et que les écussons soient de la même grandeur comme vous pouvez le voir. Ils sont tous du Val-Saint-Lambert qui nous avait enlevé cet ordre." Lorsque Fondeville demande la création de modèles par le biais de copies, la verrerie exige de savoir si la commande des clients concerne de grandes quantités. En 1902, il est par exemple question de fabriquer 20 moules et l'usine s'interroge. Pour les quantités importantes, la verrerie fabrique des moules en fonte. Dans le cas contraire, ces moules sont exécutés en bois, de création plus aisée mais qui résistent mal aux utilisations intensives. Quelquefois, il s'agit simplement de modifier un moule pour répondre aux exigences du client : "nous allons, écrit le directeur, modifier l'ancien moule afin de réunir sur un seul modèle les deux choses désirées : l'élégance de la jambe et la facilité du nettoyage". La plupart des commandes de Fondeville concernent l'application d'écussons, emblèmes des hôtels, à la gravure chimique 811 . Pour ce faire, l'atelier du décor et celui de la gravure chimique créent écussons et monogrammes, très souvent à partir des croquis ou des photographies fournis par le représentant de New-York. La photographie permet de reproduire l'écusson de manière exacte dans ses dimensions et ses formes. Par souci d'économie, on s'efforce de réduire le nombre de planches à élaborer. Une seule planche suffit pour deux articles en gravure claire pour 1375 verres ballons tulipe et 65 carafes à eau. En avril 1911, Fondeville fait graver un écusson dépoli << Prince Arthur Hôtel >> et un autre << The Black Stones >> sur verres, bols, plateaux, chopes, carafes...
Fondeville donne la consigne de s'inspirer de tel ou tel dessin précédemment élaboré. Pour l'écusson de l'hôtel Fort Garry, il fait imiter celui du Château Laurier, en retirant simplement la frise. Il en a commandé plus de 22.000 pièces en gravure dépolie. Cependant, il souhaite que le lettrage soit plus proéminent et fait exécuter une demi-douzaine d'échantillons avant la commande définitive. L'écusson de l'Hôtel Atlanta doit s'inspirer de l'écusson du Palace Hôtel. Il est à exécuter en gravure dépolie et le centre du bouclier en gravure mate. Les deux lignes entourant le centre sont claires et l'espace enserrant ces lignes est mat. En octobre 1912, le représentant remet un ordre qui concerne un service complet pour un nouvel hôtel << The Rice >> qui doit s'ouvrir fin janvier 1913 dans l'Etat du Texas. Il recommande de donner des effets de lumière et de dépoli à l'écusson. Sur les 6 drapeaux qui entourent cet écusson, les différentes bandes sont en clair, d'autres en dépoli. De façon à établir un contraste, les étoiles doivent être en clair et le fond en dépoli. Quatre planches sont nécessaires pour exécuter cet ordre. Fondeville fait créer un service qui porte son nom et y fait apposer des gravures dont une intitulée << Saint-Frencis >>. Afin de montrer à ses clients des Etats-Unis et du Canada des exemples de gravure, Fondeville fait élaborer, pour faciliter la tâche de ses voyageurs, des échantillons de monogrammes et écussons sur des morceaux de verre de glace en gravure dépolie. La verrerie exécute également des gravures traditionnelles de sa production : gravure fougère, bordure de vignes... pour verres catalans de différents types... Elle ne peut satisfaire à toutes les demandes techniques de Fondeville. C'est par exemple le cas d'un bleu particulier.
Dans un tel système de relations, la verrerie de Portieux se montre peu créative, se contentant de vendre sa production traditionnelle ou de copier en aménageant quelque peu le modèle. Un même constat s'impose pour les dessins des gravures apposées sur les verres.
Les affaires de Fondeville prospèrent. Il déménage son cabinet d'échantillons entre le 1er avril et le 1er mai 1914 pour un "magnifique local" qui accueille, à "la place d'honneur", la production de Portieux. "Notre nouveau local, écrit-il, à 8.500 pieds carrés de surface et il y a pas un local ou cabinet d'échantillons à Paris qui sera comparable. tout sera moderne et arrangé pour donner toute la valeur possible à chaque pièce. l'adresse est 85 . 5e Avenue le quartier le plus chic d'affaires de New-York. le bâtiment a à peu près 5 ans et est moderne, nous au 7e étage et il y en a 7 au-dessus de nous. nous avons trois ascenseurs rapides avec des opérateurs en uniforme, comme c'est au coin de la 16e rue il y a du jour dans tout le local".
En 1913, les produits sont expédiés par Anvers à Montréal et aux îles Bermudes. A partir de juillet 1914, les envois s'effectuent par le Havre. Dans les années suivantes 1915, 1916, les expéditions concernent principalement le Canada, essentiellement Saint-John, Toronto, Montréal, Baltimore et Vancouver. Durant le premier conflit mondial, Fondeville fait des dons à la caisse de secours marquant son intérêt pour "le sort des ouvriers dans le malheur". Après la guerre, Eugène travaille avec son père puis prend la succession de ce dernier en 1923. La verrerie lui verse 45.000 francs en guise de reconnaissance. Eugène Fondeville voyage régulièrement à travers les Etats-Unis et le Canada. Il séjourne en France et visite Portieux. Eugène est installé à New-York et à San Francisco. En 1927, la verrerie lui verse 12.000 francs pour ses frais de voyage et la location de l'agence de New-York. Le directeur, A. Richard, lui fait remarquer qu'il devient difficile d'entretenir une agence si coûteuse. Les relations semblent cesser alors entre la verrerie et Fondeville fils...
Jeandidier, représentant à Paris, prend le relais de 1928 à 1933 date à laquelle l'exclusivité pour les Etats-Unis est accordée à la maison Gladston et Cie, 24 rue des Petits Hôtels à Paris.
En 1933, Gladston et Cie demande une liste d'échantillons pour son client de San Francisco et souhaite des prix tirés étant donné l'importance de la commande et la concurrence allemande. Ce client désire obtenir l'exclusivité des produits de Portieux pour les Etats de Californie, Oregon, Washington, Nevada, Arizona, Nouveau Mexique, Utah, Montana et Iowa. L'usine refuse dans un premier temps d'accéder à cette demande, la propriété des modèles ayant appartenu à Fondeville. Le directeur pense d'ailleurs que l'ancien représentant pourrait à nouveau reprendre du service pour Portieux après l'abrogation de la loi Volstead 812 . La question de l'exclusivité étant de première importance pour ce client, Dorhman Commercial Company de San Francisco, le directeur finit par céder. L'exclusivité concerne les neuf Etats cités auxquels il convient d'ajouter le Colorado. Les livraisons pour San Francisco s'effectuent via le canal de Panama. La longueur du voyage incite le client à demander l'expédition avant novembre 1933, en vue de la fin de la prohibition. Il s'agit pour Dorhman de faire en sorte que les restaurants et hôtels puissent disposer de leur stock.
Si la loi Volstead engendre des difficultés, l'achat de verrerie aux Etats-Unis souffre également du cours du dollar. Les clients attendent que la monnaie revienne à son cours normal ou que les changes soient ajustés.
Durant cette période, les clients américains s'intéressent beaucoup aux articles que l'usine s'engagerait à solder. L'un d'entre-eux se montre particulièrement intéressé par des modèles relativement anciens et non suivis qu'il pourrait vendre à des antiquaires aux Etats-Unis.
Les clients se plaignent assez souvent de la qualité de la marchandise. Ils trouvent une quantité inhabituelle de verrerie défectueuse : présence de nombreuses bulles, côtes non droites ; certains verres, tels les verres à whisky, ne sont pas coupés droit. De surcroît la casse est excessive. Comment comprendre ce phénomène dans un temps où le chômage commence à sévir à l'usine ?
C'est en 1939 que la verrerie de Portieux passe un accord avec la Continental Céramico Corporation pour l'exclusivité de la représentation aux Etats-Unis. Les grands temps de l'exportation appartiennent désormais au passé.
Courrier de Fondeville du 29 juin 1914 ; A.P.
53 J 514, A.D.V.
Courrier de Fondeville du 14 août 1911 ; A.P.
Courrier de Fondeville du 11 janvier 1910 ; A.P.
Courrier de Marcel Fraipont du 8 août 1912 ; A.P.
Courrier de Fondeville du 25 septembre 1911 ; A.P.
Mansuy, représentant de la verrerie à Paris, est un relais important dans le traitement des affaires à l'exportation.
Créations pour Fondeville : voir fig. 62.
Loi Volstead : 21 mai 1933 définit la liste des boissons prohibées.