1ère partie :
L’inventiondu cyclisme associatif (1867-1887)

Introduction 

L’entrée en scène effective du vélocipède en 1867, ‘“ coursier d’acier, […], digne fils de ce siècle [et] de son oeuvre métallique et puissante ”’ ‘ 24 ’ participe du fort mouvement de développement industriel, de multiplication des inventions et de course vers le progrès qui caractérise l’effervescent second XIXème siècle. Mais si le nouvel engin ouvre dans l’histoire des transports un nouveau chapitre - maintenant parfois négligé car il s’insère entre l’essor du chemin de fer et l’apparition de l’automobile - qui valorise ‘“ la vitesse individuelle émanant de l’homme même, […], la vitesse personnelle remplaçant la vitesse collective ”’ 25 , s’il est d’abord considéré comme un objet utilitaire capable de rivaliser avec le cheval, très rapidement il acquiert également une dimension ludique et sportive sur laquelle se greffe la mise en place de “ clubs de vélocipédeurs ” 26 .

Cette “ sportivisation ” quasi immédiate, même si elle est partielle, cette prompte constitution d’un secteur associatif - éléments spécifiques au cyclisme si l’on compare à d’autres disciplines 27 - surprennent et la lenteur du développement ultérieur étonne d’autant plus. Ne faut-il pas attendre deux décennies pour que le nombre de sociétés vélocipédiques atteigne la centaine - dès le début des années 1880, elles sont le sextuple outre-Manche -, pour qu’un club - le Véloce-club de Tours en 1888 - organise un de ces meetings qui a fait le succès de l’associationnisme cycliste britannique. Pourquoi l’inertie après l’explosion ? Pourquoi une si longue phase d’invention ?

La maniabilité, le confort et l’efficience aléatoires des premiers deux-roues - vélocipède d’abord, grand bi à la roue avant surdimensionnée ensuite - ne suffisent pas à résoudre le problème puisqu’ils n’empêchent pas le cyclisme anglais de prospérer.

D’où la nécessité, dans un premier temps, de cerner au plus près les phases d’expansion, de latence ou de régression du corpus associatif, d’en saisir la diffusion spatiale ainsi que l’impact social, pour déterminer si des événements - on pense bien sûr à la guerre franco-prussienne de 1870-1871 -, la résistance de certaines zones à la modernité, la distinction sociale plus ou moins attachée à l’activité fournissent ou non des éléments d’explication.

Dans la même optique, le second chapitre observera le processus de structuration qu’il soit interne aux associations ou qu’il envisage les liens externes entre elles. À ce sujet, l’influence plus ou moins importante de l’U.V.F. après sa création en 1881, constitue un élément-clef. Les sociétés cyclistes prennent-elles rapidement conscience des bienfaits de l’Union ou se recroquevillent-elles sur des desseins limités à des intérêts égoïstes ?

Enfin, nous rechercherons quel type de pratique, quel modèle - patriotique, compétitif, touristique - ont privilégié les véloce-clubs pour assurer leur promotion. Sont-ils plutôt orientés vers des exercices à finalité militaire calqués sur ceux des sociétés de gymnastique, vers des courses et leur corollaire, la mise en spectacle de l’activité, ou vers des promenades ou randonnées ? Choix décisif s’il en est car il conditionne et le soutien des autorités et l’adhésion de la population.

Notes
24.

Annuaire de l’U.V.F., 1889-1890, Bordeaux, Le Véloce-Sport, préface de M. Martin, p. 5.

25.

GRAND JACQUES (LE) : Manuel du vélocipède, Paris, librairie du Petit Journal, 1869, p. 5.

26.

Le courrier de la Drôme et de l’Ardèche, 18 décembre 1867, cité dans SALMON G. : Les Annales de la vélocipédie (cahier n° 4, 1867), Pomeys, La Vélocithèque,1999, p. 13.

27.

Cf . TERRET T. (sous la dir. de) : Histoire des sports, Paris, L’Harmattan, 1996.