1-3. Premières géographies du cyclisme associatif.

A la fin du second empire, la diffusion associative touche plus du tiers des départements 52 , signe que le vélocipède, d’abord développé à Paris, gagne très vite la province sous l’impulsion de la firme Michaux, devenue en mai 1868 Michaux et Cie à la suite de l’association avec les trois frères Olivier, puis Compagnie parisienne des vélocipèdes quand en avril 1869 Michaux leur cède tous ses droits. L’entreprise acquiert une dimension industrielle et vend ses produits dans toute la France ainsi qu’à l’étranger. Pour autant d’autres fabricants travaillent tant à Paris qu’en province. Keizo Kobayashi en recense soixante-six dans la capitale et quarante-quatre en dehors, ce dernier chiffre étant certainement minoré du fait des sources utilisées 53 . La lecture de la presse de province révèle en effet d’autres constructeurs, à l’exemple de ce M. Delahaye qui, en 1870, “ fabrique des vélocipèdes élégants et en garantit la solidité”  54 dans la petite ville de La Flèche, à mi-chemin du Mans et d’Angers.

La répartition des sociétés s’organise entre 1868 et 1870 en trois pôles :

Carte 1 : La propagation du cyclisme associatif (1868-1887)
Carte 1 : La propagation du cyclisme associatif (1868-1887)

La bonne dizaine d’associations restantes sont plus isolées même si au sud on remarque l’ensemble tripolaire Toulouse-Castres-Carcassonne (carte1.a).

En dépit d’un nombre plus élevé de groupements, la période 1880-1882 se caractérise par un rétrécissement de l’espace géographique à vingt-sept départements éclatés en quatre blocs principaux, chacun correspondant à la zone d’influence d’un ou plusieurs centres vélocipédiques dynamiques. La plus septentrionale s’articule autour des villes de Rouen, Paris, Amiens et Reims ; Angers domine une zone ligérienne quand l’axe de la Garonne est particulièrement développé autour de Bordeaux et d’Agen . Enfin le pôle lyonnais pousse ses ramifications vers la Saône et la Loire et les villes de St Etienne et de Grenoble (carte 1. b).

En 1887, l’extension spatiale du phénomène cycliste se marque par le comblement de certains vides - 47 départements sont alors pourvus - et la constitution d’un vaste ensemble continu (carte 1 c.). Sous la forme d’un grand arc, il joint la Lorraine au littoral méditerranéen par le Bassin parisien, les régions atlantiques - Bretagne exclue - et aquitaines, ce qui isole un large centre-est presque vide à l’exception de la zone lyonnaise moins étendue qu’au début des années 1880 et dans laquelle Grenoble prend l’ascendant sur la Capitale des Gaules. L’est du littoral méditerranéen a amélioré sa situation ainsi stigmatisée en 1885 par un chroniqueur de la revue le Véloceman : “ De Montpellier à Nice, du Rhône aux Alpes, pas un club, pas le plus petit groupe, seulement quelques vélocemen isolés ” 55 . Pas plus que précédemment Paris ne domine le territoire vélocipédique dans lequel s’affirment le Nord-ouest, de l’Eure au Pas-de-Calais, et surtout le sud-ouest.

Même si, parmi les départements pourvus, une majorité ne le doit qu’à une seule localité, commence à se faire jour plus nettement une diffusion intra-départementale.

Nbre de localités du département
dotées d’1 société ou plus
1868-1870 1880-1882 1887
Nb. dépts % Nb. dépts % Nb. dépts %
1 localité pourvue 29 87,9 19 70,4 25 53,2
2 localités pourvues 3 9,1 3 11,1 16 34,1
3-4 localités pourvues 1 3 5 18,5 5 10,6
7 localités pourvues         1 2,1
Total 33 100 27 100 47 100
Sources : idem carte 1.

Nota. 

Comptent 2 localités dotées :

Comptent 3 localités dotées :

Compte 7 localités dotées :

Dans plus de 45% des départements de deux à quatre localités accueillent une société contre à peine 30% en 1880-1882 et un peu plus de 10% en 1868-1870. Le Lot-et- Garonne fait figure d’exception ou plutôt de précurseur avec une sociabilité cycliste déjà établie en sept lieux. Le “ goût des exercices vélocipédiques déjà en grande faveur dans la contrée ” 56 conduit à un quadrillage de l’espace départemental avec des implantations tant au niveau de la vallée de la Garonne (Agen, Damazan, Tonneins et Marmande) que de part et d’autre (Nérac au sud, Miramont et Villeneuve-sur-Lot au nord). Autre conséquence, cette extension atteint des localités de petite taille : quatre appartiennent au groupe des petites villes ( 3 à 10 000 habitants ) et deux sont rurales (Miramont : 1348 h. et Damazan : 980 h.). Les associations du Lot-et-Garonne sont donc à 85% installées dans des cités comptant moins de 10 000 habitants alors que pour la France entière, leur part n’atteint pas un quart 57 .

Notes
52.

Cf. Annexe stat. D1 : Répartition des sociétés vélocipédiques par département (1868-1911). Tableau.

53.

KOBAYASHI K. : Histoire du vélocipède…,op. cit. pp. 373-374. Son recensement s’appuie sur Le Vélocipède illustré, l’Annuaire du commerce Bottin et les archives du tribunal de commerce de la Seine.

54.

WEECXSTEEN P. : “ Au temps des crinolines, débuts de la petite reine à Clermont-Créans et en pays fléchois ”, Les cahiers fléchois, 1994, p. 166.

55.

Le Veloceman, 15 décembre 1885.

56.

Arch. dép. Lot-et-Garonne, 4 M 490, Demande d’autorisation du Sport vélocipédique de Marmande, 25 juin 1884.

57.

Sauf mention particulière, la population retenue est celle de la “ population agglomérée au chef-lieu ”. Le seuil fixé pour distinguer entre communes rurales et urbaines est de 3000 h. Nous suivons en cela l’Atlas historique de G. Dupeux ( DUPEUX G. : Atlas historique de l’urbanisation de la France 1811-1975 ) et distinguons trois catégories urbaines : les petites villes ( 3 à 10 000 h. ), les villes moyennes ( 10 à 50 000 h. ) et les grandes villes ( plus de 50 000 h.) auxquelles s’ajoute l’agglomération parisienne.