Quand en 1887, les clubs vélocipédiques flirtent avec la centaine, des formes de sociabilité ancienne dont l’origine remonte à la Restauration, comme les cercles ou les divers groupements musicaux, se comptent par milliers et leur réseau quadrille l’ensemble du territoire national. Pierre Goujon fait un tableau de leur forte implantation dans les campagnes de Saône-et-Loire 81 . La seule Seine-et-Marne enregistre 113 créations d’orphéons, de fanfares… entre 1870 et 1887 82 . Plus concentrés géographiquement, des groupes adeptes de jeux traditionnels jouissent encore d’une forte audience dans certaines régions de France : boules de fort dans une large région angevine - quarante sociétés s’adonnent à ce jeu en 1886 dans le chef-lieu du Maine-et-Loire 83 -, tir à la sarbacane à St-Etienne et aux environs 84 , tir à l’arc, à l’arbalète, jeu de boules… dans le nord de la France 85 . Le lent démarrage du cyclisme associatif à Marseille contraste avec la vogue excursionniste qui y règne 86 . Gardons-nous enfin d’oublier que vers 1880 la France compte déjà 251 sociétés de gymnastique 87 . En Meurthe-et-Moselle, six se créent entre 1872 et 1876 88 ; la Marne en totalise vingt-quatre en 1881 puis trente en 1884 89 . Lorsqu’en Seine-et- Marne se déclare le premier groupe cycliste - le Vélo-sport de Brie-Comte-Robert -, fin décembre 1887, le département a déjà vu se constituer dix-sept sociétés de gymnastique et vingt-sept groupements de tireurs 90 . Même écho dans le Rhône où les années 1880 pourraient être qualifiées de décennie des sociétés conscriptives. A sa fondation en 1884, la Fédération des sociétés de gymnastique, de tir et d’instruction du Rhône et du sud-est regroupe dix-sept associations ; cinq ans plus tard soixante-quatorze y sont affiliées 91 . Dans l’ouest et le sud de la France le phénomène est moins marqué. En Charente si les sociétés de tir se diffusent largement, celles de gymnastique n’investissent pas l’ensemble du département et à Cognac le club cycliste précède la société de gymnastique 92 . Dans l’Aude Carcassonne et Narbonne reproduisent le même schéma 93 . Toutefois ces quelques nuances ne remettent pas en cause la marginalité constatée du cyclisme associatif quand on compare son réseau très discontinu à la forte présence des autres sociétés d’hommes qu’elles s’adonnent ou non à des activités physiques. L’impact des groupements vélocipédiques ne déborde d’ailleurs pas ou peu des villes où ils sont installés. Avant 1870, 95% des membres résident dans la ville, siège de la société. Dans les années 1880, ils sont encore près de 85%. Hormis quelques exceptions comme au Véloce-club de Tours - un quart des membres sont extérieurs à la ville - et surtout au Véloce-club du Var - onze membres sur vingt-quatre ne sont pas toulonnais 94 -, le sociétaire n’est que rarement un relais possible pour une extension de la sociabilité cycliste à d’autres localités. Le rayonnement géographique des groupements reste limité, le recrutement local. L’adhérent est ainsi essentiellement un citadin dont il convient de cerner la personnalité sociale.
GOUJON P. : “ Associations et vie associative dans les campagnes au XIXème siècle ”, Cahier d’histoire, t. XXVI, 1981.
Arch. Dép. Seine-et-Marne, M 594 à M 600.
MARAIS J.L., 1986, Les sociétés d’hommes…, op. cit. p. 126.
Le département de la Loire compte, en 1871, 54 sociétés de sarbacane ainsi que 19 de tir à l’arc. ARNAUD P. : “ Le sport des ouvriers avant le sport ouvrier (1830-1908). Le cas français ”, in ARNAUD P. (sous la dir. de) : Les origines du sport ouvrier en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994, p.52.
La forte sociabilité autour des jeux populaires traditionnels est une caractéristique du nord de la France. Parmi les nombreux travaux les concernant, retenons pour le tir à l’arc : DE MEULENAERE F. : “ Répertoire des confréries et sociétés d’archers de la Flandre française ( arrondissements d’Hazebrouck et de Lille ) ”, Annales du Comité Flamand de France, tome 55, 1997, pour le tir à l’arbalète : DE MEULENAERE F. : “ Les confréries et sociétés d’arbalétriers de la Flandre française ( arrondissements d’Hazebrouck et de Lille ) ”, Annales du Comité Flamand de France, tome 54, 1996, pour une présentation d’ensemble limitée à une commune : HANSCOTTE-PROUST C. : “ La vie associative à Coudekerque-Branche fin XIXème siècle-début XXème siècle ”, Annales du Comité Flamand de France, tome 55, 1997 et pour sa problématique centrée sur les filiations entre jeux traditionnels et sports : JESSU P., SILVAIN J.M.et GAUQUELIN M. : “ Jeux traditionnels et sports : le cas de Roubaix à travers Le Journal de Roubaix, à la fin du XIXème siècle ”, , .
Les Francs Caminaïres, les Touristes du Midi, les Francs-Touristes marseillais, les Touristes du Sacré Cœur, les Pionniers de l’avenir… naissent avant 1880, sans oublier une section du Club alpin français en 1875. MASSON P. : Encyclopédie départementale des Bouches du Rhône, t. 10, chap. XVI, 1923, p. 524.
HUBSCHER R. : L’histoire en mouvements…, op. cit ., p. 50.
JOSEPH R. : “ Gymnastique, tir et préparation militaire dans le département de Meurthe-et-Moselle ( 1870-1914 ) ”, in ARNAUD P. (sous la dir.), Les athlètes de la République. Gymnastique, sport et idéologie républicaine. 1870-1914, Paris, L’Harmattan, , 1997, p. 87.
CLAUSE G. : “ Les sociétés de gymnastique entre 1870 et 1914, vecteurs d’idéologie : quelques exemples marnais, in WAHL A. (textes réunis par) : Des jeux et des sports, actes du colloque de Metz, 26-28 septembre 1985, Metz, 1986, p. 85.
Arch. dép. Seine-et-Marne, M 594 à M 600.
ARNAUD P. : “ Le sport en marge ou le poids des sociétés conscriptives. Vitalité et densité du mouvement sportif associatif à Lyon et dans le département du Rhône (1853-1915) ”, in ARNAUD P. (sous la dir. de) : Les athlètes…, op. cit., pp. 106-108.
Arch. dép. Charente, 4 M 52 d’après une enquête préfectorale sur l’état des sociétés conduite en 1895.
Arch. dép. Aude, 7 M 46. “Registre des associations diverses”.
L’appellation choisie de Vélo-club du Var est toutefois en partie usurpée, en effet, les membres extérieurs à Toulon habitent des localités distantes au maximum de 10 km. du port méditerranéen. Le Véloce-club de l’Hérault mérite encore moins sa dénomination ambitieuse : un seul de ses membres n’habite pas Montpellier.