1. Des sociétés souvent fragiles.

1-1. Les statuts : une respectabilité et une solidité revendiquées.

L’obtention de l’approbation administrative de l’association est subordonnée pour partie à la fourniture de statuts. Ce texte, que contrôlent avec attention les autorités, doit les assurer que le nouveau groupement ne constitue pas un danger pour l’ordre social. Ecrits à valeur officielle, les statuts représentent aussi le fondement de l’association. Ils en fixent les règles organisationnelles et matérialisent le contrat que passent entre eux les fondateurs et qu’acceptent ensuite les nouveaux adhérents.

Concrètement dans la majorité des groupements, les sociétaires en reçoivent un exemplaire et s’engagent à en respecter les dispositions 153 .

Chaque société, au moment de sa création, est donc confrontée à la rédaction de ce document essentiel. Certaines s’inspirent des statuts de sociétés déjà approuvées. Le Sport vélocipédique libournais signale, dans un but de légitimation, qu’il a copié “ presque entièrement ceux du Véloce-club bordelais ” 154 . D’autres peuvent recourir aux exemples qu’apporte la presse spécialisée. En 1870, l’Almanach du vélocipède livre “ une formule de statuts pour clubs ” 155  ; Le Sport vélocipédique fait de même en 1884 156 . Ces pratiques de reproduction de modèles amènent à s’interroger sur la valeur d’une étude du fonctionnement des sociétés à partir de ces textes. Peut-on lui concéder un quelconque crédit ? Sans aucun doute car les copies serviles sont rares. A l’intérieur des familles de statuts, chaque club adapte la formulation à ses aspirations, à ses besoins. Parfois, certains font même œuvre originale, comme le Vélo-club grenoblois - le rédacteur en est Ernest Dumolard - en 1882 ou, la même année, la Société vélocipédique métropolitaine grâce à René Pagis.

La volonté de renforcer le contrat pousse assez souvent à la rédaction d’un règlement intérieur qui peut aller jusqu’à envisager que : “ Tout sociétaire, en entrant dans le local du club, devra déposer au vestiaire chapeau, canne et parapluie ” 157 .

Une première approche, à partir du nombre d’articles des textes fondateurs, plaide en faveur d’un souci de précision.

 
1868-1870 1873-1887 1868-1887
Nb. de statuts % Nb. de statuts % Nb. de statuts %
- de 20 art. 3 25 8 11 11 12,9
20 à 29 art. 6 50 19 26 25 29,4
30 à 39 art. 3 25 24 32,9 27 31,8
40 à 49 art.   12 16,4 12 14,1
50 art. et +   10 13,7 10 11,8
  12 100 73 100 85 100
Sources : Arch. dép. et mun

Près de 90 % des statuts comptent au moins 20 articles et encore plus de 50 % au moins 30. Au fil du temps cette tendance s’accentue. De 23 articles dans la période pionnière, la moyenne s’élève à 34 au cours des années 1870-1880. Jusqu’en 1870, aucun statut n’atteint les 40 articles, par la suite, après qu’en 1873 le Véloce-club toulousain a franchi ce cap, le cas concerne le quart de l’effectif. Dès 1875 le Véloce-club d’Angers dépasse le seuil des 50 ; neuf autres sociétés l’imiteront.

Nous ne nous engagerons pas dans le détail souvent complexe des points abordés dont la présentation schématique des statuts adoptés par le Vélo-club grenoblois à la fin de 1882 158 donne un aperçu :

  • But du Vélo-club : article 1.
  • Composition du Vélo-club : articles 2 à 5.
  • Administration du Vélo-club : articles 6 à 13.
  • Attributions du bureau : articles 14 à 17.
  • Actif de la société : article 18.
  • Dépenses : article 19.
  • Admissions : articles 20 à 25.
  • Cotisations : article 26.
  • Radiations : articles 27 à 31.
  • Affiliations : article 32.
  • Assemblées et réunions : articles 33 à 40.
  • Comité des courses : articles 41 à 42.
  • Commissions : articles 43 à 45.
  • Insigne et uniforme : article 46.
  • Banquet annuel : article 47.
  • Modifications aux statuts : article 48.
  • Dissolution : article 49.
  • Siège de la société : article 50.

Nous nous limiterons à trois axes majeurs : les buts de l’association, les droits et devoirs des différents types de membres et les structures de direction mises en place.

Notes
153.

Cf. annexe doc. C1 : Demande d’admission à l’Union cycliste bordelaise. L’Émulation cycliste toulousaine en fournit un autre exemple imprimé dans les années 1890. Arch. dép. Haute-Garonne, 13M 84.

La dernière page du livret contenant les statuts remis au nouvel adhérent s’achève par le formulaire suivant à remplir :

Je soussigné…….

déclare avoir pris connaissance des statuts de la société L’Émulation cycliste toulousaine et y adhérer complètement.

Toulouse, le……. 189…

Signature.

154.

Arch. dép. Gironde, 1R 118, Lettre du 8 mars 1887.

155.

GRAND JACQUES (le) : Almanach du vélocipède…, op. cit., pp. 16-21. Les statuts donnés en exemple reprennent ceux élaborés en 1868 par la Société pratique du vélocipède.

156.

Le Sport vélocipédique, 20 décembre 1884. Cette pratique perdure puisqu’en 1895, GASTINE L. : Almanach du cycliste pour 1895, Paris, Lahure, 1895, donne à titre indicatif l’analyse des statuts du Touring-club de France “ qui peuvent être considérés comme type et modèle dans ce genre de société ”.

157.

Arch. dép. Dordogne, 4M 111, Règlement intérieur du Véloce-club périgourdin, 1886.

158.

Arch. dép. Isère, 99M 1, Modifications des statuts, décembre 1882.