1-1-3 Les instances de direction.

Les fortes exigences qui pèsent sur les membres actifs répondent à des droits plus étendus que sont la participation aux courses, aux promenades, le droit de vote, quand les membres honoraires ne peuvent qu’assister aux courses et ne disposent que d’une voix consultative. Ainsi l’organisme de direction, qu’il porte le nom de conseil, de bureau, de comité ou de commission, dépend uniquement des suffrages des membres actifs ; ils sont les seuls habilités à y siéger sauf au Vélo-sport caennais (1886), où deux postes sur neuf sont réservés à des membres honoraires. L’élection, au scrutin secret et à la majorité des votants, confère un mandat d’un an renouvelable. La démocratie des cyclistes associatifs aurait pourtant souffert d’au moins une exception : une “ petite Russie ”, l’Union vélocipédique parisienne, créée en 1877, se serait dotée d’ “ un gouvernement autoritaire ” dirigé par son fondateur H. Pagis autoproclamé président à vie ¹⁸⁵ .

La structure dirigeante s’appuie sur trois piliers fondamentaux : le président, le secrétaire et le trésorier, auxquels s’agrègent, selon les sociétés et par division des trois fonctions ci-dessus, un ou plusieurs vice-présidents, un secrétaire-adjoint, un trésorier-adjoint, ou encore un chef du matériel. Complètent encore certains bureaux un capitaine de route, un ou plusieurs censeurs et divers commissaires. La Légion vélocipédique du Mans se singularise en empruntant au vocabulaire militaire. Son “ état-major ” comprend ‘“ un général en chef, un aide de camp, un secrétaire, un intendant, un commandant d’école, un chirurgien-major et un chef de musique ”’ ¹⁸⁶ . L’effectif varie en général de cinq à sept membres mais l’adjonction des commissaires prévus pour l’organisation des courses rend certains bureaux pléthoriques. 21 personnes dont 15 commissaires au Sport vélocipédique agenais (1881), 29 personnes dont 20 commissaires au Véloce-club agenais (1884).

Sous le second empire les attributions de chacun sont floues et induisent une probable direction collégiale. Par la suite le rôle des divers membres dirigeants est clairement spécifié. D’après les statuts du Véloce-club nantais pris ici comme exemple :

‘“ Le président a la direction de la société et la représente dans tous les cas qui n’exigent pas une délégation spéciale. Il préside toutes les assemblées, dirige la discussion, fait procéder au vote et veille à l’exécution de toutes les décisions du Véloce-club.
Le vice-président supplée le président en cas d’absence ou d’empêchement. Il est membre de droit des différentes commissions, il les préside…
Le secrétaire tient la correspondance courante, rédige les procès-verbaux des assemblées et réunions et des séances du conseil. Il est chargé des communications officielles à faire à la presse et a le dépôt des archives du club… Il convoque les membres du club pour les différentes réunions et tient le registre des demandes d’admission ainsi que celui des comptes généraux. Il maintient à jour le tableau des membres du club.
Le trésorier tient le livre de caisse et le carnet d’émargement des cotisations ainsi que le livre des bons de commande à souche. Tous ces livres doivent être comme ceux que tient le secrétaire parafés par le président. Il est préposé à la garde et à l’entretien des objets mobiliers appartenant au club… Il paie ou perçoit les redevances relatives aux locations consenties par le club et aux engagements pris par celui-ci ” ¹⁸⁷ .’

La gestion de la trésorerie est l’objet de rapport et de contrôles fréquents.  ‘“ L’état financier [du Vélo-sport caennais] est affiché pendant quinze jours tous les six mois ”’ ‘ ¹⁸⁸ ’ ‘,’ trois membres nommés hors comité vérifient le bilan annuel au Vélo-club castrais (1887)…Le ou les censeurs, qu’intègrent quelques conseils comme au Véloce-club d’Angers en 1875, vérifient l’exécution des règlements et des décisions de la commission et infligent des avertissements aux contrevenants.

Le fonctionnement démocratique de l’association se fortifie de recours concédés aux sociétaires : possibilité de présenter des propositions aux assemblées générales ou réunions, de demander la convocation d’une assemblée générale extraordinaire à condition que ces démarches émanent d’un certain nombre de membres - cinq à dix selon les cas. Quoiqu’il en soit les membres actifs vérifient et éventuellement sanctionnent les actes des dirigeants lors des assemblées générales et des réunions. Au Véloce-club béarnais ce sont même les assemblées générales - elles sont mensuelles - qui prennent effectivement les décisions, le bureau n’ayant qu’une tâche d’exécution. Ailleurs l’assemblée générale se tient chaque année, plus rarement deux ou quatre fois par an. ‘“ Dans chaque assemblée on entend le rapport du secrétaire sur la situation de la société et le compte rendu financier présenté par le trésorier ; on règle l’emploi des fonds et l’on prend toutes les mesures nécessaires pour la prospérité de la société ”’ ¹⁸⁹ . Moment essentiel de la vie de l’association, l’assemblée générale, après la lecture des rapports, devient délibérative avec l’élection du bureau et le vote des grandes orientations dont le budget prévisionnel n’est pas la moindre. Bon nombre de sociétés adjoignent à cette assemblée, surtout lorsqu’elle est annuelle, des réunions mensuelles ¹⁹⁰ à l’ordre du jour immuable : lecture du procès-verbal de la séance précédente, communication de la correspondance, présentation et admission des nouveaux membres, adresses verbales ou écrites et réclamations reçues par le président, décisions en découlant et organisation des courses et promenades du mois à venir. Les sociétés se dotent ainsi d’un calendrier précis de rencontres qui rythment et conditionnent leur activité.

Les instances et modes décisionnels consacrent donc le désir de rigueur des associations que l’examen des buts affichés et de la situation des divers sociétaires avaient déjà mis en relief.

Les modifications que font subir à leurs statuts certaines sociétés, en même temps qu’elles révèlent une vitalité évidente, confirment cet attachement à une règle incontestable adaptée dans ce cas à l’évolution du groupe et à la réalité du moment. Le Véloce-club bordelais justifie les changements décidés en 1883 par ‘“ l’extension ” qu’a connue le club et par le désir de “ marcher de front avec les autres sociétés vélocipédiques ”’ ‘ ¹⁹¹ ’ ‘.’ Les remaniements concernent aussi le Véloce-club de Tours, celui d’Angers et le Vélo-club grenoblois, autres sociétés prospères ¹⁹² . La création d’un poste de président d’honneur comme à Grenoble ou à Tours entre dans un premier ensemble d’adaptations qui tendent à élargir l’audience de la société. En effet la présence d’une personnalité de renom - souvent le maire - à ce poste purement représentatif, assoit la légitimité du groupe, source de l’accroissement des effectifs. L’établissement de membres honoraires ou de pupilles vise le même objectif. En second lieu les sociétés peaufinent leurs instances de décision en étoffant le nombre de dirigeants par des dédoublements de postes et la création de nouvelles charges ou l’institution de commissions.

De plus en plus, tout semble prévu… reste la gestion du quotidien, souvent imprévisible, elle, et qui conduit à un tableau varié de sociétés très fugitives et d’autres plus durables.