1-2. Le cyclisme associatif au sein de l’espace français : zones propices, zones répulsives.

1-2-1 Évolution

Le triplement des sociétés par rapport à 1887 ne suffit pas à harmoniser l’occupation du territoire en 1891. Les 308 associations n’investissent pas l’Hexagone dans son entier. Des régions vides subsistent. (cf. carte 3.)

Carte 3. : Le premier essor du cyclisme associatif (1891).

Sources : Archives départementales et municipales, presse de l’époque, BAUDRY de SAUNIER L. : Histoire générale…, op. cit., pp. 301-309.

Carte 4. : L’explosion du cyclisme associatif (1895)
Carte 4. : L’explosion du cyclisme associatif (1895)

Neuf départements ne possèdent aucun club. Tous appartiennent à des zones à dominante rurale et la plupart aux régions montagneuses du Massif Central (Aveyron, Lozère, Haute-Loire, Creuse) et des Alpes (Hautes et Basses-Alpes). En fait, l’arc d’implantation plus prononcée qui en 1887 chemine de la Lorraine aux régions méditerranéennes via le nord, le centre-ouest et le sud-ouest a avancé par le sillon rhodanien jusqu’à devenir un cercle. Cet anneau de forte concentration associative délimite un centre peu densément pourvu, si l’on excepte une ligne courant du Loiret au Puy-de-Dôme et laisse à ses marges occidentales (Bretagne, Manche), méridionales (Pyrénes,Corse) et orientales (Alpes) d’autres aires au maillage distendu. Parmi les régions favorisées, le sud-ouest perd de sa superbe. Les seize départements compris entre la frontière espagnole et un axe Charente-inférieure-Aude ne progressent en effet que de 70 % par rapport à 1887, ce qui réduit leur part dans l’effectif français de plus d’un tiers à moins d’un cinquième. Pendant le même temps, treize autres départements situés sur ou au nord de la ligne Rouen-Paris-Nancy multiplient leur contingent par 3,5 et comprennent alors près de deux fois plus de sociétés que le sud-ouest. D’une répartition caractérisée par la présence de deux pôles de poids à peu près égal, l’Hexagone passe en 1891 à une situation déséquilibrée en faveur du nord du territoire. La Seine s’installe au premier rang avec 20 associations devant le Nord, 15, la Seine-Inférieure, 12, le Pas-de-Calais, 10 etc. Le Lot-et-Garonne et l’Aude ne pointent qu’en sixième position avec 8 clubs. L’axe rhodanien complété du littoral méditerranéen, de l’Hérault aux Alpes-Maritimes, talonne le sud-ouest grâce à un bon quadruplement de ses sociétés. Un chapelet de départements plus rebondi à l’ouest qu’à l’est assure la jonction entre ces trois entités.

En 1895, à la suite de la déferlante du début des années 1890, aucun département n’échappe à la vélocipédie associative, sans que soit remis en cause l’essentiel des grands traits de la répartition géographique (cf. carte 4).

L’espace central et la périphérie, tous deux nettement en retrait, progressent peu - seul le pourtour occidental (Bretagne, Manche) s’extrait des positions les moins enviables - et demeurent séparés par l’anneau des implantations nombreuses.

De même, à l’intérieur de la ceinture favorisée, le fléchissement du sud-ouest par rapport à la zone septentrionale continue. Ses seize départements ne groupent plus que 14% (19 en 1891, 36 en 1887) du total des sociétés françaises contre 42% (34 en 1891, 30 en 1887) aux treize départements du nord. Le sud-ouest est même dépassé par les 15 % de l’axe rhodanien additionné au littoral méditerranéen central et oriental. La confirmation du déclin du sud-ouest provient de la progression ralentie d’une majorité de ses départements ouverts très tôt à la vélocipédie et incapables de trouver un second souffle. Le Lot-et-Garonne, par exemple, ne double pas le nombre de ses sociétés entre 1891 et 1895. Le net essor enregistré dans le Tarn-et Garonne (2 à 11 sociétés) et surtout en Gironde (6 à 49 sociétés) tranche au milieu d’une telle atonie. De la même façon, l’envol de l’entité septentrionale ne s’applique pas à toutes ses composantes puisque la Marne, la Meuse, la Seine-Inférieure et la Somme triplent au mieux leurs effectifs.

Carte 5. : Société vélocipèdiques et population en France (1895)
Carte 5. : Société vélocipèdiques et population en France (1895)