2-3-3 Autres catégories de notables.

Les incertitudes dues aux sources concernent peu les autres catégories de notables qui, d’ailleurs, constituent l’essentiel du groupe (85%) puisque chacune d’elles - le personnel politique excepté - atteint une part voisine ou supérieure à 5% de l’effectif associatif total.

La désaffection constatée entre le début et la fin de la période, aussi bien parmi les propriétaires (6,9 à 5,8%) que chez  les “ capacités ” (9,7 à 8,3%), s’approfondit dans les rangs des fonctionnaires intermédiaires - ils perdent près de la moitié de leur influence (6,1 à 3,2%) - et des négociants dont la chute dépasse un tiers (14,6 à 9,2%). En conséquence, les “ capacités ” présentent l’évolution la plus favorable depuis 1882-1887. Ils étaient alors moitié moins nombreux que les négociants et 30% en retrait par rapport aux propriétaires. En 1896-1899, ils inversent la situation avec les seconds et s’approchent des premiers. Il est vrai que leur implantation bien équilibrée entre les divers types de localités contraste avec les déficiences des propriétaires dans les villes de plus de 10 000 habitants, des négociants dans les localités rurales et des fonctionnaires intermédiaires dans les grandes cités. Cet équilibre tant géographique que chronologique du groupe des “ capacités ” repose d’abord sur les professions libérales puis sur les “ cadres ” qui, en dépit de leur déficit rural, dépassent les officiers ministériels grâce à un taux élevé en milieu urbain ⁶¹¹ . Pourtant la bourgeoisie intellectuelle, lorsque l’on compare les origines sociales des possesseurs de vélocipèdes - les rôles nominatifs de perception de la taxe sont disponibles pour Bayeux et Caen ⁶¹² - avec celles des cyclistes réunis en sociétés, ne s’illustre pas par un fort penchant associatif.

Les “ capacités ” et les fonctionnaires, pourtant fortement pourvus de bicyclettes intègrent plus précautionneusement les sociétés cyclistes que les propriétaires. Est-ce dû à une crainte plus prononcée de perdre en distinction en adhérant à une association socialement ouverte ? Ou à une moindre intégration au milieu local d’individus souvent originaires d’autres régions ? Quoiqu’il en soit, à Montpellier, cette prévention est particulièrement nette. La bourgeoisie intellectuelle, représentée à hauteur de seulement 6% dans les sociétés, pratique pourtant le deux-roues de façon assidue. Ainsi avocats et avoués réunis sillonnent les alentours de la ville lors de promenades familiales et excursionnent entre hommes sur de longues distances ⁶¹³ . Satisfaits d’une pratique informelle peu contraignante et préservant l’entre soi, ils ne structurent pas leur groupement au contraire de leurs collègues parisiens, qui, plus nombreux, créent une association, le Cercle des Pas-perdus, prévoyant ‘“ l’organisation de promenades confraternelles ”’ ‘ ⁶¹⁴ ’ ‘.’

Il n’est guère que dans le vivier de la capitale que telle ou telle catégorie de “ capacités ” ou de fonctionnaires puisse s’assembler exclusivement. Ailleurs la recherche de l’excellence sociale emprunte la voie des clubs à dominante notabilaire. Ce type d’agrégation qui correspond à une société sur cinq, se fonde le plus souvent sur l’ensemble des composantes du groupe - le Club des cyclistes de Nantes en fournit un bon exemple ⁶¹⁵ - mais parfois sur une catégorie nettement prépondérante. Les fonctionnaires dépassent les 30% au Cyclist club des Cévennes ⁶¹⁶ (Le Vigan, 1891), au Club des cyclistes de Clamecy ⁶¹⁷ (1891), au Vélo-club pontivyien ⁶¹⁸ (1893)… ; les “ capacités ” les imitent au Véloce-club vésullien ⁶¹⁹ ( Vesoul, 1892), au Touring-club dijonnais ⁶²⁰ (1892), au Cyclo-club toulonnais ⁶²¹ (1895)… La barre des 50% n’arrête pas les propriétaires - International cyclo-club de Nice ⁶²² (1891), Union vélocipédique de Fabrezan ⁶²³ (1892)… - ou les négociants - Vélo-club dauphinois ⁶²⁴ (Grenoble, 1890), Véloce-club de Fécamp ⁶²⁵ (1892)… À l’opposé quelques véloce-clubs fonctionnent sans aucun appoint des notables, mais, en dehors du département du Nord où cette situation concerne 9 sociétés sur 24, le phénomène reste limité. Une telle discrimination est en revanche très fréquente vis à vis des ouvriers et des agriculteurs.